AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,95

sur 121 notes
5
5 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En Pologne pendant la seconde guerre mondiale, Frédéric et Witold, réunis presque à contre-gré dans la méfiance et le dégoût, vont passer plusieurs semaines ensemble à la campagne chez leur ami Hippolyte, un résistant déserteur. Ils rencontreront également un jeune homme (Karol) et une jeune femme (Hiena) autour desquels se cristalliseront leurs pulsions érotiques ambivalentes. L'imagination qu'ils investissent à constituer ce couple fantasmé mêle la grandeur presque épurée des sentiments aux délires les plus érotiques. La pornographie sert simplement à décrire la résultante suivante : tous les gestes et toutes les conversations apparemment les plus anodins n'ont pas d'autre but que le fantasme de réunion sexuelle. Frédéric et Witold, malgré leur dégoût et leur mutisme réciproque, finiront cependant par nourrir une excitation respective et la mise au plan de leurs petits projets pornographiques leur permettra d'entamer une correspondance effrayante : le média de communication virtuel devient la seule trace d'authenticité et de réalité dans ce jeu de relations. le couple homosexuel des adultes se noue dans l'asservissement du couple des jeunes campagnards, supposés innocents, soupçonnés ponctuellement d'impureté, et l'excitation des adultes croît à mesure que les plus jeunes sont dominés, asservis par leur obéissance aux plans secrètement concoctés par leurs manipulateurs.


Witold Gombrowizc, dans un entretien avec Dominique de Roux, parle ainsi de l'intrigue de la Pornographie :


« Nous, Frédéric et moi, deux messieurs d'un certain âge, nous apercevons un jeune couple, une fille et un garçon, qui semblent être faits l'un pour l'autre, soudés l'un à l'autre par un sex-appeal réciproque qui saute aux yeux. Mais eux, c'est comme s'ils ne s'en apercevaient pas, cela se noie pour ainsi dire dans leur juvénile inaptitude à l'accomplissement (la maladresse propre à leur âge).
Nous, les vieux, cela nous excite, nous voudrions que le charme prît corps. Et, avec précaution, en sauvant les apparences, nous nous mettons à les aider. Mais nos efforts n'aboutissent à rien. »


Et dans son journal, il écrivait : « le « physique » m'était nécessaire, indispensable même, comme contrepoids à la métaphysique. D'ailleurs la métaphysique appelle la chair. Je ne crois pas en une philosophie non érotique. Je ne fais pas confiance à la pensée quand elle se délivre du sexe. »


Et pourtant, le paradoxe de la Pornographie c'est de ne présenter, justement, aucune allusion directe au sexe. S'il n'avait été question que de cela, peut-être le livre se serait-il appelé l'Erotique. Mais ici, ce qui met mal à l'aise et ce qui excite, c'est la manipulation, la domination, l'humiliation et la récupération du sexe pour masquer le dégoût que la vie semble parfois éprouver pour certains individus. Et même comme cela, le verbe reste simple, jamais cru ni explicite. le lecteur lui-même est obligé de devenir complice pour prendre conscience du caractère pornographique de ce jeu à quatre. Witold Gombrowicz ne réfléchit pas au dilemme classique sur la dualité entre l'âme et le corps. Il sait qu'il y a des cerveaux, et qu'il y a des corps. Frédéric et Wttold sont les vieux cerveaux qui essaient de se connecter aux jeunes corps de Karol et d'Henia pour produire l'érection.


« Et, comme si la mesure n'était pas encore comble, cette idée délirante, sortie tout droit de l'asile de fous, dégénérée et sauvage, cette idée répugnante d'intellectuel, exhala, comme un buisson en fleurs, une odeur entêtante, divine, oui, à la vérité elle était sublime ! »


Une lecture politique de ce roman pourrait également nous amener à considérer la pornographie comme traduction des sordides petits intérêts personnels, ceux-ci qui s'échelonnent jusqu'au paroxysme à cause de la décadence mégalomaniaque de quelques-uns qui ont injustement reçu le pouvoir, ainsi que nous le laisse à penser ce petit message griffonné par Frédéric à Wttold : « Il faut collaborer à l'action clandestine de Hippo. Sans révéler que notre action clandestine vise un autre but. Faites comme si vous étiez plongé jusqu'au cou dans la lutte nationale, dans l'action de l'A.K., dans le dilemme Pologne-Allemagne, comme s'il ne s'agissait que de cela…quand en fait il ne s'agit que de faire en sorte que : HENIA AVEC KAROL ». Pensée pornographique ultime : rien d'autre n'est vrai que la pornographie. On s'en délecte avec dégoût.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          301
Witold Gombrowicz fait partie de ces auteurs Galonnés que la plupart d'entre nous connaît de nom sans avoir véritablement approché sa littérature. Avec Faulkner, Dostoïevski, Cioran, Musil, il fait partie de ces monuments de la littérature qui font référence mais que nous hésitons à lire parce que justement, la référence fait peur. Il y a une connotation « Classique », un à priori lié certainement parfois au manque de confiance qui nous habite, mais aussi un aspect « sacré » dont nous avons beaucoup de mal à nous emparer.

Witold Gombrowicz a inspiré bon nombre d'auteurs bien connus, et parmi eux, Milan Kundera. Ce dernier citait bien volontiers et pêle-mêle Tandis que j'agonise, de Faulkner, Ferdydurke de Gombrowicz et L'homme sans qualités de Musil comme ses trois ouvrages fondateurs. Tout un programme à priori apparenté à l'Ulysse de Joyce, La recherche de Proust… J'ai pour ma part tenté un jour de lire celui de Joyce, j'ai cru que j'allais m'évanouir tellement mon cerveau avait de mal à établir des connections entre ce que je lisais et ce que cela signifiait. Hum. Je n'étais peut-être pas dans de bonnes conditions. Proust, pour le moment, je n'ai lu que le premier tome. Les autres m'attendent… mais ils ne sont pas perdus, ils ne sont jamais loin de moi. Lol.

Revenons à ce cher Witold. Je viens d'achever la lecture de la pornographie. Un collègue assez porté sur les allusions sexuelles me faisait remarquer, en lisant le titre de l'ouvrage, que je n'avais pas une tête à lire des cochonneries. Pfff… Mais il ne s'agit pas d'un ouvrage pornographique !!! ou…. Ou alors il s'agit d'une pornographie autrement plus intellectuelle que ces vilains jeux de quilles que nous téléchargeons par erreur lorsque nous recherchons le bon vieux Blanche neige de Walt Disney.

Witold Gombrowicz est né en 1904 en Pologne. Il était donc Polonais, mais aimait bien notre pays, où il est mort (à Nice) en 1969. Hum. Il publie en France Mémoires du temps de l'immaturité et Ferdydurke. La pornographie est publié en 1960. Gombrowicz s'intéresse à la Philosophie (L'existentialisme), les rapports entre les personnes (qu'il développe et étudie dans ses oeuvres) et cultive l'anti-nationalisme. Hum. Mais parlons du roman :

Witold, le personnage (l'auteur joue ici son rôle) fait la connaissance de Frédéric. Ensemble, ils vont faire la connaissance de deux jeunes gens : la fille d'un ami, Hénia, qui est déjà promise à un avocat mature, Albert. Puis il y a l'aide du père d'Hénia, Karol. Ces deux jeunes gens sont environ du même âge, et dès que Frédéric et Witold les rencontrent (précisons que Witold et Frédéric, deux hommes d'âge mûr, ne se connaissent pas plus que ça), ils éveillent chez leurs ainés un curieux désir : celui de les voir s'accoupler. Bon. Expliquons.

Nous avons deux nuques aussi juvéniles et lisses l'une que l'autre. Deux jeunes gens, auxquelles elles appartiennent, qui sont aussi espiègles l'un que l'autre. Et à côté, nous avons deux pervers intellectuels qui s'ennuient visiblement et sont habités par la même obsession. Les deux jeunes gens finissent par se rendre compte de l'excitation des deux matures (le sont-ils vraiment, matures, ces deux-la ?) et entrent dans le jeu : ainsi, ils flirtent volontiers avec eux en se prêtant à des mises en scène somme toute très chastes (écraser un ver de terre unique en même temps, avec leurs deux pieds réunis sur le ver de terre…, se vautrer dans l'herbe, sans se toucher, mais en prenant soin de dénuder chacun une jambe…), des mises en scène donc auxquelles les deux hommes assistent mi-voyeurs, mi-falsificateurs.

Mais ces quatre personnages ne sont pas seuls, et bientôt, ils vont se retrouver dans un théâtre plus… sanglant, bien malgré eux au départ. Cependant, Frédéric est là pour veiller à la maîtrise de l'oeuvre !

L'écriture de Gombrowicz rappelle le burlesque de Diderot, dans Jacques le Fataliste, l'absurde de Kafka, et la précision des auteurs du XIXème siècle. Witold (le narrateur) semble aussi perdu que K dans le procès. Frédéric est aussi hilarant que le Jacques de Diderot. Certaines scènes familiales sont dignes d'un Balzac.

Enfin, si vous vous attendez à lire un livre ennuyeux, trop intello, difficile à lire : vous vous trompez. Il se lit remarquablement vite et bien. L'auteur offre une aisance de lecture parfaite étant donné les relations plutôt… complexes qui sont établies entre les personnages. Ma scène préférée ?....

… celle du ver de terre bien sûr !


Lien : http://lethee.over-blog.com/..
Commenter  J’apprécie          170
Pologne 1943, quelques individus sont réunis dans une grande demeure à la campagne pour d'obscurs motifs liés à des activités de résistance. le contexte historique n'est toutefois pas le propos du roman, du moins pas au premier degré. le narrateur (qui porte le même nom que l'auteur) exhibe plutôt ses pensées immorales et celles d'un ami, personnage miroir. Les deux hommes d'âge mûr élaboreront un jeu trouble dans l'espoir d'accoupler deux adolescents du village, un garçon et une fille. Fantasme, manipulation, jeunisme/vieillissement, pulsions éros/thanatos sont les principaux thèmes abordés. L'obscénité évoquée par le titre n'est pas tant celle des corps que celle de la psyché.
Un petit extrait des dernières pages résume bien l'intrigue, ainsi que mon ressenti de lectrice : « […] d'une part, la proposition était scabreuse […], mais de l'autre, elle était enivrante et excitante […] ». Coup de coeur pour ce roman qui m'a rappelé par moment Les liaisons dangereusesDe Laclos, un mes classiques préférés. Et, découverte une fois de plus d'un auteur dont je veux maintenant lire toute l'oeuvre.
Commenter  J’apprécie          20
LA PORNOGRAPHIE de WITOLD GOMBROWICZ
Ne vous laissez pas impressionner par le titre, il n'y a rien de pornographique dans cette histoire. Witold ( l'auteur ) quitte Varsovie pendant la seconde guerre mondiale avec Frédéric, rencontré récemment. Hommes dans la force de l'âge ils se rendent à la campagne, dans une maison où se trouvent Henia , une jeune fille et Karol, un jeune garçon. Henia est promise à Albert, mais Witold et Frédéric, ne vont avoir de cesse de vouloir faire naître une histoire sexuelle entre Henia et Karol. Une grande partie du livre consiste en cette manipulation perverse. Y arriveront ils ? Peut être, mais l'arrivée d'un résistant célèbre va modifier la donne.
Fantasme, mise en scène et manipulation sont au programme, le tout teinté d'un érotisme latent.
Facile à lire comparé à d'autres livres du même auteur je vous conseille ce bijou de perversité.
Commenter  J’apprécie          10
J'ai adoré ce livre singulier qui s'est gravé dans ma mémoire comme une découverte excitante
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (275) Voir plus



Quiz Voir plus

Marathon-quiz : 50 classiques français

Qui a écrit "Les Fourberies de Scapin" ?

Corneille
Racine
Molière
Marivaux

50 questions
1292 lecteurs ont répondu
Thèmes : classique français , littérature française , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}