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EAN : 9782296051256
266 pages
Editions L'Harmattan (21/02/2008)
5/5   1 notes
Résumé :
Deux portraits de jeunes filles au relief tout "tolstoïeskien" ; un tableau de l'âge d'or de la bourgeoisie d'affaires russe à la veille de la guerre de 14, en plein essor, généreuse, sensible et éclairée ; une narration subtile portant la griffe du formalisme russe ; un roman qui a dû attendre 75 ans avant d'être réédité, pour sa non-conformité à l'image que l'on voulait donner de son auteur et de la période : toutes ces raisons confèrent aujourd'hui à la lecture d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
“Sous le doux miel se cachent de cruels poisons.”
(Ovide)

Nées de la même mère. le même milieu, la même éducation... Et pourtant, elles sont le jour et la nuit, l'amour et la haine, la sincérité et les faux-semblants... on pourrait vraiment puiser à volonté dans l'immense tonneau des antonymes pour décrire Jessie et Morgane, les deux soeurs imaginées par l'auteur russe Alexandre Grine (1880-1932).
Il sera aussi intéressant de se demander ce qui a poussé cet aventurier et révolutionnaire presque "professionnel" à écrire une sorte de conte de fée mélodramatique et délirant sur l'amour, la jalousie, les poisons et les miroirs.

La quatrième de couverture parle de la "griffe du formalisme russe", et ce court roman est en effet extrêmement "esthétisant", avec son jeu hypnotisant de contrastes et de reflets.
Le scénario en soi est simplissime et tout se passe en l'espace de quelques jours dans un endroit géographiquement vague, car Grine avait un tout autre but.
Il nous propose une histoire "d'atmosphère" : lugubre, décadente, et un brin schizophrène, qui baigne dans le clair-obscur (voilà que nous y sommes encore !) très "fin-de-siècle".
Le potentiel visuel du roman n'a pas échappé au réalisateur tchèque Juraj Herz, le représentant de la Nouvelle Vague (les cinéphiles se souviendront de son "Incinérateur de cadavres" !), qui l'a transformé en horreur psychologique surréaliste. Son film "Morgiana" (1972) a longtemps hanté mes rêves d'enfance. Certes, Herz a poussé le frisson esthétique ad extremum, et l'actrice Iva Janžurová crève l'écran dans le double rôle-titre, mais malgré tout, on n'est vraiment pas loin des sensations provoquées par l'histoire de Grine. Je recommande au moins la bande d'annonce, pour se faire une idée assez précise.
La traduction française a obtenu le Prix Russophonie 2009, ce qui est une bonne carte de visite, mais je suis d'emblée déstabilisée par le titre : pourquoi avoir rebaptisé la "Morgiana" d'origine en nota bene ordinaire "Morgane" ? Essayez seulement de prononcer les deux, pour savourer la différence : la neutralité ennuyeuse de "Morgane", contre les promesses tragiques et sépulcrales d'une "Morgiana" ! On sait d'instinct laquelle des deux sera la Reine Noire, quand l'échiquier fatal se mettra en mouvement...

Le thème des deux soeurs que tout oppose est immortel, et n'a pas besoin d'introduction. Jessie est belle, Morgane hideuse. La pétillante Jessie a des prétendants (dont un particulièrement épris), la bilieuse Morgane est seule avec sa jalousie, cultivée d'une façon presque artistique. Morgane hérite seulement d'une modeste maison à la campagne, La Flûte Verte, le reste ira à Jessie à sa majorité... voilà qui est fâcheux ! Peut-être que l'obscure voyante que fréquente Morgane trouvera quelque présage favorable dans les Tarots, ou peut-être faudrait-il donner un petit coup de pouce aux cartes...
Sous la façade d'une relation polie et presque heureuse bouillonnent et fermentent les projets diaboliques. Les miroirs - grands, petits, sur les murs, à la main ou sur une coiffeuse - reflètent les visages des deux soeurs, mais aussi les inquiétantes profondeurs de l'âme, d'où lentement se frayent un chemin des démons destructeurs.
Le potentiel dramatique des petites scènes est grand, et même s'il est mieux mis en valeur dans le film de Herz, Grine nous propose une fin différente... et tellement typique de la littérature russe !
L'amour seul n'est pas assez. Ni le caractère pur, la passion, le désir de sauver la vie d'un autre... quand ils se heurtent aux conventions sociales. Certaines situations peuvent réveiller le meilleur au fond de nous, mais la rouille de la routine finira par tout recouvrir. La fin de Grine transforme son mélodrame esthétisant en chef d'oeuvre. Laquelle des deux soeurs était finalement la plus chanceuse ?
Les pages défilent à toute vitesse, et le lecteur arrive plus vite qu'il n'en faut pour le dire à la fin... et voilà qu'on est tenté de revenir au début... qu'est ce qu'il y avait, déjà, au début... ?
"Il existe un ancien mode de divination : on regarde un miroir dans un autre placé en face du premier de telle façon qu'ils échangent leurs reflets, ce qui donne un corridor étincelant infini, tapissé de rangées parallèles de chandelles. La jeune fille qui pratique cette divination (seules les jeunes filles le font) regarde ce corridor, et ce qu'elle y voit alors montre le sort qui l'attend."

5/5 très subjectifs ; de pareilles fantaisies me mettent toujours sur les genoux.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La haine est le degré suprême de l'inhumanité transformée en passion, et heureux qui n'a pas éprouvé son voisinage attentif. Jessie aurait bien ri si on lui avait dit que Morgane la haïssait pour de bon et, dans sa haine, n'était pas loin de sangloter à ses pieds en implorant son pardon comme on aspire à du repos après un travail au-dessus de nos forces. Les autres femmes belles ou jolies n'éveillaient chez Morgane qu'une émotion amère et méchante, prête à se transformer en critique. Mais Jessie se situait à part comme le mot principal de la jeunesse et de la douceur. Pour Morgane, elle était, en une seule personne, tout un monde qui avait grandi à côté d'elle.
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Vidéo de Alexandre Grine
Les Voiles écarlates (Алые паруса), film soviétique réalisé par Alexandre Ptouchko en 1961.
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