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EAN : 9782743660062
704 pages
Payot et Rivages (10/05/2023)
3.87/5   138 notes
Résumé :
Dans un univers sombre et magnétique, où les époques et les lieux se superposent jusqu’au vertige, Gabriel, Damien ou Natasha se débattent avec de vieilles peurs héritées de l’enfance et leurs pulsions les plus inavouables.
Jérémy Fel entraîne ici son lecteur dans un imaginaire éblouissant, où cruauté et trahison règnent en maître. Comme dans un palais des glaces, les destins se répondent et se reflètent, créant un monde où visible et invisible, réel et ficti... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (53) Voir plus Ajouter une critique
3,87

sur 138 notes
Jérémy Fel, c'est un peu le Pierre Gasly de la littérature française : il roule depuis quelques années dans la cour des grands, mais tu sens qu'il en a encore sous la pédale et que son meilleur reste à venir. Et viendra. À coup sûr. À chacun de ses trois livres, il m'aura à la fois étonné – beaucoup - et agacé – un peu -, mais je sais qu'à son prochain, j'y retournerai !

Parce que comme souvent les Normands, le p'tit gars du Havre est plutôt du genre brillant et il le prouve encore dans Nous sommes les chasseurs : 710 pages particulièrement ambitieuses, à la construction chiadée comme dans ses deux précédents romans.

Fel, c'est d'abord une facilité à raconter des histoires, restituant et coordonnant toutes celles qui lui traversent l'esprit à longueur de journées ou de nuits. Ça bouillonne, ça foisonne et parfois, avouons-le, il me perd un peu au passage, notamment dans ses lâchages fantastiques. Pour me rattraper un peu plus loin.

Dans Nous sommes les chasseurs, il nous plonge dans une histoire impossible à raconter ici, tourbillon littéraire entre fantastique et réalité, machine à laver asphyxiante destinée à essorer son lecteur pour lui faire perdre ses repères et mieux jouer avec lui. Et ça fonctionne !

En dix – très – longs chapitres, il nous embarque dans une faille temporelle où ses personnages vont se croiser et se recroiser, traversant les époques, soumis aux forces du mal et de la peur : « Un équilibre s'était brisé, une brèche avait été ouverte, le monde était maintenant la proie d'entités malfaisantes ».

Vous l'aurez compris, âmes sensibles s'abstenir ! le monde de Fel est sombre, cruel et violent : ça blesse, ça tue, ça saigne, ça étripe, ça maltraite, ça torture. Mais ça aime aussi. Beaucoup. Damien, Gabriel, Ambre, Lucas, Thomas, Natasha, Mabel… Tous ses personnages sont bourreaux ou victimes, parfois bourreaux et victimes. Sauf Gregory.

Gregory, le double, l'absent, le jumeau défunt, dans le livre comme dans la vie. Jérémy Fel en joue et s'en amuse. Pour ne plus en souffrir ? Il le met en scène pour mieux se mettre en scène. Qui est Jérémy ? Qui est Grégory ? Et il y ajoute sa mère Dominique, dont chacune des apparitions est un moment de grâce dans ce déferlement de violence.

« Je pense que même les romanciers qui écrivent de la pure fiction comme moi, parlent d'eux, d'une façon ou d'une autre. D'ailleurs je ne suis pas loin de me dire que c'est par la fiction qu'on le fait de la façon la plus honnête, quand justement on n'en a pas trop conscience… ».

Alors on se laisse porter : le style est efficace et même parfois trop ; les repères habituels – loups, cinéma, famille – sont convoqués ; Natalie Wood, Heinrich Himmler, Les mémoires d'Hadrien traversent les chapitres sans que l'on s'en étonne ; et le château de Valdenaire intrigue un peu plus à chaque chapitre.

Il y a du Lelouch chez Jérémy Fel, dans cette façon de mettre en scène des personnages qui se croisent et se recroisent, dans ce tourbillon sans fin, laissant le lecteur spectateur d'une intrigue qu'il ne comprend pas toujours complètement, mais qu'il apprécie néanmoins.

Un dernier mot enfin, pour souligner la beauté du dernier chapitre, bienvenu, nécessaire atterrissage en douceur, qui nous abandonne sur une question : et si Natalie Wood n'était pas morte noyée au large de Catalina au siècle dernier ? Elle aurait dans ce cas et à coup sûr, tourné dans le prochain film de Jérémy Fel
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Je m'appelle Grégory Fel, je suis celui qui n'est pas. Celui qui vit à travers la pensée, le fantasme, l'amour, le manque. Je ne suis pas né, mais je suis pourtant là.

Je suis l'alter ego, le frère jumeau de Jérémy Fel. Suis-je la meilleure personne pour parler de son nouveau livre ? Sans doute que non, sans doute que oui.

Il m'a offert le don d'ubiquité, entre le royaume des morts et celui des vivants, me faisant exister par ses mots. Je peux donc tout à fait être le conteur de ce conteur hors pair.

J'incarne parfaitement le concept même, de ce qu'a voulu faire passer Jerémy dans ce livre Monde, ce livre Monstre. Plus de 700 pages d'une fiction qui mange la réalité. Qui la façonne, la malaxe, la digère pour l'intégrer dans une oeuvre fictionnelle d'une ambition folle.

Moi le double qui n'est plus, je suis là, avec notre mère aussi, lors de passages qui créent une autre réalité. Mais je ne suis pas seul, loin de là, à avoir droit à ce traitement de faveur. Ce récit en 10 chapitres met de nombreux protagonistes en scène, imaginés, ayant existés, ayant pu exister autrement.

En entrant dans ces pages, Jérémy attend que vous lâchiez prise. Pour vous laisser porter, emporter. Vous laisser broyer, ronger. Vous laisser perdre, vous abîmer. Vous laisser pervertir aussi. Si vous acceptez ce parti pris, cette lecture sensorielle sera de celles dont vous vous souviendrez très longtemps.

Nous sommes les chasseurs est un roman qui ne peut être anticipé. 10 chapitres comme autant d'histoires qui pourraient être distinctes. Comme de longues nouvelles, de 70, 100 ou encore 150 pages. Sauf que des liens subtils apparaissent au fil du temps.

Jérémy nous balade. Nous ballote entre les époques, passé, présent alternatif, futur. A la (pour)suite de personnages d'un moment, ou d'autres qui traversent les périodes et les histoires.

Il attend de toi, lecteur, que tu te laisses porter, mais aussi que tu sois vigilant. Que tu suives les fils tendus, qui pourront (ou non) relier le tout. Mais, si tu arrives à te laisser emporter, te lier indéfectiblement à ces récits, tu n‘en reviendras pas du voyage proposé.

Le livre parle de violence. Endémique. Y figurent sans doute parmi les scènes les plus dures et les plus graphiques que tu vivras dans ta vie de lecteur. Une violence extrême mais pas gratuite, qui te poussera à ressentir autant de fascination que de rejet (âmes sensibles, blablabla…).

Une quête à la suite du Mal, protéiforme, pour questionner notre rapport avec lui. En poussant bien plus loin que la seule réflexion morale. Jérémy te fera côtoyer des personnes brutales, cruelles, mais pourtant pas si manichéennes. Ce roman noir est parsemé de zones de gris. Sauf concernant le Mal absolu, incarné par un personnage-lien, ange des ténèbres, sorte d'ogre moderne.

Oui, Nous sommes les chasseurs, est un livre de genre. Ou plutôt de genres, tous ces mauvais genres qui vont du Roman Noir historique au roman d'anticipation, en passant par une actualité crue. Transgenre, ce qui le rend impossible à ranger dans une case.

D'aucuns ont cité James Ellroy, Stephen King ou Lovecraft pour parler de ce texte. Il n'y a aucun doute concernant ces gémellités littéraires. Mais, de là où je l'observe (de près), je n'hésite pas à affirmer que mon frère est avant tout lui. Que sa manière de raconter lui est propre. Incomparable.

Cette histoire (ces histoires), est un passionnant travail sur la manipulation. Sous différentes formes, réalistes ou sorties d'une imagination fertile. Jérémy manipule ses personnages tout autant que toi, lecteur.

C'est à travers un chemin initiatique, imbrication de plusieurs sentiers, qu'il raconte autant qu'il questionne.

Jérémy est un prédateur d'émotions fortes. Puissantes, excessives, vraies. Il bouscule, ajoute de la tension sexuelle dans la violence, jusqu'à te pousser, lecteur, dans tes derniers retranchements.

Sa construction labyrinthique est audacieuse mais jamais prétentieuse. Il cherche à ce qu'on vive son texte ; ressenti de l'extrême. Pour comprendre aussi, après avoir éprouvé. Jamais en s'enfermant dans une zone de confort, au risque que le monstre lui échappe. Risque maîtrisé, au final, mais ce n'était pas gagné d'avance !

Lui-même ne savait pas où l'emmènerait cette aventure littéraire, où le conduiraient ces personnages. La surprise est d'autant plus forte, à lire le dernier des dix, l'ultime chapitre qui n'est en rien imaginable. Une fin comme un sauvetage ?

Parce qu'il ne faut pas oublier ces petites lueurs d'espoir, cette lumière qui se bat pour traverser cette pénombre. Elle est bien là, parfois, quand il parle des liens entre les personnages. Quand il parle de moi aussi, son frère mort, dans une mise en abyme qui interroge notre rapport entre fiction et réalité. Je suis un peu son mantra face à toute cette noirceur.

Impossible de citer tous les sujets développés dans ce livre. Mais difficile de ne pas citer l'enfance, la notion de famille maudite, ou encore la mainmise des forts sur les plus faibles… Des sujets personnels ou plus universels, traités avec le même génie.

Et puis, l'amour de Jérémy pour le cinéma, omniprésent. La nuit du chasseur, évidement, d'autres références assurément (gardons la surprise).

Tant d'émotions, tant de sensations ! Avec ces personnages qui vivent toujours, une fois la dernière page tournée. Oui, nous sommes vivants grâce à toi, Jérémy.

Nous sommes les chasseurs est un roman ambitieux comme les auteurs américains osent l'être, preuve qu'on peut se hasarder aussi sur ce genre de terres en France. Un puzzle incroyable qui démontre à la face du monde combien tu as un talent unique.

Une lecture de celles dont on ressort sans doute changé. Un voyage littéraire, une expérience réellement singulière.

Je suis fier de toi, Jérémy.
Lien : https://gruznamur.com/2021/1..
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Il était une fois, un écrivain à l'esprit tortueux déterminé à faire peur à ses lecteurs. Il s'y prenait tellement bien qu'ils ne pouvaient plus fermer l'oeil et avaient pris la décision de ne plus le lire la nuit. de jour, en plein soleil, d'autres phénomènes survenaient… des haut-le-coeur, des nausées et, parfois, de franches envies de vomir obligeant ledit lecteur à refermer, une fois encore, le terrible ouvrage qui serre le coeur et les tripes. C'est ennuyeux de le voir posé là, sur le bord de la table basse et de ne pas avoir le courage de l'approcher de peur qu'il vous brûle ou annihile toute forme de raison… C'est contrariant de ne pas pouvoir le résumer, c'est frustrant de ne pas savoir comment l'aborder. Et pourtant… une fois refermé, ce livre risque de vous manquer !

« Je ne dis pas la vérité, je dis ce qui aurait dû être la vérité. » Voilà qui pourrait résumer le nouveau roman de Jérémy Fel. « Nous sommes les chasseurs » est une oeuvre atypique, écrite par un auteur atypique, habité par des démons intérieurs, des fantômes et des esprits, louvoyant entre réalité et fiction, jouant avec l'espace-temps, s'aventurant dans de nombreux lieux grâce à moult personnages. Il part à la recherche des origines du Mal, ce qui fait souffrir et ce qui est réprouvé par la Morale, en décrypte les différentes sources en créant un arbre gigantesque, aux ramifications complexes, dont les racines s'entremêlent, se brouillent et s'obscurcissent. Durant dix chapitres, il mélange fiction et réalité, insère l'un dans l'autre, utilise des faits divers qu'il tord à dessein, construit et déconstruit, s'autorise même des aller-retour « uchroniques ». Différents pays, différentes époques, différents personnages se séparent, puis fusionnent, laissant le lecteur à la fois circonspect et curieux. Dix chapitres, comme dix nouvelles, ayant chacun leur univers propre, une histoire à raconter, un évènement à éclaircir, une problématique à dénouer.

C'est cela que je retiendrai principalement de « Nous sommes les chasseurs » : Fel s'autorise tout, ne se fixe ni barrières ni limites, exploite toutes les formes de narration, tous les genres littéraires, toutes ses références culturelles en faisant toujours la place belle à l'imaginaire qui prend littéralement possession de cette oeuvre. Il n'hésite pas non plus à utiliser ses propres fêlures comme la mort de son jumeau, à nourrir une forme de schizophrénie narrative pour offrir un texte qui aurait pu s'appeler Enfer et Damnation.

Rejet ou admiration, l'oeuvre de Jérémy Fel ne laissera pas insensible, et c'est pour moi l'essentiel à retenir. À vous de placer votre propre curseur sur ce que vous pouvez supporter ou pas. Il me faut avouer que la lecture de certains passages a été insoutenable : rejet. Que certaines scènes atroces, les pires que j'ai pu lire sont restées gravées dans ma tête : rejet. Si j'analyse posément l'effet que le livre a eu sur moi et l'indubitable volonté de son auteur à marquer les esprits tant sur la forme que sur le fond : admiration. Naviguer à vue, sans savoir si je me trouvais dans un recueil de nouvelles ou dans un roman dans lequel j'avais l'impression de ne pouvoir suivre aucun véritable fil conducteur : rejet. Si je dissèque la qualité de l'écriture, l'audace de la narration, l'originalité, l'incroyable esprit d'initiative, parfois même l'insolence du récit : admiration. Si je reprends « Nous sommes les chasseurs » dans sa globalité : ADMIRATION TOTALE, une véritable ode à l'imaginaire.

Voilà comment je me suis sentie durant cette lecture, sans cesse entre deux eaux, constamment tiraillée par la décision d'un abandon définitif et l'envie d'en connaître la fin, admirative de cette capacité à inoculer, parfois par la force, des émotions totalement contradictoires, exaspérée par l'impossibilité de mettre le doigt sur ce que l'auteur cherche à nous dire, mais aussi bluffée par le génie créatif. Puis arrivent les deux cents dernières pages et avec elles, le sentiment qu'une boucle est en train de se refermer progressivement, la certitude que quelque chose de puissant et d'éblouissant arrive. le chapitre 9 qui prépare, puis le chapitre 10 qui clôture transforment ce qui s'apparentait à un recueil de nouvelles en roman. Avec cette boucle enfin bouclée jaillit la lumière tant attendue. Cette fin magistralement imaginée, originale, presque une déclaration d'amour m'a fait oublier le sentiment de rejet que j'ai pu avoir à certains passages où j'en voulais terriblement à l'écrivain de m'avoir collé de telles images sur la rétine.

Il faut savoir dans quoi vous vous engagez lorsque vous ouvrirez « Nous sommes les chasseurs ». À mon avis, ce n'est pas un livre qui se « dévore » en quelques heures, c'est un récit dense, complexe, aux ramifications multiples, sans unité de temps, sans unité de lieu (si ce n'est un manoir qui revient de manière récurrente) que traversent beaucoup de personnages (dont l'un d'eux revient fréquemment nous hanter). Vous devez accepter de ne pas tout comprendre, de combler les trous laissés par Fel avec votre propre imagination, consentir et admettre qu'il n'y a pas qu'une seule vérité de lecture, mais autant de vérités de lectures possibles que de lecteurs, qu'il vous embarque dans un dédale aux multiples déclinaisons, et que le Mal sous toutes ses formes peut à tout moment s'infiltrer sous vos chairs et accéder à votre âme.

Cette année, j'ai classé 3 romans dans la catégorie « ovni littéraire ». Je me dois de rajouter celui-ci.

Le propre de la littérature est de faire ressentir des émotions et dans « Nous sommes les chasseurs » elles sont innombrables, puissantes et souvent délirantes… Personne ne pourra mieux parler de ce livre que vous, lecteur. Tentez-le. Cette citation attribuée à un réalisateur vaut pour ce roman : « Le film doit pour lui se vivre comme une expérience sensorielle. le rationnel n'y a pas sa place. » Voilà le mot de la fin : une véritable expérience sensorielle.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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Jusqu'à maintenant je ne connaissais Jeremy Fel que de nom, j'entendais beaucoup parler de lui sur les groupes de lecture consacrés aux romans noirs, et surtout de son premier roman Les loups à leur porte. Je n'avais encore pas eu l'occasion de le lire, mais quand j'ai appris qu'il sortait un nouveau roman, son troisième, cet automne, je me suis dit qu'il fallait réparer cette lacune et le lire enfin. Et franchement, je me demande pourquoi je ne l'ai pas fait plus tôt. Je pense que c'est la première fois que je lis un tel roman, et pourtant je lis beaucoup, mais là, je suis épatée par la construction de l'histoire, par le contenu, et par cette façon qu'a l'auteur de balader le lecteur entre plusieurs univers. J'en suis sortie toute chamboulée. Il y a du Stephen King dans Jeremy Fel, car certaines scènes sont très marquantes par la violence qu'elles rejettent. Mais alors moi, qui d'habitude, ait beaucoup de mal avec la violence justement, qui me ferait abandonner un livre, ici, c'est passé tout seul. Sûrement parce que ces scènes sont englobées dans un tout, et que je savais qu'elles auraient lieu. Et ce n'est finalement pas ce que je retiendrais le plus de ce livre.
 
D'habitude, lors de mes chroniques de mes autres lectures, je vous fait un résumé de l'histoire. Là, cela va être impossible. Ce livre forme un tout qu'il est impossible de résumer sans être obligé de révéler des faits importants. Et surtout cela gâcherait la surprise et la façon dont l'auteur a voulu que vous découvriez l'histoire.
La première originalité de ce roman est qu'il est construit sous forme de 10 chapitres qui sont tous des histoires presque indépendantes, même si au fur et à mesure, on se rendra compte que tout est lié. 10 histoires comme 10 nouvelles, de très courtes d'une dizaine de pages à de très longues d'une centaine ou deux centaines de pages. Les courtes sont fulgurantes, percutantes, comme des coups de poings, les plus longues sont plus insidieuses, plus lentes à amener les faits mais tout aussi foudroyantes à la fin. Ces histoires nous emmènent dans différents pays, du Chili à l'Allemagne en passant par la France, à des époques différentes, la nôtre actuelle, ou pendant la seconde guerre mondiale, ou les années 60. Un lieu revient très souvent, un manoir isolé dans une forêt, lui aussi on le verra à des moments différents, habité ou pas.
Bien sûr, il y a des personnages. On les découvre petit à petit, au fur et à mesure des chapitres. On en suit un, puis un autre, et encore un autre, et à un moment, on se rend compte que celui qu'on est en train de suivre est déjà apparu à un autre moment de sa vie dans un autre chapitre. Puis tout se construit petit à petit, comme un puzzle, on le voit doucement prendre forme, on voit l'image finale apparaître, tout s'emboîte et on comprend alors la finalité de tout le roman. Et là, je n'ai pu qu'être épatée par l'ingéniosité de Jeremy Fel. J'ai lu une interview de lui où il disait qu'il n'avait pas de plan, qu'il se laissait guider par ses personnages, qu'il avait des scènes qui lui venaient et les façonnait au fur et à mesure. Et en lisant ce livre, j'ai pourtant eu l'impression que tout était construit méticuleusement, pour être aussi bien relié et ficelé. Je suis vraiment époustouflée !
 
Je me suis attachée à ses personnages, à Gabriel, Lucas, Grégory, Ambre, Natasha, Damien…et pourtant certains sont loin d'être des bisounours. Parmi eux, il y a des manipulateurs, des violents, des psychiquement instables, y a des gentils aussi, mais au final, je les ai tous aimés, malgré leurs actes. Et c'est là, à mon avis, la grande force de Jérémy Fel, il arrive à faire aimer chacun de ses personnages même si leurs actes sont répugnants. Il montre à travers eux toute la complexité de l'humain, tiraillé entre le bien et le mal, et il montre qu'en chacun de nous demeure une certaine noirceur, qui, si elle est titillée par des drames, peut ressortir et s'épandre autour de nous. On sent que l'auteur a mis de lui dans certains de ses personnages, je ne connaissais pas son histoire personnelle, après quelques recherches dans des interviews de lui, je me suis rendue compte que ce qui était évoqué dans le livre était vrai. Il a donné la parole à des personnes qui ont existé pour lui dans sa vie, ils leur parlent, se dédoublent, on ne sait plus ce qui est vrai ou faux, j'ai eu alors l'impression de rentrer dans la tête de Jérémy Fel. Il est habité par ses démons intérieurs, ses fantômes, ses esprits, est blessé en lui-même, et c'est tout cela qu'il fait passer dans ce livre, dans ses personnages. Et qu'est-ce que j'ai aimé !
 
Je suis totalement admirative devant un tel roman. Il est atypique, sort des sentiers tout tracés, est inclassable. Il mélange plusieurs genres, le thriller, le noir, l'anticipation, la fiction, l'autobiographie, le fantastique, le surnaturel …C'est formidablement bien écrit. L'auteur mélange aussi les codes, les narrations, les styles, et ce avec beaucoup de finesse et d'adresse. Aucune longueurs, aucune lourdeurs, le texte se lit sans accrocs, avec une certaine avidité. Car on veut savoir, on suit le fil rouge, on cherche. J'ai pris des notes, j'ai relevé le nom des personnages, quand je commençais un nouveau chapitre, je me demandais où il allait me mener, je cherchais le rapport entre les  personnages, quels indices je pouvais récolter pour m'aider à relier le tout. Et quand je suis arrivée au chapitre 9, tout s'est enfin révélé petit à petit, tout s'est relié et le chapitre 10 a clos parfaitement le tout. Et je suis ressortie époustouflée d'un tel roman. le titre prend alors tout son sens, et en effet, nous sommes tous les chasseurs de quelqu'un d'autre ou de quelque chose d'autre. Et la première chose que j'ai eu envie de faire en fermant le livre, c'est de recommencer ma lecture au début, avec tout ce que j'avais appris en tête, avec tout ce que je savais, pour avoir une autre vision d'ensemble. Je manque de temps pour le relire, malheureusement, mais je le ferai tout de même plus tard. Tout est tellement marquant que je m'en souviendrai sûrement.
 
J'ai lu ce roman sur plusieurs jours. Il faut dire aussi que c'est un beau bébé de plus de 700 pages. L'histoire est très prenante et j'avais envie de savoir, mais je ne voulais pas le lire vite, je voulais prendre mon temps. Je voulais le déguster, m'imprégner de son ambiance, des personnages, des époques. C'est aussi un roman très dense, très approfondi, qui fait réfléchir, avec beaucoup de ramifications, qui poussent à chercher où et quand on a vu un personnage ou un fait. Je pense que c'est un livre qui doit se lire lentement, et surtout pas à la légère si on veut comprendre la globalité. Il faut aussi accepter de ne pas toujours tout comprendre, de laisser planer le mystère. Tout se résout, mais il faut laisser planer une part d'ombre.
 
Je pense aussi que les ressentis de lecture seront différents d'un lecteur à l'autre. Jérémy Fel a fait ressortir des images personnelles et des émotions lointaines. C'est ce qui fait la richesse de ce roman, chacun aura une façon différente de le percevoir selon son propre vécu. Mais je pense que l'on sera tous touchés dans nos coeurs. Les valeurs sur la famille que ce roman dégage sont fortes, le poids du passé, des faits commis par nos ancêtres, la résilience, la grande force qu'a l'humain de se reconstruire, même sur des cendres. Tout cela m'a ramenée à ma propre histoire où je m'étais déjà rendue compte que des faits passés chez mes ancêtres se répétaient chez moi. C'est assez perturbant parfois de se dire que tout est toujours un éternel recommencement.
 
Je ressors très agréablement surprise de ma découverte de Jérémy Fel. Et j'ai maintenant envie de découvrir ses autres romans, ce que je vais faire sans tarder. Et je lirai son prochain à venir aussi. Ce roman  est pour moi un « OVNI littéraire » comme on dit, inclassable, et tellement marquant. Certaines scènes sont dures, très dures, choquantes, à se demander comment va l'auteur psychiquement. Je pense surtout à celle avec un micro-ondes (je ne dirais rien de plus). Je suis pourtant une âme sensible, à abandonner un livre s'il est trop violent, mais j'ai tellement été bluffée ici par la construction du roman et l'originalité du récit, que j'ai continué ma lecture jusqu'au bout.
Si vous êtes lecteurs de romans noirs, avec des touches de surnaturel, de fantastique, ce roman est fait pour vous. Et pour les autres, je vous dirai d'essayer de tenter cette lecture, car au-delà des scènes terrifiantes, les messages sur la famille sont plus forts que tout.
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Meurtres de masses, suicides collectifs, parricides, infanticides, psychoses, commis par des hommes et des femmes dont le corps et l'esprit sont possédés par des entités maléfiques.

Une pandémie qui décime près de trois millions de personnes en Europe, sans que l'on puisse connaitre la raison de l'immunité de certains humains.

Une communauté recluse dans un manoir hanté.

Gore, horreur, fresque dystopie et fantastique, des petits morceaux de vie pris dans l'immense kaléidoscope de l'existence humaine où chaque étincelle aura des répercussions sur le destin des personnages qui peuplent ce roman diaboliquement malin.

Une exploration des comportements humains dans ce qu'il a de meilleur mais aussi et surtout dans ce qu'il y a de pire. Ambiance littéraire gothique, middle-Europe et romantique très noire et rouge sang, un drôle de mélange qui rappelle les potions et autres précipités saumâtres que des apothicaires, dans leurs lugubres arrière-boutiques, préparaient pour fabriquer la pierre philosophale.
Le lecteur, parfois déconcerté, incrédule, horrifié, mais toujours passionné, se demande comment l'auteur a pu les entrainer aussi facilement dans cette aventure.

Une plongée dans l'histoire, la grande et la petite, qui n'est pas sans rappeler la meilleure littérature de genre, Stephen King en tête, mais aussi le très controversé Maurice G. Dantec ou le cultissime Dan Simmons et son non moins cultissime « Echiquier du mal ».

Jérémy Fel est un écrivain malicieux, sorcier dionysiaque à l'indéniable talent de conteur, il nous emporte dans un roman diabolique, dans tous les sens du terme.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (2)
LesInrocks
02 novembre 2021
Avec un troisième roman gore et hanté, l’auteur poursuit son exploration vertigineuse du mal. Pour mieux nous rappeler l’infinie fragilité du vivant. Une réussite.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeMonde
29 octobre 2021
Dans son nouveau roman, l’écrivain mêle siècles et genres littéraires pour rendre le mal patent et quotidien. Démoniaque.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
A l’hôpital, j’ai eu tout le temps de réfléchir à la situation. Je suis en paix avec ça. Je suis persuadé que ce virus est une sorte de régulation de la nature ou un truc du genre. On est déjà trop sur cette putain de planète. On a déjà tué je ne sais pas combien d’espèces animales, on pollue et on bétonne tout ce qui nous entoure. C’est normal que la nature se défende avant que ce ne soit trop tard.
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- Oui, après tout il est mon jumeau... Et d'ailleurs je viens d'apprendre sur lnternet que mon nom, "Fel", voulait dire "cruel, impitoyable, violent" en ancien français. Comme quoi...
- Mais cette violence, vous comprenez qu'on continue de vous la reprocher?
- Pour tout vous dire, non. J'ai toujours trouvé cette remarque assez étrange, et je me demande souvent dans quel monde vivent les gens qui me reprochent la violence de mes livres, ou plutôt dans quel monde ils pensent vivre...
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Nous sommes si habitués à soumettre les espèces que nous considérons inférieures qu'il nous est impossible d'imaginer que ça puisse être notre tour, n'est-ce pas ?
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Edith et Albert sont postés à la fenêtre de leur chambre et, à cette distance, paraissent encore plus âgés, leurs enveloppes charnelles si proches de leur futur état de cadavre, déjà hantées par leurs fantômes.
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Les vivants deviendraient fous s’ils savaient le nombre de fantômes avec lesquels ils cohabitent. Et Karl repense à celui qui a perturbé nombre de nuits de sa propre enfance, comprend qu’il a toujours sangloté dans le noir à raison, qu’il n’a jamais été seul dans sa petite chambre sous les toits, contrairement à ce que lui promettaient ses parents pour l’apaiser.
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Videos de Jérémy Fel (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jérémy Fel
À l'occasion de la 45ème édition du festival "Le livre sur la place" à Nancy, Jeremy Fel vous présente son ouvrage "Malgré toute ma rage" aux éditions Rivages. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2882011/jeremy-fel-malgre-toute-ma-rage
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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