Ziryab, de l'historien espagnol Jesús Greus, retrace la vie du grand musicien Abu Hassan Ali ben Nafi , surnommé "l'oiseau noir" , qui naquit à Mossoul en 789 et mourut à Cordoue en 857.
Exilé à Cordoue en 822 pour échapper au courroux de son maître qui jalousait son talent, Ziryab devint une figure incontournable de la musique arabe-andalouse, fit connaître le luth -auquel il rajouta une cinquième corde- en Andalousie, fut un excellent pédagogue, un chanteur célébré et bénéficia de la protection de l'Emir omeyyade Abd al-Rahman II. Proche de ce dernier, il introduisit les arts de la table et de la cosmétique à sa cour, ainsi que de nouvelles tenues vestimentaires. On apprend donc beaucoup sur l'existence de ce grand luthiste et poète. Ceux qui s'intéressent à l'histoire de la musique trouveront dans ce roman de nombreuses anecdotes sur les différentes compositions musicales et poétiques (mouachah, noubas...) car Ziryab est considéré comme le père de la musique arabe-andalouse.
Le roman offre un voyage agréable dans l'Espagne médiévale, même si souvent l'auteur, dans sa volonté de dresser une description rigoureuse d' Al-Andalus au IXème siècle, se montre trèèès didactique. Il dresse aussi un portrait idéal d'Abd al-Rahman II, mécène considéré comme un Emir très cultivé dont la cour était connue dans toute l'Europe.
Le roman a quand même un côté « Image d'Epinal » à trop vouloir nous dépeindre une ville merveilleuse où cohabitaient gens du Livre et esclaves d'Europe et d'Afrique dans le respect et l'harmonie, comme on peut le lire en quatrième de couverture: « Jesús Greus, historien et musicologue, a choisi la voie du roman -comme Amin Maalouf chez nous- pour nous convier à méditer sur le destin d'un Islam qui fut, à l'heure de sa splendeur, un espace de beauté, de tolérance et de liberté. »
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L'Alcazar, appelé communément Bab-al-Sudd, s'élevait au sud-ouest de la médina, au bord du fleuve, face à la Grande Mosquée de laquelle il était séparé par la rue principale, dite al mahayyat al-uzma. On racontait que sa fondation avait été l'oeuvre d'un ancien roi goth vivant à Almodovar vers le quatrième siècle. Chassant un jour dans ces parages, alors déserts, celui-ci perdit son faucon. Comme les broussailles étaient épaisses, le roi ordonna qu'on les coupât afin de retrouver l'oiseau; c'est ainsi que fut mis à jour un ancien et superbe édifice que le Goth fit reconstruire pour y séjourner à l'occasion. Capitale de la Bétique à l'époque romaine, Cordoue depuis longtemps abandonnée renaquit de ses cendres lorsque la cour se forma autour du palais exhumé. On croyait également que cet Alcazar se dressait là où Jules César avait fait planter un platane à l'issue de la bataille de Munda, et à l'emplacement duquel Abd al-Rahman I avait fait surgir les premiers palmiers d'al-Andalus.
Des marchands de la Narbonnaise apportèrent cette année-là d'inquiétantes nouvelles: les Normands s'étaient emparés de Nantes. Quelques mois plus tard, ils avaient débarqué sur la côte asturienne et en Galice, où on les repoussa. C'étaient, racontait-on, d'indomptables et cruels guerriers qui avaient le goût du sang et parlaient une langue barbare semblable aux cris du corbeau. Ils avaient rasé Nantes, Bordeaux, Toulouse, avec une brutalité inouïe, violant les femmes, brûlant tout sur leur passage, comme si la destruction était leur seul but. Les Arabes qualifiaient ces "hommes du Nord" de madjus, c'est-à-dire "mages" ou "adorateurs du feu". Excellents marins, ils naviguaient à bord de larges navires appelés drakkars, dont les proues s'ornaient d'immenses têtes de dragon taillées dans le bois. On les avait vus s'éloigner des côtes galiciennes, mais nul ne pouvait affirmer qu'ils étaient repartis vers le nord.
Va t'en au diable, perle de Chine!
Je me contente de mon rubis d'Espagne.
Ibn Hzam de Cordoue
Parmi les ruines, nul ami qui puisse me renseigner.
Qui donc me racontera l'histoire de Cordoue?
Ibn Suhayd