Chouette, du Nature Writing à la française ! Etant toujours à l'affût d'histoires d'ours ou de loups, je ne pouvais manquer un titre pareil. Farrachi est écrivain et militant écolo également. Il a passé une semaine en Slovénie au pays des grands prédateurs, et en rapporté un journal de bord, court mais dense.
Un mélange de réflexions personnelles, de témoignages, de descriptions, le tout centré autour de l'ours brun. C'est dans les pays de l'Est que l'amoureux de la nature a le plus de chance d'apercevoir le plantigrade. L'auteur en profite d'ailleurs pour tirer une salve nourrie contre cette mentalité franco-française qui veut que tout animal sauvage pose un problème insurmontable au brave citoyen.
Par delà les critères écologiques, et la responsabilité des hommes envers les autres créatures, je crois que la faune sauvage et libre, et surtout les grands prédateurs, sont également une part de notre imaginaire. L'homme civilisé a besoin de savoir que le monde sauvage existe (même si la plupart du temps il n'a aucune intention de s'y immerger), pour son propre salut.
Edward Abbey ne dit pas autre chose, et c'est ce que
Jim Harrison dit en substance, dans sa magnifique nouvelle "
Légendes d'automne". (On peut difficilement faire mieux dans les références...).
Je n'oublie pas non plus le parcours étonnant de ce jeune homme que
Sean Penn s'est attaché à recomposer dans l'un de ses plus beaux films, into the wild.
Armand Farrachi n'échappe donc pas à cette envie, à ce besoin. Il existe quantité de livres qui célèbrent la nature, mais presque essentiellement une nature jardinée : on célèbre la beauté des fleurs, d'un massif bien ordonné, d'un chemin de campagne bien sage entre ses deux rangées de haies, noyé sous la brume ou de la forêt en automne lorsque résonnent les aboiements mélancoliques des meutes de chasse (la chasse étant souvent envisagée sous l'angle romantique, alors qu'il ne s'agit jamais que de tuer des créatures à plumes et à poil, permettez-moi de ne voir nulle beauté là-dedans...).
Point de tout ce fatras ici. L'auteur célèbre une nature encore sauvage et des hôtes libres et potentiellement dangereux. La forêt sauvage, la vraie, se mérite et n'a rien de romantique : les marches y sont harassantes et les obstacles nombreux, les moustiques omniprésents et au bout parfois, la récompense, apercevoir l'ours.
C'est finalement au sein de la Nature que l'on réapprend à voir, respirer, entendre. A aiguiser ses sens, à apprendre l'humilité et la patience. Et cette immersion change indubitablement le point de vue de celui qui a accepté de partager son monde avec d'autres créatures. A lire toutes ces expériences, et pas seulement celle de Farrachi, j'ai le sentiment que chacun de ces témoins revient changé, plus éveillé, plus persuadé de la nécessité de protéger la nature.
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