A Boston, un serial killer égorge des jeunes femmes. Avant de les achever, il découpe soigneusement les ventres selon ses pointillés fétiches, en extirpe l'utérus. Ante mortem, c'est mieux, pour que leur martyre, leur terreur et leur agonie se prolongent : "J'ai vu un jour la photo d'un zèbre à l'instant où les crocs du lion s'enfonçaient dans sa gorge. En proie à une terreur mortelle, l'animal faisait les yeux blancs. Je n'oublierai jamais cette image." (p. 416). Non, il ne l'a pas oubliée, cette image, ce spectacle est une des composantes de sa jouissance de tueur.
Au vu de la précision de ses incisions au scalpel, l'équipe d'enquêteurs l'a baptisé
le Chirurgien. Son modus operandi est rigoureusement identique à celui d'un serial killer abattu deux années plus tôt par une de ses victimes, la seule à avoir survécu. Cette rescapée est chirurgienne, justement. Tiens, tiens. Dans quelle mesure est-elle liée à l'affaire dont elle semble être le pivot ?
Voilà donc une énième histoire de tueur en série qui semble banale, reprenant pas mal de stéréotypes du thriller dit 'efficace' : milieu chirurgical, viol, harcèlement, tueur pervers et habile, sa voix 'off', tandem mixte d'enquêteurs - un veuf éploré beau mec, et une revancharde pas belle, qui rappelle un chouia la Barbara Havers de E. George. Gaussée par ses coéquipiers mâles, en butte à leurs blagues et leur mépris machos, elle se révèle - bien sûr - plus futée qu'eux. On n'échappe pas non plus au flic charmant qui fait craquer toutes les femmes, semant la zizanie entre elles, donc dans l'enquête, l'idiot !
A part ces détails, malgré des personnages caricaturaux, on y croit, et l'intrigue est scotchante. D'autant que l'auteur propose des réflexions intéressantes et subtiles sur le viol, côté coupable/prédateur/dominant et côté victime/proie/piétinée.
Après un peu trop d'action censée boucler l'affaire de manière forcément spectaculaire, les dernières pages m'ont semblé bien vues et plutôt originales, rappelant la nature prédatrice de l'être humain. En l'occurrence [NON, je NE spoile PAS] : les fantasmes et passages à l'acte de serial killer ne s'expliquent pas forcément par des traumatismes :
"Cette part de nous-mêmes [le noyau reptilien dont nous sommes tous issus] que tant de nous renient.
Je ne l'ai jamais reniée. J'accepte ma nature essentielle, j'y adhère. Je suis tel que Dieu m'a créé, tel que Dieu nous a tous créés.
L'agneau n'est pas plus sacré que le lion.
Pas plus que le chasseur".
Ce genre de fin me glace bien davantage que n'importe quel dénouement gore censé empêcher le lecteur de dormir.