En 1936, dans une banlieue pauvre de Philadelphie, quatre hommes trentenaires attendent au coin d'une rue. Quatre copains qui vivent chez leurs parents et se retrouvent pour passer le temps en mangeant des pistaches et en fumant des cigarettes. Ils ne savent pas s'ils pourront en acheter demain, car ils sont au chômage. Il n'y a pas de travail pour eux, à part un petit boulot de temps en temps, dans lequel eux, les "visages sales", se feront exploités par les "cols durs". Alors à quoi bon chercher ?
Il faut pourtant bien "faire quelque chose". Ken compose des mélodies, sur lesquelles Ralph écrit des paroles. Phillip, dit Dingo, organise des soirées avec des filles en les contactant par téléphone. George suit le mouvement.
Partir, tout quitter, dans l'espoir de devenir riche, c'est la seule solution.
Et puis il y a Lénore, la belle-soeur de Dingo, qui en pince pour Ralph. Plantureuse et désirable. Tentatrice de l'assouvissement du désir sans lendemain. Une liaison sans attache qui évite de s'installer dans un "bonheur conjugal" vu ici comme une oppression, puisqu'il est conditionné à l'argent qu'ils n'ont pas. Ralph succombera-t-il à "la blonde au coin de la rue" ?
Mais, dans le "gris" et le "terne" de leur ville, dans "l'alignement des maisons toutes semblables" où les violences familiales sont sans limites, ces quatre hommes trouveront-ils la force psychologique et les armes sociales pour s'enfuir ? Tenter sa chance, n'importe où, au risque de perdre la seule chose qu'ils possèdent : l'espoir.
Une vision désabusée du rêve américain, dont la prégnance des thèmes reste très actuelle. Écrit dans un style simple, mais percutant, je reste envoûté par l'écriture de David Goodis, dont c'est le premier livre que je lis, mais certainement pas le dernier.
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Ce Goodis c est la mise en avant du rien. Mais un rien bien rempli. Rempli de galères, de débrouilles, de sincérité, d'échanges, de soutiens, de rêves... Des potes qui galèrent dans une Amérique triste et qui ont comme bureau un coin d'une rue. Moi ça me rappelle quand on était jeunes avec mes amis, à squatter le soir et le week-end autour d'une fontaine sous un sol pleureur, oui on avait des tunes avec les potos. Bon la fontaine avait pas d'eau mais ca claque de le dire...on glandait la, avec chacun nos baladeurs CD et nos écouteurs dans les oreilles, on parlait de nos nanas qui n'existaient pas, de nos dragues en soirée qui existaient encore moins, de nos projets futurs qui verraient jamais le jour... on se satisfaisait de ce rien car on savait que c'était le seul moment où on partageait des choses ensemble et c'est ca la vie pure et simple. Moi je l'ai aimé ce livre, plein de sincérité je valide
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On ne peut échapper à son destin, telle semble être la morale, en autant qu'on puisse parler de morale dans ce cas-ci, de ce livre. On passe quelques jours avec un groupe de paumés de Philadelphie au temps de la Grande Dépression. Chaque membre se ment à lui-même pour pouvoir endurer sa vie de raté. Ça donne un roman déprimant où le rêve illusoire tient lieu d'antidote à la réalité, où la violence est l'exutoire quasi quotidien. Bizarrement le titre fait référence à un personnage presque secondaire mais dont les agissements, surtout lors de la finale, sont implacablement révélateurs du propos central. Les préoccupations et le style dépouillé mais terriblement efficace de l'auteur attisent ma curiosité envers ses autres oeuvres.
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L’éclat, le brio, le chic, le panache, c’étaient ça les grands seigneurs.
Les nababs avec leur fric, et leur feutre de luxe, et leur cabriolet lavande, capote baissée, qui dévale une rue sombre dans la nuit noire vers un club chic…
…et les grands seigneurs qui ont de grandes conversations, tout est grand, tout brille, tout scintille, tout est grand, tout est beau, tout est luxueux. Les grands seigneurs. Les grands gagnants de la partie de dés.
Ralph sentit son souffle sur son visage, comme une vapeur chaude qui chassait le vent de l'hiver. Laissant son regard dériver, il contempla l'interminable rangée de maisons identiques qui se louaient pour quarante dollars par mois, et dont la valeur n'atteignaient pas trois mille dollars. Ralph ne savait pas très bien ce qu'il pensait, et c'est à peine s'il s'entendit murmurer :
- J'en ai assez de ce quartier. J'en ai ma claque de traîner dans ce coin en attendant qu'il se passe quelque chose. Il faut que je me tire, c'est la seule chose à faire. Il faut que je réagisse. Que je trouve une solution. Il y a sûrement mieux ailleurs.
- Mieux que moi ?
Ralph continua de regarder au loin, les yeux fixés sur l'alignement des maisons toutes semblables qui se répétait à l'infini pour se perdre dans la nuit.
- Il y a forcément mieux que cette vie-là. Ça ne peut pas continuer comme ca éternellement, jour après jour, la même routine minable, sans rien à faire, nulle part où aller, sinon rester planté au coin de la rue, à attendre, attendre...
- Attendre quoi ?
- Si seulement je le savais.
Page 13
Finalement, il se dit qu'il était plutôt mieux loti que les types qui avaient du travail. C'étaient des esclaves. Ralph était bien placé pour le savoir. Il savait ce que ça voulait dire de travailler dans un service d'expéditions à se crever la paillasse, à écouter les gros bonnets vous traiter d'imbéciles, vous montrer ci, vous monter ça, vous dire de faire ceci et de faire cela, et vous demander où vous étiez le jour de la distribution de matière grise. Et les paquets, et les colis, et les jurons, le papier, la ficelle. Et la poussière, la sueur, et tous les employés fatigués, déprimés, marmonnant des injures, haïssant le patron, se détestant les uns les autres, qui attendent et espèrent seule chose : l'heure de la sortie, et qui prient pour qu'il soit cinq heures et demie le plus tôt possible, parce qu'il y a des limites à ce qu'un homme peut supporter.
Et c'était cela, avoir un emploi.
C'était ce qu'on appelait "faire quelque chose".
Pages 52-53
Dans la minuscule salle à manger, ils s'installèrent autour de la petite table et se jetèrent sur leurs assiettes. Ils avaient tous faim. Sans dire un mot, ils enfournaient la nourriture avec le plus grand sérieux. Chacun d'entre eux était à peine conscient de la présence des autres , ou du vacarme de la radio qui diffusait de la musique à plein volume dans le salon.
Tous les autres mangeaient vite, mais Mr. Creel prenait son temps. Son travail à l'usine frigorifique exigeait bien assez de célérité à lui tout seul. Cela ralentissait toutes ses autres activités, le faisant manger moins vite, parler moins vite, marcher et penser moins vite.
Pages 48-49
Et elle hurle après lui, il ne sait pas trop pourquoi. Elle est bonne celle-là. Comme si sa femme avait le droit de lui crier dans les oreilles. Il pose son couteau et sa fourchette. Il a déjà perdu l'appétit. Il est prêt à tout, parce qu'il en a par-dessus la tête. Et elle continue d'aboyer, encore et encore. Tout à coup, il explose, et il lui dit de la fermer, sinon il va lui casser toutes les dents. Finalement, il se lève et il sort, et elle se met à pleurer. Et tout ça, c'est ce qu'on appelle une belle histoire d'amour. C'est ce qu'on appelle le bonheur conjugal.
Page 56
La Collection Cinéma Cinémas : épisode 7
Sommaire : - Ferreri tourne "I love you"- Fragments d'un
scénario : Eurstache- Cassavetes : "Loves streams"- Trois camarades- Apparitions : le ciel est à eux- Rencontre : Ben Gazzara- Petits papier : Pascale Ogier- Sur les traces de...
David Goodis1. Ferreri tourne I love youà 22:30:43:00 - 00:01:57:00Reportage consacré au tournage du film "I love you" de Marco FERRERI dans les studios...