Un livre d'histoire, une série de tableaux d'une époque héroïque.
Les coureurs des bois sillonnaient la forêt pour en rapporter les fourrures à la mode dans les cours royales européennes. Parcourant de longues distances à pied ou en canot d'écorce, ils pouvaient s'absenter une saison ou plusieurs années. Ils abandonnaient alors leur famille dans leur village, mais ils pouvaient aussi être adoptés par les tribus autochtones et profiter des faveurs leurs femmes.
Les coureurs des bois étaient aussi les guides anonymes, les « sherpas » de la forêt et de la plaine, accompagnant les explorateurs et traitant avec les tribus autochtones.
Publié en collaboration avec le Musée canadien des civilisations, ce grand album se présente comme une exposition, sous forme d'une série de sujets de deux ou trois pages, illustrés de dessins, de photos des objets muséaux ou de gravures d'époque. Dans un langage journalistique, chaque texte fait le portrait d'un personnage, rappelle des évènements historiques ou décrit les coutumes populaires.
Douceur des fourrures et forêts profondes, des rêves d'aventures qu'on feuillette aisément…
Commenter  J’apprécie         333
Un livre beau et bien documenté nous contant cette époque où amérindiens et européens ont su coexister. Une période dont peu d'ouvrages parlent, la plupart étant sur la chute des cultures amérindiennes et les grandes batailles entre les nouveaux habitants des USA et les anciens...
C'est le récit d'une période bien moins manichéenne mais surtout d'un temps d'utopie, où la soif de liberté rencontrait l'accueil et la culture des civilisations amérindiennes. Il en ressort un sentiment d'affreux gâchis.
Commenter  J’apprécie         70
Comme le sous-titre l'indique, c'est bel et bien à une "saga" que nous convie l'auteur : celle de ces français établis au sein des régions sauvages de l'Amérique du nord aux XVII° et XVIII° siècles...
On y apprend à quel point les plus courageux d'entre eux se fondaient littéralement au sein des populations natives pour servir ensuite de liens entre ces mondes apparemment si contradictoires : comment ils s'acclimatèrent, s'intégrèrent et évoluèrent au point de devenir de véritables "Indiens blancs" qui favorisèrent l'émergence d'un nouveau rapport au monde, d'une nouvelle culture métisse...
à recommander à tous ceux qui s'interrogent sur cette période en cette région du monde où l'influence française à été effacée des instances culturelles et idéologiques états-uniennes...
Commenter  J’apprécie         10
Avant la fin du XVIIe siècle, les Français étaient chez eux presque partout en Amérique du Nord, depuis les rivages du golfe Saint-Laurent jusqu’à l’embouchure du Mississippi, en passant par les Grands Lacs et la Prairie. (p.108)
Chez les Indiens, le sexe hors du mariage n'était pas frappé d'interdits et empreint de tabous comme chez les Blancs. On considérait les relations sexuelles comme faisant partie de la bienséance élémentaire et des plaisirs les plus légitimes de la vie. La grande liberté des mœurs sexuelles laissant peu de place aux refoulements, le viol était partout très rare et, en général, les femmes disposaient très librement de leur corps. Il semble cependant que, lors des premières rencontres, elles aient éprouvé une certaine répulsion à se laisser approcher par les hommes blancs, qu'elles trouvaient laids et sans grâce, beaucoup trop poilus et barbus à leur goût. Elles ont vite découvert qu'ils étaient plus attentionnés que leurs hommes ; ils faisaient des compliments, offraient des présents. Si les truchements et les premiers coureurs des bois ont dû développer des trésors de charme pour les séduire, les voyageurs, quand à eux, précédés par la réputation de bons amoureux qu'on leur avait faite, étaient attendus à bras ouverts.
(...)
... Pour les amérindiens, il n'y avait pas de naissance illégitime. Les enfants des voyageurs formaient, au sein de la société indienne, une minorité très visible, mais ils n'étaient d'aucune autre manière différenciés, ni rejetés, ni adulés.
Il était cependant toujours bien vu, pour une Sauvagesse, d'avoir un amoureux parmi les Blancs. Les Indiens se montraient à ce chapitre très ouverts, très curieux des autres peuples, avec qui les femmes avaient, beaucoup plus que les hommes, le pouvoir de nouer des liens intimes et, à maints égards, satisfaisants.
Avant la fin du XVII° siècle, les Français étaient chez eux presque partout en Amérique du Nord, depuis les rivages du golfe Saint-Laurent jusqu'à l'embouchure du Mississippi, en passant par les Grands Lacs et la Prairie. Pendant un siècle et demi, ils auront été presque les seuls Européens à circuler à l'intérieur du continent, les premiers à en connaître intimement la géographie et les peuples.
(...)
Les Français connaissaient bien les ressources de tous ces territoires et ces chemins le long desquels ils avaient semé leurs forts, leurs missions, leurs comptoirs de traite, dont 24 sur l'actuel territoire des États-Unis. Ils ont exploré, parfois occupé, pas moins de 31 des futurs États américains.
(...)
Du nord des Grands Lacs jusqu'au confluent du Mississippi et du Missouri, les Indiens se reconnaissaient une identité commune : ils étaient tous les enfants du gouverneur de la Nouvelle-France. En 1673, Frontenac avait exigé des Iroquois qui venaient lui demander la paix qu'ils l'appellent désormais Père. De nombreux peuples indiens ont ainsi été amenés ou forcés à faire la paix. On ne se bat entre frères. Les représentants du pouvoir français qui entraient dans les pays d'en haut, guidés par les coureurs des bois, avaient pour mission d'imposer cette paix, la "Pax Gallica", cette fraternité, ciment essentiel de l'Empire français qui s'est constitué sans peuplement, mais avec le consentement, la complicité des peuples indigènes.
Rien d'étonnant, dès lors, que de nombreux mots français parsèment la géographie américaine, dont plus de 5.000 noms de localité. Parmi ces noms, souvent anglicisés ou transformés par l'usage, certains font référence à des explorateurs (par exemple (...) ; Joliet dans le nord de l'Illinois, en l'honneur de Louis Jolliet, qui explora le Mississippi en compagnie du jésuite Jaques Marquette (...)). D'autres noms sont dérivés d'expressions françaises : Bonnet Carré (en Louisiane), Trempealeau (au Wisconsin), Culdesac (en Idaho).
Dans la traite des fourrures, Blancs et Amérindiens étaient, par la force des choses et les besoins du commerce, des partenaires égaux, du rarement vu dans les relations entre sociétés prétendument civilisées et sociétés dites primitives. Les traiteurs français ne cherchaient pas à asservir le Sauvage ni à conquérir sa terre ou son âme, mais plutôt à réaliser avec lui des échanges profitables.
... les Blancs ont dû accepter des pratiques commerciales totalement nouvelles, fondées sur le troc et sur les habitudes d'échanges et de don si chères aux Indiens. Dans la logique du don, on ne paie pas pour les marchandises ; on gratifie et on honore celui qui les a données.
Champlain le premier avait compris qu'on n'achetait pas les fourrures ; on les recevait en cadeau. Il avait compris aussi qu'il fallait bien, d'une manière ou d'une autre, avoir mérité ces cadeaux et donner en retour. Donner ce dont les Indiens avaient envie ou besoin. Tout l'art du traiteur était là : savoir quoi donner. Et à qui. Et quand.
Grandes Voix Francophones présente Georges-Hébert Germain