Ce livre remplit bien sa fonction de guide et d'introduction à une civilisation antique. Mais bien plus que de décrire, il explique brillamment et propose des théories qui transforment notre goût pour l'exotisme en passion de savoir. J.J. Glassner ne se satisfait pas de récits historiques conjecturaux, ni de la copie d'interprétations canoniques, mais oeuvre en pionnier dans son domaine en proposant des théories neuves. Voici un guide des Belles-Lettres inspiré et stimulant : à côté de l'histoire complexe et chaotique de l'espace mésopotamien, l'auteur a soin d'ajouter une étude de la perception, par les hommes de ces temps, de l'espace et de l'histoire. Il décrit ensuite le phénomène urbain et tout ce qu'il entraîne : politique, institutions, droit, finances et vie économique, bien attestées par une abondante documentation sur argile. Ensuite, la partie consacrée à l'homme mésopotamien aborde ses représentations, sa perception du sacré, sa culture savante, tant littéraire que scientifique, sa vie privée enfin. L'ouvrage se conclut par une série de cartes, tableaux et illustrations.
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L'homme vivant se dit, en akkadien, awîlu/ awêlu ; une fois mort, il est etemmu / wetemmu. Les penseurs babyloniens notent, dans ces deux termes, la présence récurrente de la même syllabe WE, ainsi que celle des mots ilu, "dieu" et "têmu", esprit, plus exactement cette forme d'intelligence propre au genre humain en général. Bref, l'homme est l'être qui comporte aussi bien du dieu que de l'esprit, et le son WE participe de ces deux aspects, vivant ou trépassé. Lorsque les dieux s'attellent à la tâche de fabriquer l'homme, ils sacrifient l'un des leurs, appelé Wé, choisi parce qu'il possède du têmu. Son sang, marque de la vie, sert à humidifier et à rendre malléable l'argile, la matière première de l'awîlu. Ainsi sont définis d'un mot l'essence et le destin de l'homme : il est fait d'argile et de sang, il est doué d'intelligence, son rôle consiste à servir les dieux, enfin, il est mortel.
p. 239-240