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EAN : 9782267002577
Christian Bourgois Editeur (01/05/1981)
4.5/5   2 notes
Résumé :
C'est en lisant le Journal de Gide, en 1952, que Gombrowicz eut l'idée d'écrire son propre journal. Il était à la recherche d'un nouveau moyen d'expression qui l'aiderait à sortir de son isolement et à dissiper les malentendus provoqués par la publication récente de son livre sacrilège Trans-Atlantique. Le 6 août 1952, Gombrowicz écrivit au directeur de Kultura : Je dois devenir mon propre commentateur, mieux encore mon propre metteur en scène. Je dois forger un Gom... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comment expliquer qu'on aime un livre au point de le relire régulièrement sans s'en lasser mais au contraire en éprouvant à chaque relecture le même émerveillement et bonheur que lors de la première fois, et en découvrant des aspects nouveaux et inatendus à un texte que l'on connaît pourtant parfaitement? Un livre qu'une vie entière de lecture ne saurait épuiser? C'est cela pour moi le Journal de Gombrowicz, un plaisir et une découverte à chaque fois renouvelés.

Ces textes commencent en 1953 et se terminent en 1969, l'année de la mort de l'auteur. Ils ont été dans un premier temps publié dans la revue Kultura, revue polonaise anti-communiste publiée en France d'un très haut niveau culturelle, avant d'être publiés en volumes, puis traduits.

Gombrowicz y aborde de multiples sujets, littérature, musique, philosophie, politique, religion, la Pologne, l'Argentine, les milieux littéraires et intellectuels.... Tout cela de façon féroce et irrespectueuse, rien n'est sacré et tout est objet de critiques. Une intelligence aiguisée et une méchanceté jubilatoire sont ses armes favorites. En même temps il est au centre de son oeuvre, pas seulement par son regard sur les choses mais aussi par une interrogation permanente sur lui même, il se construit et se déconstruit dans une recherche permanente d'une forme impossible à fixer, il recherche son sens propre en tant qu'individu. Il est aussi conscient du regard du lecteur potentiel, et ne lui facilite pas la tâche, il essai de le perturber, le déstabiliser, le surprendre, le choquer. D'ailleurs de nombreux lecteurs de Kultura écrivaient régulièrement des lettres de protestations, ce qu'il savait, on sent par moment une jouissance anticipée de la protestation qu'il savait provoquer et qu'il recherchait avec délectation.

Le Journal se place au centre exacte de toutes les conceptions littéraires de l'auteur, de sa façon de concevoir l'écriture et son rapport au monde, toutes ses préoccupations et ambitions apparaissent dans le Journal, et elles y sont en partie explicitées.

Gombrowicz s'est toujours tenu à l'écart de la foule, dont il méprisait le suivisme et la grégarité, se moquant parfois méchamment des modes intellectuelles. Il est constamment en recherche d'une écriture de soi, qui traduirait un sentiment de décalage entre l'identité lisse et définie que le jeu social impose à l'individu et sa réalité intime, faite d'inachèvement et d'incertitude.

C'est donc dans le conflit permanent entre la forme et l'antiforme, entre la maturité et l'immaturité que réside la solution, l'échappatoire à la pétrification de l'individu. A l'origine de l'écriture de Gombrowicz il y a le constat d'une inadéquation essentielle entre l'authenticité du sentiment d'exister et ce que nous sommes capables d'en communiquer aux autres. Installer le moi au centre de la perception du monde apparaît ainsi comme la principale stratégie littéraire de Gombrowicz. A la réalité extérieure ressentie comme étrangère il superpose une néo-réalité subjective qui est celle de son oeuvre. L'identité entre l'auteur, le personnage et la narrateur se resserre.

Tout cela s'ancre dans un univers littéraire fondé sur la réécriture, la parodie et la manipulation du lecteur. Sous les allures d'un grand seigneur réactionnaire du XIX siècle, se cache un dangereux révolutionnaire, prêt à dynamiter toutes les conventions, aussi bien celles du langage, que celles de la pensée.

Le Journal est un étrange objet : un mélange de propos intellectuels du niveau le plus élevé avec un humour de potache, tout ce qu'il y a de plus infantile, un refus de tout engagement, de toute adhésion à un mouvement, une remise en cause permanente de tout, y compris de lui-même. Une lecture salutaire, suscitant une réfléxion inépuisable. Au centre un homme certainement complètement détestable dans la vie (il ne peut s'empêcher d'écrire des terribles méchancetés sur tout le monde, même les gens qui l'ont aidé de façon désintéressée, terribles en partie parce qu'elles touchent toujours juste) mais un immense écrivain capable de transformer n'importe quel sujet en littérature la plus authentique. Une rencontre qui change la vie de tout lecteur qui arrive à pénétrer dans cet univers.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Tous mes ouvrages veulent être dans un certain sens une révision de l'attitude de l'homme moderne envers la forme, une forme qui n'émane pas directement de lui, mais naît "entre" les hommes. Ai-je besoin d'ajouter que cette idée, avec tous les développements qu'elle implique, est bien fille de notre époque (où les hommes ont sciemment entrepris de former l'homme) et qu'elle me paraît être une clef qui peut ouvrir nos consciences.
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Et pourquoi, s'il vous plaît, ne pas comprendre que, loin d'exclure la simplicité, tous les raffinements peuvent et doivent justement aller de pair avec elle ? Que celui qui, tout en travaillant sa propre complexité, ignore l'art simultané de devenir simple, perd du même coup la faculté de résister dans son âme aux forces qu'il a suscitées, et qui finiront par le détruire ?
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A moi, il m'avait donc suffi de sentir de ce côté-là un souffle de vie authentique. Et je poussais, je fonçais en aveugle dans cette direction ...
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Videos de Witold Gombrowicz (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Witold Gombrowicz
Witold Gombrowicz : Entretiens avec Gilbert Maurice Duprez (1967 / France Culture). Diffusion sur France Culture du 14 au 20 janvier 1970. Photographie : L'écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969), portrait daté de 1967. - Sophie Bassouls/Sygma/Sygma via Getty Images. Ces entretiens avec le grand écrivain polonais, disparu en 1969, ont été enregistrés en 1967 et diffusés pour la première fois du 14 au 20 janvier 1970. Witold Gombrowicz a enregistré cette série d'entretiens avec Gilbert Maurice Duprez en juin 1967 alors qu'il venait de se voir décerner le prix international de littérature "Formentor". Plutôt que d'y voir une tentative d'exégèse de son œuvre par lui-même, il faut plutôt considérer ces entretiens comme une suite d'esquisses en vue d'un autoportrait que l'on pourrait intituler : Witold Gombrowicz par Witold Gombrowicz. L'écrivain polonais est mort en 1969 des suites d'une grave affection cardiaque. Gombrowicz n’a jamais pu jouir pleinement du succès de son œuvre, notamment à l’étranger. C’est en France, grâce notamment au vif succès des représentations du "Mariage" au théâtre Récamier en 1964 et de "Yvonne Princesse de Bourgogne" au théâtre de France en 1965, que son œuvre trouve l’un des retentissements les plus rapides. Polonais mais antipatriote visant une forme d’universalité humaine, il était important pour Gombrowicz que son œuvre dépasse les frontières de son pays. Witold Gombrowicz : « Mon histoire est celle-ci : j'ai quitté la Pologne en 1939, après j'ai passé vingt-trois ans en Argentine, puis après une année à Berlin je me suis établi ici, à Vence, à cause de ma santé qui n'est pas très bonne. Exilé ? Oui, premièrement je suis un exilé politique à cause du régime communiste en Pologne, mais aussi dans un sens spirituel. C'est-à-dire que je veux être un écrivain universel et dépasser ma situation particulière de Polonais, même je ne voudrais pas être un écrivain européen. Ma philosophie est de dépasser la nation. Je suis dans un certain sens un antipatriote. » Grâce à ces entretiens, enregistrés en juin 1967, soit un an et demi avant sa mort, on découvre un Gombrowicz certes fatigué, à la voix enrouée, mais toujours plein de la vivacité intellectuelle et de cette lucidité presque déconcertante qui irrigue son œuvre. Posant un regard critique sur la société et notre façon d’être au monde, on y découvre un Gombrowicz qui exècre beaucoup de ses contemporains et la littérature moderne en général, déclarant la guerre à Joyce ou au nouveau roman, dont la forme trop complexe brouille toute possibilité d’une vraie expérience de lecture. Ces enregistrements sont des ressources rares et précieuses qui permettent aux auditeurs et auditrices d’entrevoir les mouvements intimes de l’un des esprits les plus excentriques et fascinants de la littérature européenne du XXe siècle.
Source : France Culture
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