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Myriam Bellehigue (Traducteur)
EAN : 9782330181857
416 pages
Actes Sud (06/09/2023)
3.62/5   76 notes
Résumé :
Deen, vendeur de livres anciens proche de la soixantaine, partage sa vie entre New York et Kolkata. Lors d’un séjour en Inde, ce spécialiste du folklore bengali entend parler d’une fable méconnue. Intrigué par les zones d’ombre entourant l’histoire telle qu’elle lui est transmise, Deen observe les personnages reprendre vie grâce au souffle du récit. Un marchand, persécuté par la déesse des serpents, se serait lancé dans une fuite éperdue à travers des contrées imagi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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De retour d'une longue mission je retrouve avec plaisir Babelio et ses babeliotes.
Quelques livres aussi.
Amitav Ghosh est connu mondialement pour sa trilogie de l'Ibis.
Il revient sur le devant de la scène littéraire en tant que romancier et lanceur d'alerte en publiant 2 livres : le grand Dérangement et La déesse et le marchand.
L'originalité (et peut-être l'étrangeté )de ce roman est lié à un savant tressage : Ghosh entremêle légende bengalie , préoccupation climatique et crise des migrants.
Il nous balade entre Sundarbans , sombres bibliothèques et ruelles vénitiennes.
J'ai beaucoup aimé la partie liée à cette gigantesque mangrove, entre Bengale occidental et Bangladesh, la découverte de ses habitants et de son éco-système.
Je me suis un peu perdu à Venise , dans la volonté de l'auteur de réactiver un mythe ancien pour éclairer l'accueil des migrants bengalis en Italie….
Mais ce n'est pas grave, il faut se laisser porter, dans l'ombre tourmentée de Dino, notre anti-héros sympathique et déprimé qui ne comprend pas grand chose à ce qui lui arrive.
On croisera de drôles de bestioles et compatira au sort tragique des réfugiés bengalis, sans doute premiers réfugiés climatiques à arriver en Europe.
Amitav Ghosh nous livre là un livre engagé et lyrico-mystique , pour la bonne cause !!!
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Deen, marchand de livres rares, fait une entrée plutôt discrète dans ce récit : il a un problème avec un terme ordinaire, banal, usuel en bengalais mais au centre d'une obsessionnelle et peu ordinaire histoire de marchand, de fuites, de déesse et de serpents. On est avant ça frappé par la placidité de l'existence d‘un Deen plus tout jeune qui a consacré tous ses efforts à construire, entre Brooklyn et Calcutta, une vie paisible, effacée et sans histoire et qui y est plutôt bien parvenu. le plus étonnant est que cet esprit raisonnable et tempéré, cet incontestable rat de bibliothèque empêtré dans la solitude, embarque brutalement pour les aventureuses Sundarbans, pour un légendaire sanctuaire au coeur des mangroves du delta du Bengale noyées de tempêtes. C'est avant, avant que son univers soit définitivement bousculé par les inondations, les tornades, les migrations humaines et animales, avant le face à face avec les araignées et les serpents venimeux, avant d'irréelles coïncidences.


La société est aujourd'hui durablement ébranlée par les catastrophes. Des évènements climatiques inédits sont venus perturber l'ordre du monde. Les personnages du roman, chacun à leur manière et suivant leur expérience propre, vont faire corps avec cette nouveauté. Ils vont composer une histoire pleine de couleurs, d'aventures et d'énigmes, entre Calcutta et Venise, une histoire dans laquelle péniblement et au fil des pages une vérité va faire son chemin et s'arracher par son universalité aux circonstances de son apparition. L'auteur avec beaucoup de talent utilisera pour cela le mode très efficace de la fantaisie, il jouera à la marge du réel. Deen, réunissant passé et présent, voudra découvrir coute que coute les réalités qui se cachent derrière la légende. Cinta, son amie vénitienne déchiffrera pour lui l'épopée merveilleuse du marchand et introduira un peu de magie et beaucoup de culture dans la froide rationalité des jours : Unde origo salus – « de l'origine vient le salut ». Tipu et Rafi, réfugiés climatiques referont le voyage éternel, différent et toujours le même, le voyage du marchand entre Orient et Occident : « Tout être humain à le droit de fantasmer, non ? C'est un des droits de l'homme les plus importants. A chaque fois que vous regardez votre téléphone ou un écran de télévision, vous tombez sur une pub qui vous dit que vous devriez écouter vos envies, poursuivre vos rêves (…) Si vous êtes blancs, c'est facile : vous pouvez aller là où vous voulez et faire ce que bon vous semble. Mais pour nous, c'est impossible ».


« Il n'y a pas de force intrinsèque des idée vraie », jamais de conversion purement intellectuelle possible. Les idées n'ont en aucun cas un effet par elles-mêmes mais accompagnées, soutenues d'affects qui leur donnent leur élan et leur force. La littérature dispose des moyens de s'adresser aux corps et aux coeurs, auxquels elle propose immédiatement des affections : des images, des émotions, des rapprochements.
Le roman d'Amitav Ghosh, « La déesse et le marchand » , n'a pas pour visée première de véhiculer les idées d'écologie. Certes, l'auteur, qui s'est préoccupé des dérèglements climatiques dans son essai « le grand dérangement » , a bien envie de dire quelque chose sur le sujet mais il le fait avec sa sensibilité, sa capacité d'empuissanter la fiction, sans lourdeurs signifiantes, sans propos délibérés ou magistère pénible. Son très beau livre est avant toutes choses une entreprise de particularisation, d'incarnation des changements climatiques d'aujourd'hui. Cela tombe à pic car les objets de la nature sont bien en attente d'être différemment dits, en attente d'être différemment entendus. Sans la manière, ils menacent en effet de rester dangereusement en plan, de vivoter dans le froid constat et le pur calcul. Ils ont urgemment besoin, pour produire une nécessaire envie de mouvement et d'action, d'entrer dans les coeurs. Il est possible d'analyser jusqu'à plus soif les changements climatiques, de démontrer les mécanismes du réchauffement, de mettre à jour les structures aux origines du bouleversement, rien jamais ne remplace le récit qui présente le monde, met en mouvement la pensée, dit l'expérience humaine, élargit l'univers. Il ne faut plus seulement aujourd'hui décrire la crise climatique, il faut la faire sentir dans les chairs. Il le faut d'autant plus que les responsables de la destruction de la planète ont pour alliés le temps et l'espace : le temps long qui, étirant la liaison des causes passées-présentes et leurs effets futur, brise les consécutions réelles ; l'espace qui, séparant les responsables et les victimes de la crise climatique, disloque la liaison des faits et des causes. le temps ramassé, l'espace contracté du roman reconcentrent ce que le temps réel et l'espace considérable diluent et démembrent, il rétablit dans leur intégrité les enchainements cachés, les liaisons imperceptibles, il réalise une crise qui est sciemment sous-réalisée : tout alors s'ensuit visiblement, tout est représenté d'un seul tenant et ressaisit dans l'unité d'une compréhension affectante.
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Le dernier roman d'Amitav Ghosh est presque une suite de son roman le Pays des marées paru en 2008. On y retrouve en partie le même cadre, les Sundarbans, cette région de mangroves située à l'embouchure du Gange, et quelques uns des personnages comme Piya, la delphinologue qui y étudiait les dauphins de l'Irriwaddy (une espèce de dauphin d'eau douce, dont l'aspect rappelle celui des globicéphales ou des bélugas), Kanai le traducteur et sa tante Nilima qui dirigeait un hôpital, la villageoise Moyna et son fils Tipu qui avaient tous deux vécu un drame terrible lors d'un cyclone.

C'est toujours agréable de savoir comment ont évolué les personnages d'un livre que l'on a aimé mais ce roman peut être lu indépendamment du premier.
Il met en scène un nouveau narrateur, Deen, d'origine bengalie, vendeur de livres anciens et expert en folklore bengali, qui partage son temps entre les Etats-Unis et Kolkata (Calcutta). Lors d'un séjour en Inde, Deen apprend l'existence d'un sanctuaire situé dans la forêt des Sundarbans qui serait dédié au culte de la déesse des serpents et lié à la légende du Marchand d'Armes, un humain poursuivi par la colère de cette déesse et contraint à fuir à travers des pays imaginaires. D'abord réticent mais finalement titillé par la perspective d'en apprendre plus sur ce sanctuaire et sur l'origine de cette légende, Deen décide de se rendre sur place. C'est le début d'une longue aventure initiatique qui l'entraîne dans les pas du Marchand et qui va ébranler sa conception du monde en le mettant face à des tragédies environnementales (cyclones, crues, tornades) et humaines comme l'effroyable périple entrepris par les migrants bangladais pour trouver en Europe travail et conditions de vie décentes.

Tout au long du récit, deux interprétations des événements s'affrontent, l'une surnaturelle, dans laquelle les serpents, les araignées, les crues et tornades ne sont que des émanations magiques de la colère de la déesse, l'autre rationnelle, scientifique, dans laquelle l'ensemble de manifestations ne sont que pures coïncidences et n'expriment que la matérialité des bouleversements climatiques auxquels nous assistons, quasi-impuissants, depuis quelques décennies : hausse des températures entraînant la migration de nombreuses espèces animales et végétales vers le Nord, plus grande fréquence des phénomènes climatiques violents tels que les cyclones...

Moins ambitieux que la Trilogie de l'Ibis ou que le Pays des marées, c'est un conte moderne, très documenté et intéressant mais à la construction linéaire un peu paresseuse, qui nous entraine sur les lieux visités par le Marchand d'Armes, à la manière d'un jeu de piste historique.
J'avais adoré le pays des marées mais j'ai finalement été un peu déçue par le traitement de ce roman, où les thèmes abondent mais laissent trop de place à une vision fantastique, confinant parfois au ridicule comme dans la scène finale où toutes les espèces de dauphins se réunissent autour du bateau des migrants.

Challenge Multi-défis 2021
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Le réchauffement climatique, le sort des migrants, la montée des nationalismes : tous ces thèmes sont prégnants dans La déesse et le marchand, entrelacés avec une mystérieuse légende bengalie. Amitav Ghosh n'est pas un lanceur d'alerte mais un citoyen du monde qui est surtout un admirable conteur qui sait mieux qu'aucun auteur nous faire voyager à travers les siècles et les continents et mêler le lyrisme de l'aventure aux tourments psychologiques de personnages définis avec une limpidité parfaite. S'y ajoute, dans son dernier opus, un aspect fantastique, comme pour marquer que les fantômes nous interpellent, sondent nos consciences et in fine nous montrent la voie de l'espoir, dans un monde qui semble partir à vau-l(eau. A sa façon, le roman est initiatique, avec son personnage principal, marchand de livres anciens, pétri de culture mais qui en vérité ne sait rien de la marche de l'univers et affronte les périls avec une candeur désarmante. Nul doute que Ghosh s'identifie à ce héros, né à Calcutta, et nous autres lecteurs ont les yeux tout aussi écarquillés que lui devant les événements qui se précipitent, heureux ou non, et les hasards et coïncidences qui rythment son épopée autant mentale que physique. Des mangroves tentaculaires des Sundarbans à la lagune vénitienne, le livre évoque une montée des eaux dévastatrice, faisant écho à des incendies de forêt près de Los Angeles et les changements de comportement et de localisation d'animaux dus à l'activité humaine. La déesse et le marchand est certes un livre fièrement écologiste mais il ne se cantonne pas à un discours didactique et moraliste, se plaçant dans la grande tradition des romans indiens, passionnés, fiévreux et riches de multiples couches narratives.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Dino est un Indien d'une cinquantaine d'années à qui une vieille tante de Calcutta raconte un jour une étrange légende, celle d'un curieux marchand d'armes occidental qui aurait suivi tout un périple pour échapper aux foudres d'une déesse indienne, la Maîtresse des Serpents.

La vieille dame suggère à Dino d'aller visiter un temple en lien avec cette légende, en plein dans les Sundarbarns, ces zones marécageuses du delta du Gange et du Brahmapoutre.

Après avoir hésité, Dino décide se s'y rendre et, de fil en aiguille, se lance sur les traces de ce curieux marchand d'armes dont il suppose qu'il a vécu au XVIIè ou au XVIIIè siècle.

Son voyage le mènera jusqu'à Venise, la légende se révélant au fil du temps être basée sur une épopée véridique. le cheminement du marchand entre la frontière de l'actuel Bangladesh et la Sérénissime donne l'occasion à Amitav Ghosh de nous présenter les pérégrinations modernes des Bengalais, Afghans, Iraniens, Kurdes, ... qui quittent leur pays et tentent l'impossible pour trouver une vie meilleure en Europe, bravant les dangers du voyage et la rapacité des passeurs.

Entre une promenade quasi onirique dans des paysages sublimes - la beauté sauvage des Sundarbarns - et la dure réalité de la vie des migrants - dans les moins que sublimes "maisons de connexion" notamment - Amitav Ghosh, avec La déesse et le marchand, nous offre un moment de lecture mi roman, mi documentaire, servi par une écriture fluide et agréable.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
En tout état de cause, ces livres avaient eu sur moi exactement l’effet prédit parles critiques au XVIIème siècle, au moment où les premiers « romans » avaient commencé à circuler largement : ils avaient suscité des rêves et des désirs, dérangeants dans le sens où ils devaient devenir les instruments de mon déracinement. Si de simples mots avaient eu cet effet-là, qu’en était-il des photos et des vidéos qui défilent continuellement sur nos ordinateurs et téléphones portables ? Si, comme on le dit, une image vaut un millier des mots, quel est le pouvoir des milliards d’images qui s’infiltrent à présent dans les moindres recoins de la planète ? Quelle est la puissance des rêves et des désirs qu’elles génèrent ? La puissance de l’agitation qu’elles engendrent ?
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J'avais l'impression que mon corps était habité par un être vivant, une créature ancienne en dormance dans la boue depuis la nuit des temps. Ne me venaient à l'esprit que des analogies avec un germe, un virus ou une bactérie, mais je savais bien que c'était autre chose : il s'agissait de la mémoire elle-même, mais pas de la mienne - d'une mémoire bien plus ancienne que moi, une facette du temps d'abord submergée puis brutalement ravisée au moment où j'avais pénétré dans ce sanctuaire. C'était une chose effrayante et venimeuse, d'une puissance incroyable, une chose qui refusait qui refusait de se laisser oublier.
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Dans ce coin, il y a tout un tas de miséreux analphabètes qui vivotent tant bien que mal de pêche et d'agriculture ou en allant récolter des pousses de bambou ou du miel dans la jungle. Enfin, c'est ce qu'ils faisaient. Aujourd'hui, y a plus beaucoup de poissons, le sol est gorgé de sel et on ne peut plus aller dans la jungle sans graisser la patte aux gardes forestiers. Sans compter que tous les deux ans, on essuie une tempête qui réduit tout en miettes. Du coup, comment est ce que les gens sont censés réagir ? On ferait quoi à leur place ? Si tu es jeune, tu peux pas rester là, à crever de faim. Même les animaux s'en vont - t'as qu'à demander à Piya. Si tu as un peu de jugeote, tu décides de te barrer et pour ça tu as besoin de quelqu'un qui t'aide à le faire.
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C'était comme si la rotation même de la Terre avait accéléré, entraînant le déplacement de tous les êtres vivants à des vitesses incroyables de sorte que même si l'aspect extérieur d'un lieu semblait inchangé, son centre était entraîné vers un autre lieu et un autre temps.
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L'aube pointait quand l'avion décolla. Sa trajectoire le mena à survoler brièvement les Sundarbans. Assis près d'un hublot, j'avais une vue parfaite sur ce paysage de limon et de marées, parsemé d'une végétation dense et strié de cours d'eau. Cette image me fit frémir : le fait que j'ai pu m'aventurer de plein gré dans cette jungle de boue et de mangroves me semblait à présent inconcevable.
A quoi m'attendais-je ? Avais-je perdu la tête ?
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Videos de Amitav Ghosh (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Amitav Ghosh
Rencontre avec le romancier Amitav Ghosh, auteur de "Le grand dérangement : d'autres récits à l'ère de la crise climatique" et de "Gun Island".
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