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EAN : 9782351500514
384 pages
Revue Europe (04/10/2012)
5/5   1 notes
Résumé :
De la fin du XVIe siècle à la mort de Calderón en 1681, le théâtre espagnol a connu un véritable Âge d’or. L’invention de ce théâtre nouveau fut un événement fondamental dans la culture occidentale.
Comment a pu s’opérer une telle rupture ou, pour mieux dire, un tel saut qualitatif ? En fait, il n’a pas suffi que, dans le ciel des lettres hispaniques, apparaisse Lope de Vega (1562-1635). Il a fallu que ce « prodige de la nature », comme l’appelle Cervantès, s... >Voir plus
Que lire après Europe, n°1002 : Le Théâtre espagnol du siècle d'orVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La revue Europe a consacrée son numéro 2002, paru en octobre 2012 au théâtre espagnol du siècle d'or. le dossier a été dirigé par Jean Canavaggio, professeur émérite de l'université de Nanterre. C'est un complément bienvenue aux deux volumes de la Pléiade consacrés au théâtre espagnol du XVIIe siècle, dont Jean Canavaggio a rédigé les préfaces. Une dizaine de contributions de divers spécialistes permettent de mieux comprendre ce théâtre. Les contributions sont complémentaires, il y a une cohérence de l'ensemble des textes, qui abordent divers aspects de la question. Les textes, écrits par des universitaires spécialistes du domaine sont tout à fait abordables pour un non spécialiste, même s'il vaut mieux connaître un peu les textes et les auteurs.

L'introduction de Jean Canavaggio rappelle le cadre, et introduit les différents aspects qui seront traités plus en détail dans les contributions. Nous avons ainsi une tentative de définition du genre, en particulier grâce à un des rares textes « théoriques », écrit à l'époque de sa splendeur par Lope de Vega, puis une « poétique » qui tente de préciser les traits spécifiques de ce théâtre, et d'identifier les différents sous-genres qui le composent. Il y a une typologie de personnages et du public, une étude sur les conditions matérielles des représentations, des focus sur des genres spécifiques, l'auto sacramental et les formes brèves, la postérité, la réception en France etc.… C'est très riche et donne beaucoup de clés pour pénétrer ce théâtre, en un nombre de pages très raisonnable.

Il est impossible de résumer l'ensemble de ces textes. Peut-être juste quelques points saillants qui m'ont particulièrement frappés. C'est un théâtre qui a été très abondant, environ 10 000 pièces ont été conservées, mais une grande partie est perdue. Ces pièces n'étaient plus considérées comme propriété de leur auteur, une fois vendues à une troupe, et l'auteur ne devait pas conserver de manuscrit, qui aurait pu servir à une compagnie rivale. Les éditions étaient donc plus tardives et problématiques. C'est un peu comparable à ce qui est arrivé à l'oeuvre d'Alexandre Hardy, le premier dramaturge professionnel en France, qui a écrit environ 600 pièces dont seules 34 ont subsisté, car « poète à gages », ses oeuvres ne lui appartiennent plus une fois vendues pour des sommes dérisoires. Ce qui reste du théâtre espagnol n'est donc qu'une partie. le seul Lope de Vega aurait écrit plus de 2000 pièces, dont il ne reste « que » 400 environ.

Le siècle d'or de ce théâtre déborde largement le XVIIe siècle : il a fleuri entre 1590 et 1750, donc plutôt pendant un siècle et demi. Il y a eu différentes périodes, plusieurs générations d'auteurs, donc les plus célèbres sont Lope de Vega et Calderon, les seuls que l'on peut encore espérer voir jouer parfois en dehors de l'Espagne. Mais d'autres sont cités pour avoir créé des personnages ou inspiré des auteurs au-delà des frontières de leur pays, comme Tirso de Molina, le « créateur » du personnage de Dom Juan. Car c'est un théâtre qui a été lu, sinon traduit ou joué en dehors de l'Espagne (des troupe espagnoles ont joué à la cour en France, sous les reines espagnoles) et parfois pillé : le Cid ou le Menteur de Corneille par exemple y trouvent leur source. Mais il y a beaucoup d'autres exemples.

Un des traits caractéristiques de ce théâtre est ( je cite Fausta Antonucci) : « l'absence d'une poétique entendue comme un système de normes préalables à l'écriture dramatique ». Théâtre commercial, basé sur une pratique face au public, auquel il s'agit de plaire avant tout, même si l'ambition d'éduquer n'est pas absente. L'écriture est inductive, on essaie ce qui marche auprès du public, plutôt que d'appliquer des préceptes et des règles. Cela donne un théâtre qui mélange le tragique et le comique, qui est indifférent à l'égard des unités de temps et de lieu. En effet, pour raconter une histoire, ce que privilégie ce théâtre, il est presque impossible de se borner à un seul lieu pendant 24 heures. Il n'y a pas non plus de quasi obligation d'un seul type de vers (comme l'alexandrin), différentes métriques peuvent être utilisées, y compris à l'intérieur de la même pièce. Les pièces (sauf pour les formes courtes) sont en trois actes appelés journées. C'est donc un art très différent du théâtre classique français.

Un des textes du dossier (sous la plume de Florence d'Artois) s'interroge sur l'absence de la tragédie classique en Espagne. C'est fort intéressant, parce que les débuts du théâtre moderne dans les deux pays ont la même origine : le théâtre humaniste, qui entend revenir au théâtre antique. En Espagne on l'appelle la tragédie philippine (car elle fit son apparition pendant le règne de Philippe II). Né dans les collèges, comme ailleurs en Europe, ce théâtre n'a pas connu le succès, et a été remplacé par la Comedia nueva. En France aussi, au début du XVIIe siècle, est apparu est un théâtre irrégulier. Il y aura même un moment où la tragédie s'efface devant la tragi-comédie, irrégulière par essence. Mais très rapidement un débat publique, parfois virulent, s'installe, qui va aboutir au triomphe de la tragédie régulière et à la disparition de la tragi-comédie. Florence d'Artois attribue un rôle essentiel dans ce processus à une lecture d'Aristote (Poétique) qui aurait été pratiquée en France et non en Espagne. Elle pense que c'est Chapelain grâce à ses écrits théoriques qui a permis à la tragédie classique de prendre le dessus.

J'aurais quand même tendance à penser que Richelieu a eu aussi sa part dans l'affaire. le tout puissant premier ministre s'est beaucoup intéressé au théâtre (il a même écrit ) et il encouragé un art très normé. le théâtre, comme d'autres arts, était de fait subventionné (le troupes et les auteurs pouvaient être pensionnés). le prix des places dans les théâtres parisiens ne permettaient pas à un public réellement populaire d'assister aux spectacles : ce que les commentateurs de l'époque appelaient « le peuple » correspondait à ce que nous appelons la classe moyenne, (moyenne voire petite bourgeoisie), et non pas les ouvriers ou domestiques. Comme les troupes étaient pensionnées, la vente des places ne représentait qu'une partie de leurs ressources, et elles pouvaient vivre assez bien avec des spectateurs relativement peu nombreux, mais payant leurs places assez cher, d'autant plus que le nombre de troupes à Paris était régulé par le pouvoir. A ce que j'ai compris, en Espagne le théâtre vivait des spectateurs, qui étaient plus nombreux et plus diversifiés sociologiquement. Ce qui a provoqué un théâtre de nature différente, plus « intuitif » et qui devait à tout prix séduire des spectateurs très divers.

C'est une lecture très intéressante, qui permet une bonne introduction vraiment complète, et très accessible.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Avec le drame élisabéthain et la tragédie française classique, la Comedia espagnole du XVIIe siècle constitue l'un des trois grands théâtres inventés par l'Europe des Temps Modernes.
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Parmi les nombreux traits qui caractérisent la Comedia nueva lors de son apparition, l'un des plus intéressants et des plus singuliers est l'absence d'une poétique entendue comme un système de normes préalables à l'écriture dramatique.
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