Là, cette malheureuse voit chaque nuit se reproduire les scènes effrayantes dont elle a été témoin pendant sa jeunesse : elle tremble sous la main du bourreau, elle est arrosée du sang des victimes, elle gémit à faire pleurer les pierres. Au bout de quelques semaines, les accès deviennent moins fréquents. On lui rend enfin sa liberté, sûr de la voir revenir l’année suivante.
« Le comte de Nideck se trouve dans une situation analogue, me disais-je, des liens inconnus de tous l’unissent évidemment à la Peste-Noire. Qui sait ? – Cette femme a été jeune... elle a dû être belle. »
Et mon imagination, une fois lancée dans cette voie, construisait tout un roman. Seulement, j’avais soin de n’en rien dire à personne, Sperver ne m’aurait jamais pardonné de croire son maître capable d’avoir eu des relations avec la vieille : et quant à mademoiselle Odile, le seul mot de folie aurait suffi pour lui porter un coup terrible.
La pauvre jeune fille était bien malheureuse. Son refus de se marier avait tellement irrité le comte qu’il supportait difficilement sa présence ; il lui reprochait sa désobéissance avec amertume et s’étendait sur l’ingratitude des enfants. Parfois même des crises violentes suivaient les visites d’Odile.
Erckmann et Chatrian :
Gens d'Alsace et de LorraineOlivier BARROT signale la publication aux Presses de la Cité (collection Omnibus) de "
Gens d'Alsace et de Lorraine" d'
ERCKMANN-CHATRIAN. Ce gros ouvrage rassemble six des Romans et Contes des deux célèbres Alsaciens.