Le voyage offert par ces "Trois Contes" de Monsieur
Flaubert est un voyage étrange... C'est un monde à la fois très loin et très proche de l'univers flaubertien.
C'est un voyage dans le temps avec les premiers âges de la Palestine et de la Bible, l'imagerie médiévale normande et la vie dans cette même Normandie au XIX°siècle.
C'est un pèlerinage auprès des inspirations de leur auteur: "
Un Coeur Simple" et son cadre, la vie étriquée et pâlichonne de Félicité ne sont pas sans évoquer "
Madame Bovary"; "La Légende de Saint Julien l'Hospitalier" n'est pas si éloigné de "
La Tentation de Saint Antoine". Enfin "Hérodias" retrouve "
Salammbo", sa sensualité, sa cruauté...
Ce sont aussi des parangons de l'écriture de
Flaubert et de sa virtuosité: perfection formelle, pureté et musique de la langue, puissance de suggestion, symétries dans la construction des textes...
C'est -et c'est là le plus inhabituel pour un auteur qui aimait à pourfendre la morale bourgeoise et l'hypocrisie des grenouilles de bénitier-, un voyage troublant au coeur de la foi... de la sainteté et sans ironie, avec si peu de jugement: Félicité croit avec la force de sa candeur, Saint Julien est digne de la légende dorée et Hérodias va chercher ses racines dans la Bible...
Il y a donc bien un thème commun qui semble unir ces trois contes au premier abord très loin les uns des autres... Il y a bien une unité, aussi étrange puisse t-elle paraître.
Le recueil est donc riche, beau et se savoure.
Le problème, c'est que qui dit "recueil" et "conte" dit aussi comparaisons et personnellement, je n'aime pas les trois récits de la même manière. "
Un Coeur Simple" me transperce par sa grâce légère, sa simplicité apparente et j'ai toujours une peine immense pour Félicité qui s'attache si fort à son perroquet. C'est sûrement parce qu'elle n'a personne à aimer, et c'est triste. J'aime les montagnes russes que produit "La Légende de Saint Julien l'Hospitalier" qui débute comme une chanson de geste délicieusement surannée (Angélique de l'ami
Zola aurait adoré!) dans lequel on croit pouvoir se pelotonner comme dans un vrai conte, qui terrifie et révolte quand Julien se met à massacrer les animaux et quand le jeune homme finit par tuer ses parents. J'aime même le malaise qui s'empare de moi lorsque il sert contre lui le lépreux que j'ai toujours trouvé inquiétant et le malaise plus grand encore quand l'histoire s'achève.
En revanche; et alors que sur le papier, c'est le conte que je pensais préféré; j'ai plus de mal avec "Hérodias". Trop bavard, trop froid malgré sa débauche de parfum, de sensualité... J'en suis sortie vaguement déçue... Il faudra que je le relise un jour, seul. Qui sait?