"Je le savais. Oui, je le savais. Que plus tard, on en rirait. Que l'on serait vieilles un jour et que vu qu'on aurait jamais fait notre gymnastique du périnée sérieusement, on se pisserait dessus en se rappelant cette soirée."
Je ne dis pas que c'est un saint, je dis qu'il est mieux que ça.
Depuis presque trente ans qu'ils me faisaient la vie belle... Qu'allais-je devenir sans eux? Et quand la vie finirait-elle par nous séparer? Puisque c'est ainsi, puisque le temps sépare ceux qui s'aiment et puisque rien ne dure.
Ce que nous vivions là, et nous en étions conscients tous les quatre, c'était un peu de rab, un sursis, une parenthèse, un moment de grâce. Quelques heures volées aux autres...
Pendant combien de temps aurions-nous l'énergie de nous arracher ainsi du quotidien pour faire le mur? Combien de permissions la vie nous accorderait-elle encore? Combien de pieds de nez? Combien de petites grattes? Quand allions-nous nous perdre et comment les liens se distendraient?
Ma belle-soeur Nathalie a fait pharmacie mais préfère qu'on dise médecine, donc elle est pharmacienne mais préfère qu'on dise pharmacien, donc elle a une pharmacie mais préfère qu'on dise une officine.
Ce que nous vivions là, et nous en étions conscients tous les quatre, c'était un peu de rab. Un sursis, une parenthèse, un moment de grâce. Quelques heures volées aux autres...
Puisque c'est ainsi. Puisque le temps sépare ceux qui s'aiment et que rien ne dure.
Un animal, une petite bestiole avançait dans ma direction. Était-il blessé ? Qu'est-ce que c'était ? Un renard ? Un renard avec un flacon d'urine envoyé par Carine ? Un lapin ?
Pas de chance, le train avait dix minutes de retard et quand, enfin, les voyageurs sont descendus, pas de Lola à l'horizon.
Simon et moi, nous serrions les fesses.
Et puis si, la voilà, tout au bout du quai. Elle était dans le dernier wagon, elle avait dû monter dans le train en catastrophe. Elle était bien là et marchait vers nous en agitant les bras.
Identique à elle-même et telle que je m'attendais à la voir. Le sourire aux lèvres, la démarche un peu chaloupée, ses ballerines, son tee-shirt blanc et son vieux 501.
- Hé! Tu connais l'histoire du mec qu'a cinq bites?
- Euh… Non. Je n'ai pas cette chance.
- Donc c'est un mec, il a cinq bites.
Silence.
- Et alors? je demande.
- Alors son slip lui va comme un gant!
Au secours.
Plus les titres défilaient, plus j’avais du mal à contenir mes larmes. Bon d’accord, je le redis, j’étais fatiguée, mais je sentais la boule qui grossissait, qui grossissait dans ma gorge. Tout ça, c’était trop d’émotion d’un coup. Mon Simon, ma Lola, mon Vincent, mon Jalucine sur les genoux et toutes ces musique qui m’aidaient à vivre depuis si longtemps… Il fallait que je me mouche.