Ferré est avant tout un poète qui fouette inlassablement sa verve pour nous décrire des sensations et des états d'âmes presque inaccessibles au pouvoir des vocables. La mélancolie signée Ferré est, sans doute, un poème miraculeux qui nous fait aussitôt oublier le fameux "bonheur d'être triste" de Hugo…
avec cet air de ne pas faire exprès, de ne vouloir importuner personne que
Léo Ferré nous fait redécouvrir la solitude, l'amour, la poésie, le combat idéologique et l'infirme condition de l'Homme.
La poésie jaillit chez-lui d'un éternel besoin de s'expliquer, de défendre ses idées, de donner des alternatives sans pour cela se prétendre prophète ou visionnaire. Il nous exhorte à effacer toutes les limites nous séparant de l'autre et de l'impossible. Usant des oxymores qu'il adore, il nous démontre avec une aisance inouïe que le Mal et le Bien, la Foi et l'athéisme, le Paradis et l'Enfer, la tristesse et la joie, la paix et l'inquiétude… ne sont au bout du compte que des classifications arbitraires que Dieu ou l'Homme a cru bon de tracer pour empêcher les Humains de se libérer et d'atteindre l'impossible. Léo nous invite donc à prendre une gomme et à effacer toutes ces lignes, à nous affranchir du despotisme de la machine pensante et à créer notre propre dictionnaire. A cet aspect de rébellion bien fondée s'ajoute le charme irrésistible d'une vieillisse toujours capable de savourer la vie et d'en croquer la part du lion. Ces cheveux blancs, cette bouche édentée, cette difficulté à courir et à sauter comme au bon vieux temps perdent, chez l'artiste, toute signification morbide car un Vieux Poète peut toujours crier, créer et noyer le monde de son art. La mort n'est donc pour lui que le quatrain final d'un beau poème qu'il chante volontiers avec tout l'amour que l'on doit à une reine, à un symbole, à un Salut :
La Mort... La Mort...
Je la chante et, dès lors, miracle des voyelles
Il semble que la Mort est la soeur de l'amour