La vie devant soi
Retomber sur ce livre en rangeant une étagère, entendre en même temps
Augustin Trapenard le proposer en lecture pour son prochain book club, me souvenir qur l'auteur était cité dans les inspirations d' @ericchacour et l'ouvrir. En lire une page, puis deux, puis dix et ne plus le reposer avant de l'avoir dévoré. Et le refermer, émue et bouleversée comme à sa première lecture, il y a de longues années.
Et c'est bien la force des grands livres que de traverser les ans sans une ride, de conserver leur force et leur pouvoir d'emotion intense.
L'histoire, tout le monde la connait. C'est celle de Momo un petit arabe de Belleville et celle de Madame Rosa, une vieille juive qui l'a accueilli avec une flopée d'enfants de putes, pour leur éviter l'Assistance Publique. Raconté à hauteur d'enfant c'est le récit tendre et émouvant de l'amour entre ces deux,en même temps que la chronique touchante et drôle d'une enfance pas comme les autres. Qu'il est attachant Momo, ce gamin vif et précoce, et comme elles sont belles toutes ces expressions qui n'appartiennent qu'à lui. Comment ne pas savourer ses « sénilités débiles », ses « états d'habitude », ses enfants « désadoptés » et autres « proxynètes ». Autant de trouvailles géniales, autant de fulgurances percutantes qu'il sert à une galerie de personnages savoureux et inoubliable. de Monsieur Hamil qui attend la mort en lisant
Victor Hugo, à l'infatigable Banania, de Mademoiselle Lola qui vend son cul au bois, au docteur Katz qui ne veut pas « avorter » la vieille dame, ils sont tous bouleversants et justes.
Même si le regard de Momo est empli de candeur, il restitue avec d'autant plus d'acuité la rudesse de cette existence : la profonde misère, le rejet et l'exclusion de ces tous ces laissés pour compte, les traces des traumatismes anciens, indélébiles et permanents. Les pages sur la vieillesse sont sublimes et que de force dans les pages sur le droit à mourir.
Enfin, il est touchant de relire les réflexions de Gary sur les religions juives et musulmanes, sur leurs points communs, sur leurs différences, sur leur cohabitation parfois compliquée mais finalement possible. Et cela prend un écho particulier dans le lourd contexte actuel.
Au final, un texte à lire et à relire, toujours et encore.
« Monsieur Hamil, est-ce qu'on peut vivre sans amour ? » demande Momo. Monsieur Hamil ne lui répond pas, mais une chose certaine c'est que ce roman, lui, en déborde. Et que çà fait du bien !