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Pierre Mertens (Préfacier, etc.)
EAN : 9782020135283
761 pages
Seuil (31/10/1991)
4.12/5   38 notes
Résumé :
Didier, jeune écrivain vivant entre Maître Eckart et Kierkegaard, rêve d'écrire une "métaphysique de l'effacement", se réfugie en 1940 à Irube, ville moyenne du Sud-Ouest avec sa bourgeoisie d'argent et son petit peuple, ses hauts et ses bas quartiers, ses prêtres influents, férus de politique, ses vieilles filles conservées dans la médisance et la bondieuserie, parfois pathétiques, ivres de vertu, d'amours inassouvies.
Sans cesse les circonstances de sa vie ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il en faut du souffle pour venir à bout de cette dernière oeuvre , publiée16 ans après la mort de l'auteur .
Surtout qu'il ne s'y passe rien , amateurs d'aventures passez votre chemin .
A moins que vous ne fassiez partis de ceux qui vivent et considèrent la vie , même de peu , même dans ce qu'elle a de plus ordinaire et trivial , comme une véritable aventure .
C'est de cela dont il s'agit .
Mais comme l'ordinaire n'est rien moins qu'ordinaire et que celui qui prend le temps et le recul nécessaire pour l'appréhender sous ses différentes strates sera récompensé ou puni de sa perspicacité , Paul Gadenne nous offre un roman foisonnant , riches en réflexions fondamentales , de ces réflexions qui affligent autant qu'elles peuvent nourrir la ferveur de l'homme en quête de sens .
Nous suivrons Didier Aubert dans son parcours de vie bref , intense et douloureux qui se terminera comme la passion du Christ .Ou presque .
Didier Aubert , en quête lui aussi . la quête de l'effacement , de l'oubli et de la transcendance . Nourri par des lectures de Maitre Eckhart , Kierkegaard, Peguy et j'en passe , il n'a d'autres but que d'écrire un traité sur la vie des Saints .
Difficile comme tâche lorsque on est désespérément homme et soumis à toutes les souffrances terrestres . Et il a son lot dans le domaine : tuberculeux , pauvre et exposé à l'opprobre qui sévit toujours plus dès lors qu'on a la malchance de vivre dans les "hauts-quartiers " .
De là Paul Gadenne nous offre quelques portraits représentatifs de cette société post-guerre où la bourgeoisie n'en finit plus de s'embourgeoiser . Au détriment du menu peuple bien sûr , il ne saurait en être autrement .Sous la bénédiction de notre Sainte Eglise priez pour nous . Et comme les accointances du pouvoir politique et du pouvoir religieux ne se sont jamais si bien portées , en ces périodes post traumatisme , où les fondations du système social se trouvent fortement ébranlées par toute l'horreur des années de guerres et ses atrocités , la canaillerie (ou bourgeoisie , c'est bonnet blanc et blanc bonnet chez Gadenne ) s'encanaille à qui mieux à mieux ,
Paul Gadenne ne fait pas de quartiers : Les personnages sont scrupuleusement analysés pour en faire sortir toute la noirceur et la perversité . Tous les mêmes , dans les hauts-quartiers au delà de leur apparence souvent trompeuses hélas pour notre Didier qui , quoique en quête d'effacement , nous offre le paradoxe de l'homme en proie à ses désirs de renoncement et/ou d'élevation et ceux plus primaires de l'homme en quête d'amour , d'affection et de tendresse .
Affection et tendresse qu'il croisera , sans pouvoir les saisir , la quête d'absolu ne peut pas s'embarrasser bien longtemps de tout ce que cela implique d',engagement et d'enracinement terrestre . L'occasion de rencontrer l'amour et ses méandres à travers des personnages excessivement complexes ou simples dont on ne parviendra jamais à saisir le fond malgré les interminables pages d'analyse psychologique !
Finalement notre homme de l'effacement a bien des difficultés à atteindre son but , tant ses sentiments exacerbés le ramène à la vie, enchaîné par ce corps souffreteux mais violemment vivant , révolté , plein de sève et d'exaltation . Il est bien loin le chemin de la sainteté et c'est tant mieux car sa révolte douloureuse , son regard sans indulgence sur l'humanité , son audace libertaire pied de nez à tout pouvoir coercitif constitue l'essence même de cette oeuvre : Finalement l'insolence et la liberté de penser dans un monde d'hypocrisie , n'est-ce pas le début de la sainteté ?
Alors ...
Déjà prometteur avec le jour que voici , une oeuvre de jeunesse hélas quasiment introuvable aujourd'hui ( merci la BDP ! ).
Enchanteur avec La baleine , court récit métaphorique offrant multiples interprétations ,
Ténébreux et exigeant , hanté déjà par la culpabilité et la noirceur de l'humanité dans La Plage de Scheveningen
Paul Gadenne nous offre une dernière oeuvre encore différente , plus dense , plus douloureuse encore , dans un style d'une élégance rare qui n'est pas s'en rappeler l'écriture Proustienne , toutes proportion gardées , Dostoïevskienne dans ses obsessions .
En ces temps de folie et de fuite avant , voilà une lecture qui nous force à nous poser et à regarder sans complaisance le triste état de notre humanité .
On peut se demander pourquoi un format si dense , alors que ,emputé de quelques centaines de pages ,il aurait probablement trouvé plus de lectorat . Je ne peux m'empêcher d'y voir une forme expiatoire , pour celui qui fustigeait l'église et ses travers et qui pourtant était fortement empreint de tradition judéo-chrétienne . Façon aussi de mettre à l'honneur la notion de mérite : abruptement je dirais ....qu'il faut quand même se les farcir ces 600 ou 700 pages !
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C'est l'histoire d'un malade, d'un pauvre tuberculeux dans une ville de Province, qui tente tant bien que mal de rédiger des travaux sur la vie mystique, mais le spirituel n'est pas possible dans ce monde de la Barbarie : la hache du jardinier, les ragots des vieilles filles, l'hypocrisie des curés, l'immondice des marchands, le scandale de l'Argent, tous ces horribles bruits traquent et attaquent cet écrivain religieux qui a perdu la foi parmi les "croyants"... Tout est gâché, il laisse partir les femmes qu'il aime, et on s'indigne contre ce personnage qui refuse le bonheur, on ne comprend pas pourquoi il reste dans sa stérile souffrance solitaire, mais progressivement on saisit de quoi il s'agit au fond : c'est l'humilité, l'humilité christique de celui qui cherche le bas des bas-fonds, qui veut vouloir la pauvreté la plus abject, pire, le mépris de tous, et peut-être avant tous des femmes, et il finit par réussir, avec cette sorte d'ouvrière violée qui vient le voir pour qu'il devienne son mari et donne un nom à son enfant, il accepte cette fille et enfin parvient à se hisser à sa bassesse, et ils finissent "suicidés" sur ce qu'on pourrait appeler leur lit de noce, chastement embrassés dans la mort qui vient tout réconcilier. Après tout, peu importe les bêtises qu'en diront les journaux de la bourgeoisie cléricale, ce qui compte ce sont ces coeurs qui sont enfin parvenus à aimer, jusqu'au fond, jusqu'à la fin de tout amour, jusqu'à la mort. Et si la sainteté n'est plus possible dans ce monde où le Christ a été renversé par les bien-pensants, elle est atteinte par l'abandon, pur et généreux, de sa vie à l'autre, de la mort volontaire de son ego grâce à l'absolue Charité - "la seule découverte faite dans ce monde depuis deux mille ans".
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Certes le roman est un peu trop long. Mais l'acuité des analyses, la beauté de la phrase, la recherche de la profondeur, ces sortes d'envolées quittant la réalité matérielle à la poursuite de l'impalpable, de la tentative de sa traduction et du désir le communiquer, je ne le retrouve nulle part ailleurs (sauf en prose poétique, Gustave Roud, Jaccottet...)
Pour cela, je n'ai que hâte de lire ses autres oeuvres.
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critiques presse (1)
Telerama
25 septembre 2013
Roman magnifique, paru seize ans après la mort de Paul Gadenne (1907-1956), Les Hauts-Quartiers parle d'effacement et de dépouillement. La réédition en poche de ce texte presque introuvable est une belle occasion de le tirer d'un purgatoire injuste.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Didier la regardait à la dérobée et vit une mince larme sur son visage. Il savait ce qu'elle pensait : tant d'injustice ! Être chassé par les Allemands, cela devait lui paraître régulier, presque juste : la guerre, c'est cela même et, sans parler des revanches toujours possibles, où le chasseur est chassé à son tour, on peut se consoler en pensant que l'ennemi n'agit pas au nom de la loi, qu'il ne peut pas avoir l'ordre du monde et la musique des planètes à son service, comme le croyait à l'évidence ce propriétaire au visage bouffi, qui mâchonnait son cigare. [...]
Il peut paraître puéril d'être troublé, en pleine guerre, par un incident aussi bête. Mais Didier avait vu sa mère humiliée et ce souvenir devait creuser une ride sur sa mémoire. Peu importe la taille de l'incident qui vous apporte la révélation. Celui-ci était risible, assurément ; mais peut-on rire de ce qui vous enseigne la haine, et bouleverse votre conception du monde ?
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Car il n'y avait qu'une race à abattre, à supprimer, où qu'elle se trouvât (et aucune nation n'en avait sans doute le privilège) : c'était la race des Bûcherons, des oppresseurs, de ceux qui traitaient la terre, la nature en ennemie, comme une chose à utiliser, et qui traitaient les hommes de la même façon.
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Pendant des mois ils avaient ainsi vécu sans rien, ni objets ni argent, et ç'avait été des mois comblés, et pas une fois ne leur était venue à l'esprit l'idée d'une injustice, d'une inégalité : n'ayant rien, ils se sentaient égaux à tous.
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Didier ressentait devant Lucien l'espèce de respect compatissant que l'on éprouve pour ceux qui ont souffert à notre place. Car nous avons tous mérité d'être malheureux, trahis, malades, déportés, et il y en a quelques-uns seulement qui paient pour nous. Nous avons tous mérité de naître sans patrie et d'être persécutés à cause d'un signe que l'Ange a inscrit pendant la nuit de notre naissance sur notre visage ou notre porte, – et seuls quelques-uns le sont.
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C'est ainsi que le printemps, cette année-là, passa inaperçu aux Hauts-Quartiers. Un jour, la terre sera couverte d'épiciers, de garagistes et de petits rentiers bricoleurs, et le printemps n'aura plus lieu d'être.
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Video de Paul Gadenne (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Paul Gadenne
Marie, photographe, lit "Baleine" de Paul Gadenne (Éditions Actes Sud, 2005) Dans le cadre de "A vous de lire !" © Des auteurs aux lecteurs, 2010
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