« La vie est belle, le destin s'en écarte,
Personne ne joue avec les mêmes cartes,
Le berceau lève le voile, multiples sont les routes qu'il dévoile,
Tant pis, on n'est pas nés sous la même étoile »
Tels est le refrain du morceau « Nés sous la même étoile » du groupe de rap marseillais, IAM.
Ces paroles me sont revenues en tête à la lecture de «
La Vie devant soi ».
Ce roman nous donne l'impression de nous retrouver en plein Paris des années 60/70, attablés dans un café à boire un verre avec Momo, un jeune enfant d'origine arabe. Il nous dit avoir « à peu près » 10 ans, « à peu près », car comme il nous le dit : « Je ne suis pas daté ».
De son père, il ne connait rien. Idem pour sa mère, si ce n'est que cette dernière exerçait un métier qui consistait à « se défendre avec son cul » sur le boulevard de Pigalle ou aux Halles. Momo se définit d'ailleurs lui-même comme un « fils de pute ». Il sait aussi que vers l'âge de 3 ans, son père ou sa mère l'a placé en pension chez Madame Rosa, à Belleville dans le XXème arrondissement de Paris. Madame Rosa est une vieille grosse juive retraitée et qui, elle aussi de son temps, « se défendait avec son cul » et qui maintenant accueille « des mômes qui sont nés de travers », des enfants issus de grossesses non-désirées. Bref, Madame Rosa est devenue une sorte de mère adoptive pour enfants de putes.
À travers ce roman,
Romain Gary, nous dépeint les jeunes années de ce Momo, qui a grandi trop vite, qui est doté d'une maturité et une lucidité désarmante pour un gamin de son âge :
« On a dormi à côté du sommeil du juste. Moi j'ai beaucoup réfléchi là-dessus et je crois que Monsieur Hamil a tort quand il dit ça. Je crois que c'est les injustes qui dorment le mieux, parce qu'ils s'en foutent, alors que les justes ne peuvent pas fermer l'oeil et se font du mauvais sang pour tout. Autrement, ils seraient pas justes. »
ou bien,
« J'ai souvent remarqué que les gens arrivent à croire ce qu'ils disent, ils ont besoin de ça pour vivre. Je ne dis pas ça pour être philosophe, je le pense vraiment. »
Momo nous balance des phrases fortes, des punchlines, comme on dit, aujourd'hui, en 2020.
C'est sans aucun doute lié à son quotidien, pour le moins inhabituel, qui ne lui a pas épargné ce que d'autres enfants découvriront bien des années plus tard et notamment les problématiques du racisme, de la pauvreté, et de la difficulté à s'intégrer. Ce qui fait la force de ces paroles, c'est aussi sa souffrance dû à un manque de repères, à un besoin de reconnaissance et d'attention toujours inassouvi en dépit du véritable amour qu'il voue à Madame Rosa, cette mère de substitution.
Malgré le ton grave que prend le récit, Momo ne manque jamais une occasion de nous faire rire par ces remarques improbables.
Le style narratif de «
La Vie devant soi » m'a beaucoup fait penser à «
L'attrape-coeurs » de
J.D. Salinger mais j'ai préféré la compagnie de Momo à celle d'Holden Caulfield (protagoniste de «
L'attrape-coeurs » ).
C'est le premier roman de
Romain Gary que je lis et j'ai beaucoup aimé. J'espère que les prochains me plairont autrement.