- Quelle est ta religion?
- Je crois en Dieu, j'honore ses prophètes, j'aime la vertu, et j'espère mon salut dans la vie éternelle.
- Voilà des paroles vides, inventées et transmises par les vieilles générations. En vérité, tu ne crois qu'en toi-même, tu honores ta personnes et ton seul souhait est d'être éternel. Depuis la nuit des temps, l'homme n'a connu d'autre dieu que lui-même. Il lui a donné des noms différents selon ses humeurs. Tantôt il l'a nommé Baal, parfois Zeus, d'autres fois il l'a nommé Dieu.
Hier, je me suis installé devant la porte du temple, et j'ai demandé aux passants de me parler de l'amour et de ses mystères.
Un vieillard affaibli m'a expliqué que l'amour est faiblesse.
Une femme accablée, au regard éteint, m'a mis en garde :
- L'amour est un poison mortel, il se mélange à la rosée du matin. Il enivre les âmes assoiffées pendant une heure, les garde éveillées pendant un an, puis les tue pour des siècles.
Une jeune fille souriante m'a assurée que l'amour est une élévation exaltante, réservée aux âmes vigoureuses.
Un homme barbu vêtu de noir traita l'amour d'idiotie accompagnant l'adolescence, disparaissant à l'âge mûr.
Un bel homme pensait que l'amour nous éclaire. Et un aveugle savait que l'amour est brouillard.
Un guitariste chantonnait à la gloire de l'amour, qui fait de la vie un rêve doux, et du réveil un enchantement.
Un vieillard au dos courbé, trainant ses pieds avec peine, déclara que l'amour est le repos éternel du corps et de l'âme.
Tandis qu'un enfant de cinq ans me répondit : "L'amour est mon père et ma mère, ils sont les seuls à le connaitre."
C'est ainsi que durant la journée, j'ai écouté les gens. Chacun attribuait à l'amour une part de lui-même.
- La vie sans amour est un arbre sans fleurs. L'amour sans beauté est une fleur sans parfum. La vie, l'amour et la beauté sont une trinité divine, formant une unité indivisible et constante.
Comme les siècles sont étranges,
Et nous aussi!
Les temps ont changé, nous aussi.
Ils ont avancé, nous les avons suivis.
Se dévoilant à nous, ils nous ont enchantés et éblouis.
Le mariage consacre l'esclavage de l'homme au profit de la reproduction. Si tu veux te libérer, tu dois divorcer.
Lecture par l'autrice & Tania Saleh, accompagnées de Pierre Millet
Publié en 1923 puis traduit en 40 langues, le Prophète de Khalil Gibran est universel et intemporel. Ce conte philosophique puise dans les enseignements des trois cultes monothéistes, des religions de l'Inde mais aussi aux sources d'oeuvres révolutionnaires, tels que les écrits de William Blake, de Nietzsche et de Jung. Zeina Abirached offre ici la première version entièrement dessinée de ce chef-d'oeuvre. Dans une chorégraphie d'ombres et de lumières, elle nous invite à rejoindre les habitants d'Orphalèse réunis pour questionner le jeune Almustafa sur les grandes orientations de la vie. Enfant du Liban et de l'exil, comme Khalil Gibran avant elle, Zeina Abirached nous propose de découvrir autrement ce texte magistral dont la force et la portée n'ont pas fini de nous surprendre.
« C'est dans la rosée des petites choses que le coeur trouve son matin et se rafraîchit. »
Khalil Gibran, le prophète
À lire – Zeina Abirached & Khalil Gibran, le Prophète, trad. par Didier Sénécal, éd. Seghers, 2023.
Son : Alain Garceau
Lumière : Patrick Clitus
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Marilyn Mugot
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