Confrontant le lecteur à l'inceste, la pédophilie, la pornographie et au viol,
Héléna est un roman épouvantable (au sens propre du mot), vivement déconseillé aux âmes sensibles.
C'est un roman qui fera date et, après les cent premières pages où il ne se passe pas grand chose, à l'exception d'un chien écrasé et d'une panne dans le circuit de refroidissement d'un moteur … la fuite d'eau déclenche un véritable tsunami et il devient alors impossible de lâcher ce livre épais qui trouble encore mes nuits car l'intrigue est diaboliquement construite et
Jérémy FEL nous emmène de rebondissement en rebondissement dans un déchaînement de désastres, de violences et de vengeances vers le dénouement.
C'est aussi addictif qu'une bouteille d'alcool et à la fin on a le même mal de tête.
Jérémy FEL nous peint une galerie de personnages qui n'est pas manichéenne et le lecteur vit les drames des uns, des unes et des autres, et, in fine, se demande :
• Comment réagir en surprenant son conjoint dans les bras d'une autre ?
• Comment réagir en découvrant un pédophile agressant son enfant ?
• Comment réagir face au violeur de sa soeur ?
• Comment réagir en voyant la racaille incendier sa voiture ?
La frontière entre bons et méchants est très perméable et très éphémère dans ce scénario et c'est une clé de sa réussite.
Mais quelle injustice de voir un enfant innocent payer sa vie durant dans sa chair les crimes de sa mère !
« Les parents boivent, les enfants trinquent » enseigne le dicton populaire
Ce n'est pas seulement un roman noir et deux points méritent, à mon avis, d'être soulignés. L'auteur, dans la filiation d'
Aristote, nous offre une illustration de la théorie de la causalité en reprenant, par une succession d'exemples très brutaux (club de golf), la classique distinction entre cause matérielle, formelle, efficiente et finale que le jury d'un tribunal ayant à juger les prévenus devra prendre en compte pour estimer les responsabilités.
Par ailleurs les personnages, sont « orphelins », dans leurs quasi totalité, et n'ont pas la chance d'avoir ou d'avoir eu, un père et une mère, et donc n'ont pas connu leurs grands parents, n'ont ni tradition familiale ni généalogie claire.
Déracinés, fruits de mère célibataire, nés dans des familles décomposées puis recomposées, élevés dans des familles victimes d'accidents divers (noyade, chasse, accident), ou victimes de parents indignes, ils ont souffert d'une pénurie affective et d'un manque d'éducation qui semble une des raisons pour laquelle, plongés dans un contexte de désordre, ils n'ont que la violence comme issue de secours.
Qu'y a t il de plus important qu'une mère interroge
Jérémy FEL ?
Je prends la liberté de répondre : un père.
Car sans père, pas de repaire, et l'éducation d'un enfant exige la double présence d'un père et d'une mère et nos policiers et les juges pour enfants le constatent hélas chaque jour et pas seulement dans l'Arkansas.
Que nos députés lisent ce magnifique ouvrage avant de se prononcer sur la PMA sans père car vouloir protéger un enfant que l'on a pas su ou pas pu éduquer, c'est hélas trop tard et donc irrémédiable. Respectons la nature.
Jérémy FEL, me semble digne de rejoindre dans nos bibliothèques
Hector MALOT, et
Héléna trouver sa place aux cotés de «
Romain KALBRIS » et «
sans famille », avec une nuance malgré tout, c'est qu'il y a un siècle il fallait travailler pour survivre, se nourrir et gagner sa vie, alors que dans ce roman les rares personnes qui travaillent (camionneur, épicier, policier) sont (à l'exception de la péripatéticienne) présentées sous un jour peu flatteur et cet univers où le fric, la came et l'alcool tombent du ciel m'a semblé très virtuel.
Enfin l'écriture alterne le récit narratif et le brouillard onirique, c'est souvent beau, très beau, mais complexe et parfois incompréhensible !
Merci aux Editions Payot et à Babelio de m'avoir offert ce roman ; je suis impatient de rencontrer son auteur dont l'avenir s'annonce prometteur.