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Hors de l'Antre, ça irradie sévère. Dans l'Antre, on survit. Mais qui est ce « on » ? Une exceptionnelle fable post-apocalyptique pour questionner, cruellement et poétiquement, les fondations de l'identité.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/12/note-de-lecture-lantre-brian-evenson/

Dès ses débuts littéraires avec les nouvelles de « La langue d'Altmann », en 1994, l'intérêt de Brian Evenson pour la science-fiction – et pour ses motifs les plus propices aux expérimentations langagières et philosophiques complexes – était manifeste. S'il était également essentiel pour lui de porter le fer et le feu dans les replis les plus sombres du fait religieux dévoyé (« Père des mensonges », 1998, ou « Inversion », 2006) ou de la pulsion sectaire à géométrie variable (« La confrérie des mutilés », 2002), et d'y trouver les éléments de base de sa propre grammaire de la cruauté (« Baby Leg », 2009), le contexte pré- ou post-apocalyptique et les figures de l'effondrement hantaient ainsi résolument son travail dès l'origine, ce dont témoigneront à leur tour d'autres nouvelles, dans les recueils « Contagion » (2000) ou « Fugue State » (2009, non traduit en français), notamment (et en ne tenant naturellement pas compte de sa somptueuse incursion dans une franchise science-fictive parmi les plus célèbres, avec « Alien : No Exit » en 2008, en attendant ses autres travaux de ce type, non traduits en français pour l'instant, du côté de « Dead Space » en 2010 et 2012).

« immobilité » (2012, et dont on parlera très prochainement sur ce blog) s'inscrit bien de plain-pied dans un décor post-apocalyptique, premier roman de l'auteur à s'afficher ainsi, après les nombreuses nouvelles évoquées ci-dessus, mais son ancrage géographique visible, dans l'Utah, et ses références omniprésentes, en pleine lumière ou plus secrètes, à l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (les Mormons, la communauté dans laquelle Brian Evenson fut inséré jusqu'à ce que son art l'en chasse), le rattachent plus directement aux écrits plus anciens de l'auteur. « L'Antre », publié en 2016, traduit en 2023 chez Quidam par l'excellent Stéphane Vanderhaeghe (lisez donc son fabuleux « P.R.O.T.O.CO.L. » sans attendre !), apparaît ainsi comme son premier roman intégralement de science-fiction – et de bien d'autres choses encore.

En-dehors de l'antre (cette superbe trouvaille pour rendre compte de la moite obscurité décatie qu'implique presque fatalement the warren), ça irradie sévère, bien des années après la catastrophe. Nul n'y survivrait – et encore – sans combinaison adaptée. de plus en plus rares, les survivants ont pris ici la forme de clones ou d'androïdes, téléchargeant au compte-gouttes leurs mémoires soumises à l'entropie informatique dans des corps de moins en moins idoines, lorsque le devoir les appelle. Ayant longtemps travaillé par paires, celui qui nous ouvre la narration de ces 100 pages, tout en densité poétique et conceptuelle, est maintenant et d'abord un solitaire, par manque de matériau. Tout flanche autour de lui, matériellement, corporellement et mémoriellement. « J'aurais bien des réponses possibles, mais quelle était la question ? » pourrait-il se susurrer à lui-même dans un nouveau moment de doute. « Et pourtant il faut bien vivre et avancer », doit pouvoir se dire cet ultra-moderne Sisyphe décati (vers lequel pointe joliment la couverture française, là où la couverture américaine évoquait peut-être davantage Prométhée, sachant que les deux mythes fusionnent ici aisément au bout d'un moment).

Frontières de l'humain et du machinique en conditions dégradées ? Loin des machines insurrectionnelles de la roboxploitation, et même de celles, si subtiles, d'un Dominique Lestel, ce sont ici les fidèles supplétifs jusqu'au-boutistes d'une humanité (au sens classique ou canonique du terme) disparue qui s'agitent sous nos yeux incrédules, d'un mouvement beaucoup plus beckettien que brownien (« En attendant Godot », et peut-être plus encore « Fin de partie », ne sont jamais bien loin). Pour un auteur qui n'a jamais caché son intérêt précoce pour Gilles Deleuze en général, et pour sa collaboration avec Félix Guattari dans « Capitalisme et schizophrénie » (« L'Anti-Oedipe » de 1972 et le « Mille plateaux » de 1980) en particulier, le passage au microscope (superbement défaillant) de personnalités multiples ainsi confinées (à beaucoup plus d'un seul titre) semble au fond aller de soi. On notera également qu'il n'est pas insensé, loin de là, pour celui qui est depuis 2011 l'un des traducteurs d'Antoine Volodine pour le public anglophone, de se pencher ainsi sur l'étrange continuum fictionnel et songeur qui relie la vie, la mort, la non-vie et la pas-tout-à-fait mort (comme le disait à sa belle manière joueuse, sur un tout autre terrain, le Miracle Max de « Princess Bride »).

En multipliant aussi savamment que discrètement les fausses inadvertances et les rusés pas de côté, en tirant tout le parti possible de cette concision minimaliste qu'il affectionne, Brian Evenson nous offre ici un extraordinaire questionnement en situation extrême sur l'identité individuelle et collective, sur le lien entre ce que nous sommes (ou pensons être) et ce que nous lisons et écrivons. Littérature intimement politique, questionnant encore et toujours davantage ce que peut nous faire le langage, « L'Antre » a tout d'un chef d'oeuvre de paradoxe en action.

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Je vais devoir arrêter de dire que je n'aime pas les récits post-apocalyptique car quand ils sont écrits avec la finesse, la justesse et l'immersion de Brian Evenson, je suis fan !


Découvert le mois dernier chez Rivages grâce à son texte immobilité, je récidive ce mois-ci avec L'Antre, paru en même temps chez un autre éditeur : Quidam. Les deux textes semblent se faire écho et nous proposent une vision complémentaire de la vie sur Terre après une catastrophe et de questions qui se posent alors aux survivants dans ce nouveau cadre.




Si immobilité proposait un roadtrip surprenant, L'Antre offre un voyage intérieur tout aussi saisissant. J'avais, pour ma part, un peu délaissé ce genre de récit dans des lieux clos depuis Silo de Hugh Howey qui m'avait laissée sur ma faim. J'y reviens puissamment avec la plume terriblement efficace et fouailleuse de Brian Evenson. Plutôt que nous questionner sur notre survie d'un point de vue matériel et aventureux, il s'attaque à notre définition même de l'intime et c'est encore plus ravageur.

L'Antre, c'est le récit d'une entité qui cherche à se définir. Est-il une personne ? un humain ? Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'une personne ? Qu'est-ce que la différencie d'un humain ? J'ai trouvé le voyage intérieur pour tenter de répondre à ces questions fascinant. L'auteur a l'art et la manière pour rendre ces récits happant et touchant, avec un héros qui nous émeut par cette quête incessante sur son être. J'ai de suite été prise par les questionnements et les voyages intérieurs de son héros sous ses multiples formes que j'ai trouvé émouvant. J'ai parfaitement su visualiser sa quête malgré sa teneur très intérieure et spirituelle, ce qui n'est pas une mince affaire. L'auteur touche pour moi une des cordes sensibles de la SF et il le fait avec grand talent.

Le texte est court et pourtant particulièrement efficace. On se met bien dans la peau de ce héros singulier. On part à la rencontre de l'Antre avec lui et de ce qu'elle cache ainsi que de cette Terre dissimulée à la surface, inaccessible et mortelle. C'est passionnant. La conception de ce héros narrateur est telle que cela rend la lecture très dynamique grâce aux mystères qu'il porte et aux réponses qu'il cherche. C'est très vif et immersif à lire, et l'ensemble est rondement mené avec un final, peut-être moins percutant que dans immobilité, mais tout aussi juste et réussi par les questions qu'il soulève.

Brian Evenson est sur le point, en deux textes, de me réconcilier avec les romans post-apocalyptiques, moi qui n'en était pas férue. Avec ses questionnements sur la nature même de l'humanité, il touche un point sensible et le fait avec justesse et vivacité grâce à une plume riche et immersive qui sait totalement attraper le lecteur pour ne plus le lâcher. Aussi à l'aise sur des textes ultra courts que d'autres plus longs, c'est définitivement un auteur dont j'aimerais découvrir d'autres textes de cette veine !
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Jusqu'ici passé complètement à côté de mon radar, l'auteur américain Brian Evenson a deux de ses récits qui sortent cette semaine en français, immobilité chez Rivages imaginaires et L'Antre chez Quidam éditeur. C'est ce dernier récit qui, par sa brièveté, m'a servi de dernière lecture 2022 et donc… de première chronique pour 2023.
Bref, L'Antre l'est avec seulement 110 pages au compteur. En revanche, ce n'est pas forcément un texte d'abord facile, tellement il multiplie les faux-semblants. A priori, nous sommes dans un monde post-apocalyptique où le narrateur, qui se pense le seul survivant, se demande s'il doit quitter l'antre du titre à la recherche d'un hypothétique « humain ». Pourtant, peu à peu, des incohérences apparaissent dans son récit. le narrateur n'a pas de nom, le terminal qui répond à ses questions ne cesse de lui demander ce qu'est une personne, et son sang coule… jaune. Qu'est-il vraiment ?
Nous n'aurons pas de réponse précise sur ce qu'il s'est passé à la fin de l'histoire, ni d'explication sur ce qu'est le narrateur. Dans ce récit, le voyage est plus intéressant que la destination, et les questions qu'il nous pose plus intéressantes que des réponses déjà imposées par l'auteur. À travers les différentes étapes du parcours du narrateur, ses interrogations, ses conflits internes, nous nous interrogeons sur ce qu'est être humain, être vivant. Et si une personne est la convergence d'un corps et d'un esprit ou si le corps n'en est que le réceptacle. Une grande matière à réflexion pour un texte si court.


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Curieuse novella que celle-ci ! L'Antre est le premier livre de Brian Evenson que je lis, et je dois bien avouer que cette découverte est plus qu'intrigante. L'histoire suit ainsi X, qui vit dans une sorte de bunker souterrain et ne doit jamais en sortir, si ce n'est pour chercher du secours et des matériaux afin de construire ses successeurs. Dans cette mission, il sera aidé par un ordinateur et les personnalités de tous ceux qui l'ont précédé dans cette mission.

Dans un décors post-apocalyptique minimaliste et froid, nous suivons ainsi ce curieux personnage sans rien savoir de lui : ni qui il est, ni ce qu'il est. le peu que l'on apprend apporte finalement plus de questions que de réponses, et j'ai beaucoup aimé cette sensation d'être finalement aussi perdue que X. Il ne sait pas qui il est, il sait juste qu'il est un bipède, une personne, mais pas un humain. Il ne sait pas où il est, il ne connait que quelques mètres carrés de cet antre froid et impersonnel. Pire, il ne sait pas ce qui s'est passé, il ignore même pourquoi il existe réellement.

L'alternance entre les ''personnes'' qui habitent le corps a quelque chose de très étrange, la présence de Horak amplifie encore le malaise, jusqu'à cette fin trouble qui est à la fois déstabilisante et plaisante. N'espérez pas avoir de solution, l'Antre n'en a aucune à fournir, elle n'a qu'un flot de questions entêtantes : que sommes-nous ? Qui sommes-nous ? Sommes-nous réellement des personnes ?

(Je ne sais pas trop pourquoi, mais cette novella m'a beaucoup rappelée le film d'animation ''Numéro 9'' de Tim Burton, en tout cas c'est clairement comme ça que j'ai visualisé ce monde, jusqu'à cette fin que j'ai trouvé empreinte de ces mêmes questionnements presque poétiques).
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Nouvelle de 100 pages d'un auteur qu'il me tardait de découvrir, L'Antre est un texte qui mêle SF et littérature blanche.

Narration désincarnée, peu de détails sur l'univers mais une ambiance froide et énigmatique.

La solitude et l'horreur sont omniprésentes voire même un coté claustrophobique (j'ai d'ailleurs pensé au roman Silo de Hugh Howey pour ce côté bunker sous terre)

On s'interroge beaucoup sur le contexte et nous avons peu de réponses mais l'intérêt de cette nouvelle se trouve dans les différentes questions existentielles que soulève le personnage principal.

Fable philosophique qui nous interroge sur la notion d'individu, sur la perception de soi et des autres, L'antre me donne envie de poursuivre la découverte des romans de Brian Evenson.

Bon à savoir : l'Antre et immobilité publié chez les éditions Rivages se déroulent sans le même univers et mieux vaut lire l'Antre en second.
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L'Antre est inquiétant, parfois oppressant mais .
Brian Evenson, comme à son habitude, sème le trouble sur la question de l'identité.
X vit dans l'Antre, un refuge souterrain,et ne peut en sortir au risque de mourir car dehors l'air est toxique. X est plusieurs, mi-humain, mi-personne contraint d'accepter un futur indéterminé . Or, être une personne ou un humain sont deux notions distinctes.
Ce texte court s'inscrit dans la littérature d'anticipation et il est bien difficile de résister au style singulier et à l'humour noir de Brian Evenson.
Traduction de Stéphane Vanderhaeghe auteur de P.R.O.T.O.C.O.L
Quidam Editeur
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Dans « L'Antre » de Brian Evenson, le lecteur se retrouve dans un récit sans temps ni lieu. Il ignore en quelle année se déroule l'action et où se trouve exactement « l'Antre ». le personnage principal ne cesse de s'interroger sur son existence. Est-il un être humain ? Il est, sans aucun doute, une “personne”. Mais lorsqu'il demande au terminal, une Intelligence Artificielle qui l'accompagne dans ses soliloques, de définir ce mot, ce dernier répond invariablement : « Bipède doté d'une pensée individuelle logée dans un corps issu de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde, se développant ensuite dans un utérus ». Correspond-il à cette définition ? Et quel est son nom, s'il en a un ? Serait-il le dernier être vivant de ce monde? Et à qui appartiennent ces yeux à l'intérieur de sa propre tête ? Il n'est même pas certain que toutes ces questions soient les bonnes.
Le personnage nous rappelle le héros kafkaïen de la « Métamorphose », à ceci près qu'il a entièrement perdu ses repères, sociaux et personnels. Il erre dans ses pensées, et dans celles d'esprits qui survivent en lui. Ce roman fascine par la simplicité de sa structure et le déroulement d'une action paradoxale qui fait de la sortie de l'antre une nécessité vitale, mais rendue impossible par l'air irrespirable de l'extérieur. Un texte troublant qui questionne la nature même de l'existence humaine.
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« L'Antre », (2023, Quidam, 120 p.) traduit par Stéphane Vanderhaeghe de « The Warren » (2016) vient de sortir. Cela faisait un bail qu'il n'y avait plus rien de traduit de Brian Evenson, depuis la fin de la collection de « Lot 49 » de Christophe Claro et Arnaud Hofmarcher. Donc, cette nouvelle comble le déficit, d'autant plus que parait également « immobilité », traduit par Jonathan Baillehache (2023, Rivages/ Imaginaire, Payot et Rivages, 256 p.). Et comme dit le quatrième de couverture : « Bienvenue dans la vie de Josef Horkaï ». Il est vrai que l'on est avec deux hommes en combinaison de protection, dans un monde qui a changé. La couverture du livre aussi a changé, peut être pas forcément en mieux.

Il n'est pas simple de faire la bibliographie de Brian Evenson, car ses premiers titres ont été publiés à petit nombre, en édition limitée, et plusieurs de ses nouvelles se retrouvent dans différents ouvrages. Ceci est valable pour les éditions anglo-saxonnes, comme pour les françaises, voir par exemple « Désir et Digressions » (2009, Cherche Midi, 8 p.), que j'ai personnellement eu du mal à trouver (et fort chère, d'ailleurs). Finalement la réponse est que cette nouvelle (10 p.) est placée avec un mince catalogue (catalogue 2010) de la collection Lot 49. C'est un peu une analyse par Brian Evenson de ses oeuvres. « le réalisme littéraire repose sur une vision des Lumières selon laquelle les êtres humains peuvent, en principe, progresser ; cette perspective suppose que le libre arbitre et la pensée sont des affaires sans problème. Par conséquent, les personnages de fiction réaliste ont généralement la capacité de grandir et de changer pour le mieux, et même s'ils ne changent pas, il existe au moins une possibilité de changement - une prise de conscience, un moment épiphanique - présenté à un protagoniste ».
Drôle de parcours pour Brian Evenson, un peu comme ses livres d'ailleurs. Il nait mormon, en 1966, dans l'Iowa et dans une famille mormone depuis six générations. Il devient prêtre et enseigne à Brigham Young University (BYU), établissement confessionnel. Brigham Young était le successeur de John Smith, fondateur des mormons, en tant que président de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. C'est lui qui développe l'enseignement dans l'Utah, avec comme principale cible d'éradiquer les deux principales fausses prophéties que sont le Darwinisme (l'évolution) et le Marxisme (le communisme). Ou les remplacer par une autre. La BYU, située à Provo, Utah, compte en tout 50000 étudiants, dont certains dans les centres situés à Hawaii, dans l'Idaho, Paris et Jérusalem (on y reviendra dans « Prophets and Brothers »).
Tout allait bien jusqu'à ce que Brian Evenson publie « Altmann's Tongue » (1994, Knopf, 239 p.) puis réédité (2002, Bison Book, 278 p.) avec une introduction et surtout une nouvelle postface par l'auteur. Ce recueil de 26 nouvelles fit scandale à BYU et Brian Evenson est même menacé d'excommunication (ou alors il renonce à écrire d'autres pareilles turpitudes). Suite à ces pressions, il quitte l'Eglise, la BYU et doit rompre avec sa famille. Sa lettre de renoncement à BYU est un véritable pamphlet contre l'Eglise des saints des derniers jours. Tout y passe, la nécessité de l'église, les actions contre la liberté des femmes, la liberté universitaire, le mode d'évaluation tout à fait malhonnête, les faux témoignages. Bref « Il ne serait pas fier de rester à BYU ». On peut toujours aller voir le post sur ces nouvelles.
« L'antre » immerge le lecteur dans une fable post-apocalyptique, rien que cela. Il n'est même plus question de la survie de l'humanité. D'ailleurs, c'est elle-même qui est en jeu.
Sachant que la surface de la terre, ou d'une autre planète, est devenue inhabitable, le narrateur vit sous terre, dans une caverne, un antre. Tout commence par « la dernière conversation entre deux êtres humains, si tant est que lui comme quoi appartenions à la catégorie des humains ». Et du coup le narrateur débranche Horak, la machine humanoïde qui cause. Plus personne. le dernier était « Wollen, un nom choisi par le duo qui l'avait précédé Vigus et Vagus ». On voit que par la suite, l'auteur aura du mal à justifier des dialogues. Justement, il va être question de personnes. Bien que le narrateur soit seul, il communique via un terminal, sous intelligence artificielle. Décidément, il y en a partout, même chez Big Brother. Reste à définir les autres personnes. Ce à quoi le terminal répond « Bipède doté d'une pensée individuelle logée dans un corps issu de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde, se développant ensuite dans un utérus ». Ce qui est déjà une difficulté majeure, le narrateur étant le seul homme. Peut être a-t-il, lui ou Brian Evenson, lu Cavanna, à propos de ce dernier homme. « Il se tapera toutes les veuves ». Hélas, les veuves ont disparu, reste celle du ménage Poignet. Et cela dure « soixante-et-onze ans, onze mois, six jours et vingt-et-une heure » que cela dure.
Le narrateur se reprend. Et il questionne le terminal à propos de Horak. Horak décédé, Horak congelé. Mais Horak retrouvé. C'est le discours de l'Hôtel de Ville, mais le terminal, trop jeune, n'a pas connu.
C'est alors que survient le miracle. Horak se met à parler. Comble de malchance pourtant. le terminal se désactive. le protagoniste est débité en rondelles. du sang jaune coule de ses veines.
Le protagoniste se rappelle juste qu'il doit commencer par X, car son prédécesseur se prénommait Wollem et ceux avant lui Vigus et Vagus. Mais, effectivement W, cela ne fait pas un nom. Autant s'appeler « Personne » (« Οὖτις / Oûtis »), mais il y en avait déjà un. Nous savons aussi, si on a lu le livre, que les ancêtres de X ont également été formés par paires pendant un certain temps, partageant la même lettre alphabétique dans leurs noms. Ils s'appelaient Ture/Tore, Unnr/Uttr, Vigus/Vagus, puis le solo Wollem, créé seul par manque de matériau. Peut-être que Ture et Tore ont été les premiers humanoïdes à s'IMPRIMER, étant ainsi le premier couple à jamais graver leurs souvenirs dans les deux qu'ils créaient. de fait, « The Warren » est le futur moi d'« immobilité » avec Qatik et Qanik.
« Qui suis-je pour décréter que la personne que je pense être, cette personnalité parvenue à remonter à la surface telle de l'écume, est mon moi réel ? Ces autres remplissent plus d'espace en moi que je ne le fais. Peut-être que l'un d'entre eux est mon moi réel et que je suis l'intrus ». Autrement dit « « Qui suis-je ? - Dans quel état j'erre ? - Où cours-je ? ». Bon, il sort de l'Antre. Pour aller dans un autre ? L'antre deux ? ou l'antre pot ? on ne le saura pas. de toutes façons, il y a Horak. Pourvu que son prénom ne soit pas Ann.
« Un corps friable, amputable…et qui saigne jaune ». Après tout, il y aussi, sur la côte Est, près de New York, des limules, crabes en forme de fer à cheval, mais qui ont du sang bleu. Pas celui des nobles, mais celui où l'hémoglobine, riche en fer, est remplacée par de l'hémocyanine, de même structure, mais avec du cuivre, ce qui lui donne la couleur bleue. Pour le jaune, il faudrait de la bilirubine, celle que l'on trouve dans les urines quand on n'a pas bu du bleu de méthylène, qui fait pisser bleu. Voilà, c'était mon instant matinal tout en couleurs. Ou comment concevoir un roman post-apocalyptique ou pré-néantisation en modifiant les couleurs des fluides internes. Au besoin, en fonction des humeurs rencontrées.


Je retrouve des notes sur d'autres nouvelles, plus anciennes, que je rajoute.
« Désir et Digressions » (2010, Cherche Midi, p. 7-16) reprend « Desire with Digressions » une nouvelle parue dans « Fugue State » (2009, Coffee House Press, 208 p.). Mais en fait la traduction française est un petit bonus au catalogue 2010 de la collection Lot49. le narrateur part de chez lui, sa femme l'ayant quitté, d'abord en voiture, puis à pied ou en stop. Il aboutit à une taverne, et il y fait la connaissance de quelqu'un qui lui propose une affaire d'un jour ou deux, le temps de leur « fortune assurée ». Long et pénible trajet dans la montagne et la neige. Arrivé quasiment au bout, son étrange compagnon meurt de froid. Redescente dans la vallée, retour du froid, séjour en hôpital et amputation des bouts de membres gelés. le narrateur réussit cependant à s'enfuir, retourne à sa première maison, où sa compagne l'attend. Mais ce ne sont que ses os.
« Prophets and Brothers » (1997, Rodent Press, 54 p.) édition limitée à 250 exemplaires. Il s'agit de 4 nouvelles, essentiellement dédiées à l'Ouest américain et aux Mormons. Republiée plus tard dans « The Wavering Knife ». On y découvre un Mormon fondamentaliste, qui décide de déterrer le corps du prophète Ezra Taft Benson et de le ressusciter (bonne chance à lui).
Dans « Sanctified, in the Flesh », Brian Evenson raconte les problèmes automobiles que donnent lieu une rencontre entre les Trois Néphites et/ou un groupe de tueurs. Les Néphites, qui combattent les Lamanites, sont tous deux des descendants de Néphi ou de Léhi. Ce sont des groupements issus du peuple de Mormon, des sous-sectes. Léhi était le père de Néphi. C'est le premier prophète de son peuple dans le Livre de Mormon, environ 600 ans avant notre ère chrétienne. Il descend de Joseph vendu en Égypte. Léhi et ses fils construisent un bateau et se rendent sur le continent américain. Un peu comme Noé où il écrit son grand livre. « « C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases ». Ses descendants et lui s'établissent sur une nouvelle terre. Avant sa mort, il bénit ses fils et leur parle du Christ et de la parution du Livre de Mormon dans les derniers jours.
Il faut savoir que Joseph Smith (1805-1844), le premier président de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a reçu la visite de l'ange Moroni qui lui indique l'endroit, sur la colline de Cumorah, New York, où se trouvait le livre de Mormon, volume d'Écritures saintes complémentaire à la Bible. Mormon (311 – 385), chef militaire de l'âge de quinze ans à sa mort, a vécu sur le continent américain. Il aurait eu une quarantaine de femmes, ce qui explique sa mort jeune.
Vous saurez tout sur les mormons, après tout cela. Cela vous permettra de porter la contradiction quand ils viendront sonner chez vous. Ils sont facilement reconnaissables, allant par deux, en costume noire, chemise blanche, cravate et cheveux courts. N'hésitez pas à leur parler de sexe, cela les fera fuir.


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Apocalypse schizophrénique, machinique, spéculative, où les derniers sursauts de vies s'interrogent sur les bribes de consciences dont elles conservent mémoire, sur la part d'humanité, de personnalité que l'on peut, qu'elle-même pourrait, accorder à ces répliques, à ces ultimes avatars robotiques. Dans une grande simplicité, celle du cauchemar, ce court roman plonge le lecteur dans les survivances des ultimes survivants d'une planète polluée, possiblement irrespirable tout en étant, qui sait, surtout les projections mentales d'un cerveau aux confins de la folie. L'antre retrouve la part fondamentale de la littérature d'anticipation : que demeurera-t-il de nos façons de réfléchir, de nos ontologies dans un avenir catastrophique. Brian Evenson séduit par la sècheresse de son style, la grande tension de sa prose et l'évidence avec laquelle il ne cesse de poser cette question : et si notre humanité ne tenait qu'à l'illusion de transmettre, au bord, du gouffre, quelque chose de ce que l'on prend pour notre personnalité.
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L'Antre - Brian Evenson

Un livre post-apocalyptique !

L'antre est un lieu sous terre où il se réveille. Dehors, l'air est irrespirable et pourtant il va devoir sortir !

Il est celui qui va nous entraîner sur les cent-dix pages du livre.
Il se réveille et pose une question toute simple à Horak, un terminal :
Depuis combien de temps une personne n'a pas quitté l'antre et combien de temps cette personne a-t-elle survécu ?

Mais Horak répond tout aussi simplement : quelle est ta définition d'une personne ?

Etre humain et être une personne est-ce la même chose ? Vous voilà à présent en quête de votre histoire.

Peu importe ce qu'est la vérité. Ce qui importe, c'est l'impression qu'on en a.

Un petit livre qu'on ne peut pas quitter ! le plaisir se fait attendre et chaque chapitre tend sur de nouveaux éléments insoupçonnés.

Un livre qui m'a fait néanmoins me rappeler « Moon », un film de science-fiction britannique écrit et réalisé par Duncan Jones, sorti en 2009. Alors petit plagiat !?
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