Dans la droite lignée d' «
Atlantis », «
le chandelier d'Or » est un roman-piège. On est d'abord attiré par sa belle couverture, mystérieuse et soignée qui nous laisse présager un bon petit roman d'aventures. Alors hop ! on entame la lecture, avide de savoir ce qui se cache derrière cette énigmatique première page… heureusement que
David Gibbins est là pour nous rappeler à l'ordre dès les premières pages. Non il ne s'agit pas d'un véritable thriller tissé subtilement, alliant Histoire et suspens, mais bien d'une sorte de thèse sur la supposée cachette de la Menorah.
A nouveau, Jack Howard est appelé à la rescousse pour retrouver le fameux chandelier hébraïque. le voici donc lancé dans une nouvelle aventure où les péripéties pleuvent à une cadence acharnée, écartant les périls avec une faculté prodigieuse, évitant la mort à de multiples reprises et toujours parfaitement maître de la situation. Oui, Jack Howard est toujours dépeint comme ce fabuleux super-héros à la vie trépignante, attirant les dangers comme du miel les abeilles, paré d'une culture historique à toute épreuve. En revanche, si physiquement cet homme semble fait d'acier (il parvient à survivre dans les eaux glaciales du Groenland, la cuisse transpercée, à l'avalanche d'un iceberg, par-exemple) son rôle est plutôt mineur face aux autres protagonistes. Que ce soit Costas, Maria ou encore Jérémy, ceux-ci lui volent la vedette puisqu'ils s'appuient sur leurs connaissances pointues et rivalisent de génie pour résoudre chaque mystère, tandis que Jack n'agit qu'en tant que simple spectateur.
Dès les premières pages, on retrouve la patte si caractéristique du style littéraire de
David Gibbins : un style froid, purement descriptif et qui empêche véritablement de s'attacher aux personnages. Ceux-ci ne sont que de purs protagonistes chargés d'établir de longs monologues barbants, d'interminables discours purement scientifiques qui en viennent à gâcher le plaisir de la lecture. La recherche de la Menorah n'est qu'un prétexte à l'étalement d'un savoir archéologique agaçant.
David Gibbins a tout de même essayé de réduire la part trop scientifique et professionnelle qui était omniprésente dans «
Atlantis », néanmoins on est encore loin d'une lecture aisée et fluide. Les yeux peinent sur des termes barbares tandis que l'esprit vagabonde au fil des pages. Honnêtement, il faut vraiment avoir un cerveau à toutes épreuves pour ne pas décrocher de sa lecture à force de discours et descriptions très, voire trop, historiques (Dieu sait pourtant que j'aime l'Histoire). Et quand on en vient à comprendre le sens d'une phrase (après plusieurs relectures), on est découragé par les termes barbares de la mécanique. Costas est vraiment un personnage adorable, mais quand il en vient à parler machine, rien ne l'arrête, pas même sa langue maternelle. Et donc voici le lecteur embarqué aux pays des jets transport Antonov AN-74 et autres Embraer EMB 145 XR. On ne le répètera jamais assez :
David Gibbins est avant tout un archéologue qui s'est forcé un passage sur la scène littéraire, un choix guère judicieux.
Si l'on ouvre cet ouvrage en espérant suivre un bon thriller, saupoudré de ce qu'il faut d'Histoire, alors autant faire demi-tour. Seuls les plus hardis pourront tenter l'expérience. L'Histoire mondiale est abordée de manière disloquée, ce qui contraint à perdre le lecteur dans un flot de savoirs qui arrive en masse, mais non de façon raisonnée et logique. Même en ayant de solides connaissances historiques, on est vite égaré par l'auteur qui semble ne pas se soucier de son lecteur et croire que son public est très averti. Or ce n'est pas le cas. On tente néanmoins de poursuivre la lecture, en espérant finalement un moment de pure action. Ceux-ci sont tout de même assez nombreux, mais le fait que Jack parvienne toujours à se sortir de la situation avec le minimum de dégât gâche quelque peu l'effet de réalisme. Par moment, on se croirait dans un mauvais feuilleton stéréotypé traitant d'une histoire archéologique tirée par les cheveux. D'ailleurs, ces fameuses scènes d'actions sont tellement décrites que l'on ne comprend strictement rien aux gestes de nos héros. Visiblement un iceberg est bien plus labyrinthique que l'on ne le pense, après la lecture de ce livre, et les souterrains marins recèlent bien plus de mystères et de trésors qu'on ne le croit. Que chaque éventuel futur lecteur s'accroche bien à l'histoire et ne se laisse pas déconcentrer par le vol d'une mouche, sans quoi s'en est fini de lui et il se retrouvera aussi perdu dans l'histoire et l'action que Jack et Costas dans ce stupide iceberg.
A trop vouloir en faire,
Gibbins s'est égaré dans son histoire qui semble être un amalgame de légendes et d'histoires cachées pas toujours cohérentes entre elles. Aussi, on en vient à se demander quel peut être le lien entre la Menorah, les Byzantins (jusque-là tout va bien), les Vikings, les Mayas et les Nazis. Nous voici donc en train de faire un tour de l'Histoire en cherchant les cohérences, en tentant de suivre la logique de l'auteur dans son discours… mais au final on s'égare et on se laisse ballotter par un flux incessant de paroles et de réflexions scientifiques. Nos héros voyagent d'un bout à l'autre du monde, passant de la douceur du climat de l'ancienne Constantinople à la chaleur tropicale du Mexique, en passant par la rudesse des fjords nordiques et les aléatoires averses de l'Ecosse. Que de beaux voyages en définitive, mais rien qui ne prête le lecteur à suivre la logique de l'ouvrage, et c'est bien dommage car l'exploitation des légendaires Vikings est pourtant fort intéressante. Et c'est sans compter sur l'incroyable chance du destin qui frappe nos protagonistes qui passent de découvertes stupéfiantes en découvertes du siècle au rythme des chapitres.
Howard Carter n'est qu'un bambin en couche culotte et son Toutankhamon semble complètement misérable face à l'intrépide Jack Howard et son flair incroyable ! Au final, le tout est ridicule et semble purement fictif. L'histoire aurait également gagné en profondeur et en charme si
Gibbins s'était plus étendu sur des passages relatant les faits passés plutôt que de se contenter d'un maigre prologue consacré à la Rome Antique.
Toutefois, pour rendre cette critique objective, on soulignera l'effort de
Gibbins à s'appuyer sur des faits véridiques et à avoir approfondi ses recherches, quitte à se rendre sur le terrain même, en parfait archéologue. La fin du roman est particulièrement bien soignée, même si le sort consacré aux ennemis de l'histoire est assez hollywoodien. On ressort également quelque peu déçu car après tous les déboires encourus tout au long de ce roman, après avoir subi maints discours soporifiques et baillé d'ennui par moments,
le chandelier d'or reste un mystère et se fait voler la vedette par nos barbares de Vikings. La dernière page du livre reste quand même agréable à la lecture (hélas, elle arrive bien tardivement) et l'on appréciera le geste de fin, même s'il semble un peu choquant pour un archéologue digne de ce nom. Les dernières scènes d'action forment aussi de bons moments de détente de l'ouvrage, puisque l'on s'écarte des données scientifiques pour un vocabulaire bien plus accessible et surtout compréhensible, et l'on parvient même à suivre la logique des actions.
Au final, le style de
Gibbins manque tout simplement de charme pour en faire un bon écrivain de romans captivants, mais on ne pourra pas lui reprocher de fournir un riche travail de regroupement de données et d'analyses poussées pour construire une histoire qui tente de s'ancrer dans la vérité historique. Il n'empêche que pendant sa lecture, le lecteur coulera à pic comme un naufragé sur son iceberg (oui, celui-ci est vraiment traumatisant, mais à juste titre puisqu'il compose toute la moitié du livre, lequel aurait dû finalement se nommer « L'infernal Groenland »).