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EAN : 9782864248521
240 pages
Editions Métailié (09/02/2012)
3.54/5   14 notes
Résumé :
Daniel Rooke est un enfant exceptionnellement doué. Ses maîtres l’envoient étudier à l’Académie navale de Portsmouth où il se trouve embarrassé par son origine trop modeste et son intelligence trop vive. Son horizon s’élargit quand il découvre la navigation et l’astronomie. L’Astronome royal, qui a repéré en lui un esprit hors norme, l’envoie en expédition scientifique pour étudier le retour d’une comète qui ne sera visible que de l’hémisphère Sud. Il navigue donc v... >Voir plus
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Diplômée des universités de Sydney et du Colorado, professeur d'expression écrite, Kate Grenville est aujourd'hui l'une des écrivains-phare de la littérature australienne. Passée du montage cinématographique et de l'écriture de scénarios aux nouvelles puis aux romans, elle bénéficie dans son pays d'une solide réputation. Certaines de ses oeuvres ont d'ailleurs été adaptées à l'écran. Les romans de Kate Grenville ont remporté de nombreux prix tant en Australie qu'au niveau international. 'The Idea of perfection' ('The Orange Prize for Fiction' en 2001) est devenu un best-seller. Son grand succès d'écrivain est 'The Secret River' (‘The Commonwealth Prize for Literature', 'The Booksellers' Choice Award', 'The Fellowship of Australian Writers Prize' en 2006), une fresque sur l'installation des colons blancs en Australie et sur leurs rapports conflictuels avec les Aborigènes. le dernier roman de Kate Grenville, 'The Lieutenant', a remporté 'The Orange Prize for fiction' en 2010 et il a été traduit aux Éditions Métailié en 2012.

L'histoire que nous conte Kate Grenville est d'une touchante simplicité. En 1770, le jeune Daniel Rooke (il a huit ans) est passionné par les nombres premiers, Euclide et les étoiles, lesquelles (page 18) lui font tourner la tête. Placé à l'Académie Navale de Portsmouth, bizuté par ses ainés, ne pouvant (page 15) se confier à ses parents, Daniel Rooke aspire à devenir (page 17) un garçon ordinaire. de condition modeste, Daniel Rooke intègre les 'Marines Forces' de Sa Majesté, le roi George III, en qualité de sous-lieutenant. En 1786, le lieutenant Daniel Rooke embarque à bord du trois-mâts le ‘Resolution' pour une mission d'observation des comètes en Nouvelle-Galles du Sud, territoire vierge et peu connu de l'Australie. Sur place, Daniel Rooke observe le climat et les étoiles mais il est surtout intrigué par les aborigènes, indigènes auxquels les colons anglais donnent le nom de « naturels ». La barrière de la langue freine toute communication jusqu'au jour où Daniel Rooke fait la connaissance de Tagaran, une jeune fille aborigène avec laquelle il va se lier d'amitié. Comprimé par des années de scolarité, par la vie militaire et par la vie en mer, Daniel Rooke se détend, fasciné par Tagaran : cette fascination est mutuelle et, à ses côtés, le tout jeune homme devient un homme, découvrant l'identité, la spécificité et la culture du peuple Cadigal.

L'histoire que nous conte Kate Grenville est très largement inspirée du véritable parcours de William Dawes : « Je suis tombée sur un bref extrait des cahiers de Dawes dans un livre de Tim Flannery à propos des débuts de Sydney. Les cahiers rapportaient les cours de langue donnés à Dawes par une jeune fille aborigène, et contenaient mot pour mot les conversations qu'ils ont eu ensemble. Leur relation était clairement affectueuse, taquine et respectueuse (et, selon mon opinion, ce n'était pas une relation sexuelle). Il était très surprenant pour moi qu'un lieutenant de la Marine Royale et une jeune fille aborigène puissent construire un pont d'amitié au-dessus des fossés de la race, de la langue et de la vie qui les séparaient, et j'ai écrit le livre pour explorer cette unique et touchante relation ». Ainsi, ‘The Lieutenant', qui est truffé de termes et d'expressions de la langue Cadigal, nous offre à la fois un cours d'ethnologie et une rencontre entre militaires britanniques et aborigènes. le thème de l'apprentissage d'une langue est assez convenablement traité : on ne peut acquérir une langue sans établir de vraies relations avec ceux et celles qui la parlent. Écrit dans un style simple, clair et précis, relatant des faits probablement assez proches de la réalité, 'The Lieutenant' séduira le lecteur épris de dépaysement, enclin à la délicatesse, et attiré par le pouvoir évocateur des images. Au-delà du mythe du ‘bon sauvage', le lecteur y trouvera aussi matière à réfléchir sur le colonialisme et plus précisément sur la cruauté des colons britanniques envers les aborigènes, ce que Kate Grenville explique par le fait que ses propres aïeux (qui étaient des condamnés et qui sont arrivés en Australie avec les premiers colons) ont été personnellement témoins de faits similaires à ceux qui sont relatés. Kate Grenville dénonce à fleuret moucheté les méfaits du colonialisme et nous montre son peu de goût pour la chose militaire : (page 32) Daniel vit que sous la surface inoffensive du service de Sa Majesté, derrière ses rituels, ses uniformes et ses civilités, se cachait l'horreur (le meneur des mutins est pendu en place publique) ; (page 93) j'avais huit gaillards avec moi et nous avons fini par réussir à ligoter deux pauvres diables : il a fallu leur mettre les fers aux pieds et aux mains. Mais, vous avez fait votre devoir, voilà tout ! (page 158) c'était la justice en oeuvre : impartiale, aveugle, noble. Il n'y a pas de justice sans douleur ; (page 197) le service de l'humanité et celui de Sa Majesté ne sont pas synonymes. La fidélité à L Histoire semble réelle. Les personnages sont attachants : outre Daniel Rooke et son copain Talbot Silk, (page 27) « un modèle de réussite », il y a tous les militaires qui l'entourent, comme les capitaines Barton et Gardiner (page 47), Gosden et Lennox (page 55), les lieutenants Timpson (page 73) et Willstead (page 77), le docteur Weymark, au major Wyatt, l'aumônier Pullen, le garde-chasse Brugden (page 80) et le gouverneur, le commodore James Gilbert. Éprise d'humanisme, Kate Grenville nous offre un livre agréable à lire. Passionnée par son sujet, elle fait revivre pour nous les us et coutumes d'autrefois de la Nouvelle-Galles du Sud et elle nous relate l'histoire d'une amitié. Oui, quelle belle histoire que celle de Daniel et de Tagaran ! Refusant la facilité et le conformisme, Daniel - qui pouvait faire carrière de soldat fera, en tant qu'être humain, astronome et linguiste, le choix délibéré et convaincu du respect et de l'écoute et de la même façon, Tagaran - qui pouvait suivre les us et coutumes Cadigal – tentera de s'ouvrir à un monde qui lui est étranger et qu'on lui impose, et elle fera la découverte de l'amitié !

Alors, un roman captivant, original et plein d'espoir ? Pas réellement. La nature est décrite d'une façon très visuelle (il y a peu de sons, d'odeurs et de saveurs dans ce texte) et un peu mièvre : ainsi, (page 49) le bateau passe « tranquillement devant des baies bordées de croissants de sable jaune et de promontoires de forêt drue ». La culture aborigène est décrite « de l'extérieur », sans affect aucun (ou avec trop de retenue), comme le ferait un entomologiste muni d'une loupe, à propos d'un insecte. Certaines phrases sont assez peu heureuses : ainsi (page 63) Kate Grenville nous parle de la « solitude intérieure » de Daniel Rooke, de toutes ces « âmes naufragées comme lui » mais, faute d'explication, cette affirmation gratuite vient ici comme un cheveu sur la soupe ; puis (page 71), l'auteure nous indique que « Daniel connaissait maintenant toutes les constellations australes aussi bien que celles sous lesquelles il avait grandi » mais à aucun moment elle ne nous a montré dans les pages qui précédaient que Daniel commençait à apprendre ces constellations australes. Quant aux traits des personnages, ils sont aussi vite esquissés qu'oubliés. Et pourquoi faire de Daniel Rooke un autiste qui (page 20) ressentait les textures de fugues jouées à l'orgue de l'église, qui (page 27) avait l'oreille absolue, qui (page 129) ambitionnait de craquer la langue Cadigal comme on craque une noix ? Et pourquoi avoir fait de Talbot Silk, son copain, un littéraire d'exception (page 46 – l'élégance de ses phrases, le façonnement de sa progression … l'instinct de travailler un événement pour que sa narration devienne presque plus réelle que les faits) faisant pendant au mathématicien de génie qu'était Daniel Rooke ? Pour quelles raisons Kate Grenville aura voulu apporter ce surplus de densité et d'épaisseur à nos deux héros ?

Au final, vous avez entre les mains un livre qui s'inscrit dans la suite de ‘The Secret River' et qui pourra intéresser par son histoire agréable et son écriture. Mais l'ouvrage m'a semblé un peu trop long et rédigé avec un peu trop de distance. Je le conseille donc en priorité aux passionnés d'histoire coloniale ou aux amateurs de ‘jelly'.
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Lecture avril 2012

J'ai aimé ce livre où l'on suit le lieutenant Rooke dans l'apprentissage de sa vie !

Au départ cet homme très intelligent n'arrive pas vraiment à trouver sa place dans la société.

"Daniel Rooke était un homme discret, taciturne et peu loquace. Il n'avait d'autre souvenir que le sentiment d'être exclu." (premières phrases du livre)


Différentes périodes jalonnent sa vie et celles-ci recoupent les 5 parties du livre :

Partie 1 le jeune Lieutenant

"Rooke ne risquait pas d'oublier. cet après-midi où les sentiments avaient été engourdis par un tel assaut, il vit que sous la surface inoffensive du service de sa Majesté, derrière ses rituels, ses uniformes et ses civilités, se cachait l'horreur".


Partie 2 L'astronome

"Rooke voyait tellement plus de choses que Lacaille - dont les instruments étaient à présents obsolètes - n'avait pu observer. Il se demanda donc si, dans l'avenir, un télescope d'une puissance inimaginable pourrait révéler encore plus d'étoiles et d'autres encore après cela, dans les sombres espaces qui les séparaient. Il y avaient des nuits où il s'effaçait presque face à la richesse du ciel. N'y avait-il pas de fin à tout cela ? Y avait-il seulement une fin à ce qui pouvait être observé ? "


Partie 3 le nom des choses


"Cette échange était sorti du cadre des leçons de langue. C'était une conversation. Pour la première fois, Tagaran (une native de l'île) et lui (Rooke) étaient du même côté du miroir de la langue, ils se parlaient, tout simplement. La compréhension était à double sens. "


Partie 4 Être membre de l'expédition


" Son corps était pâle au clair de lune quand il se fut débarrassé de tous ses vêtements, il eut l'impression qu'il appartenait à un autre homme. Sous ses pieds, le sable était frais et satiné. Il fut surpris de ne pas voir de sang sur ses mains. Tout autour de lui, il ne restait qu'un halo obscur : l'odeur de son écoeurement. "


Partie 5 Antigua , 1836

Épilogue de la vie de Rooke


Si au départ en tant que lectrice j'ai eu du mal à m'attacher à sa personnalité présentée au départ comme assez banale, je l'ai suivi avec plaisir tout de même et je m'y suis fortement attachée au fur et à mesure qu'il "grandissait" !

Sa vie, son apprentissage, ses connaissances, ses choix et son intelligence au service de l'humain ont fait de lui plus qu'un simple Lieutenant, plus qu'un simple astronome mais un Homme avec des idées et des principes qui sont forts, beaux et grands ! Un homme sur terre, une poussière d'étoile.

L'observation des étoiles a guidé Rooke vers la compréhension des hommes. Son intelligence s'est mise au service de la découverte d'un peuple par un véritable travail d'échanges de mots mais aussi de bien plus.

Cette histoire inspirée de fait réels, "A Patyegarang, au peuple Cadigal et à William Dawes. Leur histoire a inspiré ce roman" est très bien romancée et j'ai apprécié la plume de Kate Grenville qui tout en s'appuyant sur des sources historiques à su impulser un souffle romanesque à la vie de de Daniel Rooke (Une interview de l'auteur).

En un mot je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre
et ainsi de partir avec Rooke vers sa propre découverte et celle des autres.
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Très jeune déjà, Daniel Rooke préfère la compagnie des chiffres et des astres à celle de ses semblables.
Plutôt doué, il décide de devenir astronome. Hélas, le royaume de sa Majesté n'ayant pas de poste à lui proposer, il entre dans les Marine Forces et, jusqu'en 1781, s'en ira guerroyer outre-atlantique sur le Resolution où il se lie d'amitié avec le jeune, l'avenant et ambitieux Talbot Silk aussi à l'aise avec les mots que Rooke l'est avec les chiffres.
De retour en Angleterre, le voilà en 1786 en partance pour la Nouvelle-Galles du Sud sur un bateau convoyeur de prisonniers anglais. Rooke, recommandé par l'Astronome royal, est chargé d'observer l'éventuel retour d'une comète uniquement visible dans l'hémisphère sud . Silk, devenu entre temps capitaine-lieutenant, fait aussi parti du voyage.

"Comme un organe étranglé par un garrot, Rooke avait l'impression d'avoir été comprimé par toutes ces années de scolarité et de vie en mer. A présent, il pouvait enfin se dilater et combler l'espace qui lui convenait, quel qu'il fût. Dans ce lieu, avec ses pensées comme seule compagnie, il deviendrait la personne qu'il était vraiment, ni plus ni moins.
Lui-même. C'était un territoire aussi inexploré que celui où il se trouvait."

Effectivement, retranché dans son observatoire, une hutte sommaire à l'écart du reste des soldats et des prisonniers, Rooke a enfin trouvé sa place. Si la population locale, "les naturels" comme les nomment les Anglais, se montre dans un premier temps distante et observatrice, elle se voit bientôt contrainte d'entrer en contact avec les sujets de sa Majesté. de son côté, Rooke ne tarde pas à attiser la curiosité d'un groupe de femmes et d'enfants avec lesquels il entreprend de communiquer malgré la barrière de la langue. Fascination mutuelle, étrange étranger l'un pour l'autre, Rooke et une fillette nomméeTagaran se nouent d'amitié, chacun partant explorer le monde et le langage de l'autre.

Transporté par l'enthousiasme de ces échanges, Rooke en oublierait presqu'il porte un uniforme, jusqu'au jour où un événement lui rappelle qu'un soldat se doit d'obéir aveuglément aux ordres.

Que voilà un roman original ! Comme on voudrait qu'il dure encore un peu ! J'ai même été jusqu'à imaginer une suite, hautement improbable, où fusionneraient Daniel Rooke et Narcisse Pelletier (voir le livre Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde) ! Et avec quel talent son auteur nous dépeint l'évolution de ce petit lieutenant devenu grand ! Lui, le timide et le maladroit qui ne trouve pas les mots, le solitaire enfermé dans sa tour d'ivoire pour mieux se protéger de l'ombre de ses pairs, lui qui jusqu'alors se suffisait à lui-même, le voilà soudain pris d'un frénétique désir des autres, ces autres si semblables et si différents à la fois, le voilà heureux de constater que toutes les faiblesses qui l'éloignaient des ses congénères deviennent une force irrésistible qui le pousse enfin vers autrui. Et si, sous l'influence de son ami Silk, la fugace tentation de tirer gloriole d'être le premier déchiffreur d'une langue inconnue l'effleure un instant, il comprendra rapidement que la finalité de cette entreprise est ailleurs, bien au-delà des mots.

Mêlant adroitement fiction et réalité, l'auteur nous offre un bien beau dépaysement littéraire et une habile réflexion romanesque autour des notions d'identité, d'altérité et d'intégrité, le tout servi dans une langue non dénuée de poésie. Une simple mais attachante histoire, celle d'une naissance d'un homme à lui-même !
A savourer, vraiment.


Lien : http://moustafette.canalblog..
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Daniel Rooke débarque en Australie (alors colonie de l'empire britannique) avec pour mission d'observer des comètes. Mais bientôt, son attention sera tournée vers un peuple avec des moeurs bien éloignées des siennes, et dont il ignorait l'existence, les aborigènes.
Il se met à travailler différemment à leur contact et se prend d'affection pour une jeune fille, Tagaran. Une proximité qui l'amènera à faire des choix qui bouleverseront sa vie.

Il est assez question d'astronomie et pour la profane que je suis, des lignes ont été longues à lire. Toutefois, l'intérêt du livre est ailleurs. Il revient sur la coexistence trouble et même violente entre les colons et les natifs.
Tout le mérite de Rooke est de s'être transcendé pour apprendre la langue des aborigènes et d'être "allé à l'intérieur du cosmos qu'ils habitaient".

Un ouvrage intéressant qui permet d'avoir une idée de la colonisation britannique en Australie.
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En 1767, le jeune Daniel Rooke a cinq ans et se passionne pour les nombres premiers. Bien que de condition relativement modeste, son don pour l'observation et les chiffres le font remarquer tout d'abord par ses professeurs puis par l'Astronome Royal, ce qui lui permet ainsi que rejoindre l'Académie navale de Portsmouth puis d'intégrer les Marines Forces du roi George III en qualité de sous-lieutenant. Mais en 1786, c'est en tant que lieutenant que Daniel Rooke embarque pour une mission en Nouvelle-Galles du Sud, territoire encore vierge et peu connu de l'Australie. Sur place, il commence à rédiger des observations sur le climat, les étoiles mais est surtout intrigué par les habitants de l'endroit, les « naturels » comme les colons anglais les appellent. La communication semble être très limitée à cause de la barrière de la langue mais quand Rooke fait la connaissance d'une jeune fille aborigène, une sorte de dialogue se noue …
Le titre pourrait paraître rébarbatif ou laisser à penser qu'on allait peut-être aborder là une histoire purement militaire mais c'est un roman historique original et bien mené que j'ai découvert avec cette lecture. L'auteure s'est inspirée de la vie du lieutenant William Dawes pour bâtir le personnage de Daniel Rooke, lui donnant une consistance et une dimension lui donnant presque réalité. Ce Daniel Rooke est un homme qui s'est toujours senti à l'écart du monde, qui avait du mal à communiquer avec autrui et ce voyage en terre lointaine va le changer à tout jamais. J'ai trouvé cette évolution très intéressante car l'homme, s'il a du mal à se lier, n'en est pas moins très humain et il se pose beaucoup de questions sur la vie, sur les conséquences des actions effectuées, sur la place des êtres humains sur la Terre. Mais ce que j'ai trouvé réellement fascinant, c'est le contraste entre les deux mondes : celui policé et organisé des colons anglais et celui libre et sauvage des aborigènes. L'auteure a su merveilleusement décrire les difficultés de communication, de compréhension qui peuvent exister entre deux sociétés totalement à l'opposé l'une de l'autre et j'ai trouvé passionnant de voir comme Rooke arrive à dépasser ces différences avec la jeune fille aborigène qu'il rencontre. Bon, je reconnais quand même avoir parfois trouvé quelques longueurs dans l'explication du langage mais le rythme de l'ensemble reste malgré tout soutenu, sans lassitude réelle. Il faut dire que Rooke a tellement à découvrir sur ce nouveau continent que chaque page a été l'occasion pour moi de découvrir avec lui, et le subtil mélange entre Histoire, fiction et sciences a fait de ma lecture une véritable réussite surprenante !
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
page 233
[...] Il mangerait d'abord l'igname, au délicat gout de terre, puis la mangue, sucrée, parfumée, dont la texture faisait penser à de la viande.
- Doucement, monsieur Rooke, chuchota Henrietta. Prenez votre temps, allez-y doucement.
Après avoir mangé une bouchée de chaque, il se rallongeait. La mangue était sucrée sur la langue, mais elle laissait un arrière-gout amer. Il aurait voulu la faire descendre avec une gorgée d'eau, mais il n'avait pas la force de s’assoir et de boire.
La chambre était de plus en plus chaude. Il sentit une goute de sueur glisser le long de sa joue. Il vit le rideau à la familiarité épuisante, le carrelage, la moisissure. Il se crut incapable de passer une autre journée à regarder la lumière faire le tour de la pièce, à attendre la tombée de la nuit.
Il s'entendit expirer tout l'air de ses poumons en poussant un cri entre le grognement et le gémissement. Henrietta se pencha vers lui et s'assit longuement à son chevet, en lui caressant les doigts. Il sentait ses doigts, leur peau glissante, lisse et chaude contre les siens.
"Putuwa". C'était le mot que Tagaran lui avait enseigné. "Putuwa", et il en avait inscrit la signification dans son carnet : se réchauffer la main devant le feu puis serrer doucement les doigts d'une autre personne. [...]
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Il est impossible d'acquérir une langue sans établir de relation avec ses locuteurs. Son amitié avec Tagaran ne se résumait pas à une liste d'objets, ou de mots pour ce qui se mange ou ne se mange pas, qui se jette ou en se jette pas. C'est la lente élaboration de la carte d'une relation.
Le nom des choses, si l'on voulait les comprendre, concernait tout autant les espaces entre les mots que les mots. Apprendre une langue n'était pas comme relier deux points à l'aide d'une ligne. C'était un saut à l'intérieur de l'autre."
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Comme un organe étranglé par un garrot, Rooke avait l'impression d'avoir été comprimé par toutes ces années de scolarité et de vie en mer. A présent, il pouvait enfin se dilater et combler l'espace qui lui convenait, quel qu'il fût. Dans ce lieu, avec ses pensées comme seule compagnie, il deviendrait la personne qu'il était vraiment, ni plus ni moins.
Lui-même. C'était un territoire aussi inexploré que celui où il se trouvait.
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Même lorsqu'ils les croisaient de très près dans les ruelles étroites, Rooke remarqua que les esclaves ne le regardaient jamais en face. On leur avait sans doute appris à ne jamais soutenir le regard d'un homme blanc. Leurs traits étaient exotiques, puissants, comme s'ils étaient taillés dans une matière plus solide que le mastic insipide des visages anglais.
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Le voyage de découverte dans lequel il venait de se lancer était d'une importance comparable, un voyage qui ne se contentait pas d'explorer la langue d'une race jusque-là inconnue, mais qui allait à l'intérieur du cosmos qu'ils habitaient : l'organisation de leur société, les dieux qu'ils vénéraient, leurs pensées et espoirs, leurs craintes et passions.
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Vidéo de Kate Grenville
Lilian's Story (film 1996) - extrait.
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