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EAN : 9782348057885
352 pages
La Découverte (02/09/2021)
4.37/5   47 notes
Résumé :
Fin août 1572. À Paris, des notaires dressent des inventaires après décès, enregistrent des actes, règlent des héritages. Avec minutie, ils transcrivent l'ordinaire des vies au milieu d'une colossale hécatombe. Mais ils livrent aussi des noms, des adresses, des liens.

Puisant dans ces archives notariales, Jérémie Foa tisse une micro-histoire de la Saint-Barthélemy soucieuse de nommer les anonymes, les obscurs jetés au fleuve ou mêlés à la fosse, à ja... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Pourquoi recopier cette liste de menues hardes? l'effet de réel produit par ces vêtements est irrésistible. Il y a du voyeurisme à examiner ces vêtements. Les gens fussent-ils morts depuis plusieurs siècles. Et ça éloigne du massacre. on explique rien de la violence de ce jour fatal. on l'imagine habillée, vivante, pleine de projet. A t'elle lu le livre. Je parle de Babounette. Apparemmment pas

C'est le 1er l'ivre de cet auteur que je lis. L'auteur exagère peut être un peu. Eigensinn… Les voix des persécutés nous parviennent ( quand elle nos parviennent ). Musil Montaigne sont les 2 M.
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L'histoire nous a longtemps été contée à partir "du haut" avec des dates de batailles, des noms de dynasties et de personnages célèbres. Mais c'est par la littérature que j'ai mieux compris de larges pans de notre passé : en étant invité à accompagner des personnages immergés dans le grand flot des événements et en partageant ainsi avec eux "de l'intérieur" le cours des événements de leur époque. Au lieu de survoler le paysage dans un atlas ou album photographique, on en traverse une partie à pied, en compagnie de gens de peu, ce qui impose une approche plus profonde, car "vécue". Convaincu par le "co-vécu".

La Saint-Barthélemy ? Vous en souvenez-vous ? Massacre ignoble de chrétiens par des chrétiens. Dates, chiffres, noms : que nous reste-t-il de tout cela ? Jérémie Foa nous raconte les événements à partir de la base, celle des individus impliqués. En ce temps-là, hélas comme toujours, l'être humain a des comportements exécrables inhérents à sa nature même : le voisin dénonce, le voisin assassine, le voisin "n'a rien vu", parfois l'assassin vient habiter dans la demeure de sa victime dont le corps flotte encore sur la Seine, le mari profite des troubles dans le quartier pour faire disparaître sa femme (à moins que cela ne soit le contraire), les enfants sont éliminés avec leurs parents, le riche évite la dague en payant rançon, etc. de rares cas d'humanité sont rapportés. L'histoire "n'a pas de morale" : l'assassin meurt souvent enrichi et de sa belle mort dans son lit. Les représentations moyenâgeuses de l'Enfer ont sous-estimé la cruauté dont sont capables les hommes. Buchenwald.

L'énorme travail de recherche dans les archives s'apparente à un travail de policier. Encore faut-il que ce policier ait du flair et du talent. L'enquête est difficile : il faut affronter la graphie des manuscrits de l'époque, leur vocabulaire et leurs nombreuses coquilles sous lesquelles démasquer "l'appellation originelle du disparu". La reproduction dactylographiée de nombreux extraits de registres renforce l'impression du lecteur d'accompagner l'auteur dans le déchiffrage qu'il a dû réaliser. Cette lecture n'est pas une visite virtuelle du passé : on peut y toucher de la main les traces laissées sur les murs par les croix arrachées au-dessus des fosses communes. Ces vingt-cinq tableaux de victimes et assassins nous laissent une profonde impression de malaise : comment l'apparente banalisation du crime et des atrocités a-t-elle pu exploser en quelques jours ? Quoiqu'elle transparaisse entre les lignes de cette exposition, il manque peut-être en introduction la présentation de la tension croissante entre les protagonistes au cours des années précédentes, celle de la relative accalmie ayant résulté de la Paix de Saint-Germain (1570) puis la montée en pression ayant conduit deux ans plus tard à l'explosion que l'on sait. le tsunami surgit ; on y assiste totalement médusé, sans avoir perçu aucun signe avant-coureur autre que celui que l'enseignement de l'histoire des Guerres de Religion a laissé dans les mémoires scolaires de la plupart d'entre nous. Ravensbrück.

Jérémie Foa, historien, n'hésite pas à nous parler un peu de lui ; il commence ainsi un chapitre : "Une fois, j'ai rêvé de la Tour Eiffel". Avouez que relater cette anecdote dans un ouvrage signé par un universitaire et consacré à des faits historiques datant de 450 ans n'est pas banal. Plus loin, il évoque le film "La Reine Margot". L'auteur nous parle de lui en train d'écrire. J'aime cette forme d'écriture, elle se rapproche de la littérature. Il réussit à maintenir une réserve entre ce qu'il décrit et ce qu'il ressent : pas de pathos, pas de voyeurisme. Ce récit tient de la photographie. Mauthausen. Srebrenica. Rwanda ...

Tout ça, c'est de l'histoire ancienne me direz-vous. Non. Comme nous pouvons tous le faire, l'auteur, de-ci de-là, fait des rapprochements entre l'objet de son étude et notre époque. La décapitation de Samuel Paty démontre que ce que l'on croyait à jamais derrière nous reste d'une "troublante actualité".
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Une série de courts chapitres, proches des archives, des sources (citations à l'appui), pour raconter le massacre, entre voisins, dans une société d'interconnaissances, avec beaucoup de références historiques et de découvertes. L'auteur multiplie les références : Umberto Eco, Arlette Farge, Erwin Goffman, Alexandre Dumas. J'apprécie son approche de l'historien comme découvreur de nouvelles sources, archéologue plutôt qu'historien narrateur du déjà su...Le goût de l'archive, cela me parle...
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Quel génial livre d'histoire !
Tout est parfait dans cet ouvrage de l'un des grands spécialistes des Guerres de religions qui nous entraîne dans son enquête sur la Saint Barthélémy. On pourrait se demander ce qu'il y a de plus à dire sur cet événement très commenté et très étudié depuis des centaines d'années. Cependant, Jérémie Foa nous donne vite tord en prenant le contre-pied des autres historiens. Il part du plus bas, des noms de victimes, et se met en quête de leurs "massacreurs", dresse leurs portraits, vérifie si les circonstances de leurs morts sont crédibles, si les alibi tiennent, cherche de nouvelles victimes, remontent les pistes via les archives et nous le retranscrit comme on écrirait un thriller politique. C'est jouissif, prenant et très bien construit sous forme de nouvelles chacune s'intéressant à une victime potentielle, un massacreur ou bien les habitants restés en retrait. Avec Foa on plonge dans cet évènement en partant du ras du sol où l'on découvre avec lui que ce n'est pas un massacre commis dans la folie d'une foule populeuse et haineuse mais un massacre répété, calculé et maitrisé par des catholiques extrémistes bourgeois en relation les uns avec les autres dans des communautés bien délimitées. Des groupes bien intégrés, bien entraînés qui terrorisent et harcèlent les huguenots depuis des années et ruminent leur rancoeur après la paix de Saint Germain en attendant l'occasion de se venger. On est fasciné de découvrir les ressorts d'un massacre qui n'aurait pas eu lieu sans ces terribles voisins qui quadrillent le quartier et savent où frapper et qui balancer dans la Seine. On est pris à la gorge face aux tentatives désespérés des huguenots pour s'enfuir, se repentir ou qui refusent d'abjurer au péril de leurs vies.
Je n'avais jamais été tenu en haleine par un livre d'histoire. Jérémie Foa non seulement bouleverse la façon d'aborder et de travailler sur la Saint Barthélémy par cet éclairage précieux et inédit mais il met aussi en scène ses enquêtes, ses questionnements tel un détective à la recherche des coupables : il tâtonne, admet ses erreurs, emportements et fantasmes qui lui font faire fausses routes. On plonge aussi dans ce qu'est le travail d'un historien et ses nombreux atermoiements et frustrations. Bref, on a l'impression de lire un travail d'historien à la manière d'un grand roman policier.
Un livre d'Histoire, essentiel, éclairant, enthousiasmant et très bien écrit. J'ai été emballée, vous ne pouvez que l'être aussi !
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« Coûte que coûte, il faut maintenir la paix : l'arrêt de mort des chefs protestants est signé. » (p. 6) La messe à laquelle a consenti Henri de Navarre n'a pas suffi pour sauver Paris ni la France. Aujourd'hui, personne n'ignore ce qu'est la Saint-Barthélemy : le massacre organisé d'une religion par une autre religion. Mais pour comprendre cet événement qui se déroule bien au-delà du 24 août 1572, il faut zoomer vers l'intime : ce n'est pas le protestantisme qu'on a saigné, ce sont des femmes et des hommes dont le nom est, pour beaucoup, perdu. « Plutôt qu'une autre histoire de la Saint-Barthélemy, j'ai voulu faire une histoire des autres Saint-Barthélemy. Une histoire du petit, du commun et du banal, un événement qui assurément ne l'est guère. » (p. 7) Jérémie Foa a plongé dans des minutes notariées, entre inventaires des biens des personnes décédées et autres actes de mariage. Ces documents froids et officiels prouvent les spoliations, les trahisons, les vengeances et toutes les mesquineries imaginables entre proches. « La Saint-Barthélemy est un massacre de la proximité, perpétré en métriques pédestres par des voisins sur leurs voisins. » (p. 8) Les archives sont lacunaires, voire erronées : dans ce jeu de piste, l'auteur comprend qui a donné qui : le beau-frère qui se débarrasse d'une belle-soeur encombrante, l'époux qui fait tuer son épouse, l'artisan qui excelle en tueur de masse, etc. Il y a bien sûr quelques preuves de charité et de protection, des mensonges montés de toutes pièces pour sauver un mari ou un enfant, mais les corps jetés dans les fleuves ou dans les fosses sont indénombrables. En identifiant des anonymes, Jérémie Foa rend justice à leur mémoire effacée et couverte par l'étendard sanglant de la Saint-Barthélemy.

Chaque chapitre s'attache à un nom, une famille, un quartier. L'auteur fait revivre une époque et prouve indubitablement que la folie meurtrière de l'été 1572, bien que lancée par le pouvoir royal, a été le parfait prétexte pour régler des querelles de famille et de voisinage, la foi protestante des victimes n'étant qu'un argument facile pour les tueurs. Jérémie Foa détaille par endroit son processus de recherche, ses découvertes heureuses et les impasses frustrantes dans lesquelles il a perdu la trace de celles et ceux dont il cherchait la trace. La lecture n'est pas légère, sujet oblige, mais elle est passionnante.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Maintes fois, les huguenots ont subi les tracasseries de ces hommes, ont dû les suivre aux prisons, se soumettre à leurs interrogatoires et à leurs moqueries. Ainsi s'explique aussi la passivité des protestants au coeur du massacre : cent fois ceux qui sonnent ont sonné. La Saint-Barthélemy est un événement de proximité et il faut dire tout ce qui oppose cette thèse à celle d'un massacre aveugle, rendu possible par l'anonymat supposé de la grande ville d'Ancien Régime.
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Plutôt qu'une autre histoire de la Saint-Barthélemy, j'ai voulu faire une histoire des autres dans la Saint-Barthélemy. Une histoire du petit, du commun, du banal dans un événement qui assurément ne l'est guère. J'ai choisi de l'observer par le bas, au ras du sang, à travers ses protagonistes anonymes, victimes ou tueurs, simples passants et ardents massacreurs, dans leur humaine trivialité.
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Mort dans son lit , Nicolas Pezou[...]
Ce qui est certain, c'est qu'en janvier 1573 , Pezou alors trésorier payeur de la garde française du roi, Charles IX, bénéficie d'une exceptionnelle gratification de la part du souverain [...]
Henri d'Anjou devenu Henri III, est alors au centre des réseaux de protection qui garantissent l'impunité des tueurs...
Malgré leurs plaintes les réformés ne sont pas entendus. Confiance est renouvelée à Pezou une première fois en 1577 puis en 1585 quand son pouvoir est encore accru. C'est dire combien Henri III tient à son homme -- contre une disgrâce qui pourrait faciliter la paix....
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Grands seigneurs, les commissaires décident de laisser ses meubles à Anthoinette de Sesta. La raison ? Elle est « bonne catholique, vivant soubz les constitutions de Saincte Mere Eglise catholique romaine comme elle a toujours vescu ». Mais la preuve de catholicité qu’elle exhibe ne laisse pas d’étonner : Anthoinette assure avoir été frappée par son mari pour sa fidélité catholique. Sous l’Ancien Régime, le mari a le droit, et même le devoir de corriger son épouse. Femmes adultères, femmes hérétiques, femmes égarées sont bien souvent battues par leurs maris, des fois jusqu’au sang, parfois jusqu’à la mort6. D’habitude, les commissaires exigent des attestations de catholicité, des certificats du curé ou des voisins. Anthoinette a été battue et cette violence vaut preuve. Une fois n’est pas coutume, le corporel l’emporte sur la paperasse.
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Pour qu'un massacre tel que la Saint-Barthélemy soit possible, il faut qu'une certaine intimité entre tueurs et tués soit mobilisable et déployée dans la mise à mort. Le savoir indigène, l'expertise locale, l'oeil du proche expliquent la facilité déconcertante avec laquelle se déroulent les exécutions. Les tueurs sont d'autant plus redoutables qu'ils ne sont pas étrangers au lieu des tueries ; d'autant plus retors que, pour les partager, ils savent bien les habitudes de leurs "adversaires". Ils sont familiers des lieux où les futures victimes travaillent, connaissent les rues qu'elles empruntent, les coins où elles dorment, ce qu'elles mangent, ceux qu'elles aiment. Et leurs visages, bien sûr.
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Vidéo de Jérémie Foa
Jérémie Foa - Tous ceux qui tombent : visages du massacre de la Saint-Barthélemy
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