Je trouve que ce livre mérite bien une première critique. Très intéressant et illustré de nombreux domaines où la honte agit comme un poison (viol/inceste, ségrégations sociales...), il met des mots sur un impensé de la société et permet surtout d'en appréhender la dimension collective, propre à redonner du peps dans la quête de sens nécessaires aux transformations en cours, qui ont bien besoin qu'on sorte de la dimension individualiste (via la culpabilité) pour retrouver une juste dose de colère et d'énergie pour construire les solutions désirables.
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Par un renversement provocateur, la philosophie soutient qu'on peut être fier de son ignorance mais honteux de ses savoirs.
Pli socratique : je sais que je ne sais rien. Le contraire de la vérité, ce n'est pas l'erreur, c'est l'opinion reçue sans examen. Le véritable ennemi, ce sont les convictions automatiques. Socrate humilie les prétentions de savoir, les certitudes du confort social. Et si la philosophie fait honte, c'est que l'âme se retrouve, à être traversée par elle, réellement mise à nu, dépouillée, dépitée, exposée par la pulvérisation de ses connaissances superficielles. En même temps, cet exercice est périlleux : c'est parce qu'il l'a trop longtemps pratiqué et avec trop de monde que Socrate finit par être mis à mort par Athènes. Ils n'ont pas supporté, les politiciens fats, les magistrats arrogants, les artistes prétentieux, de s'être fait ainsi déshabiller l'âme en public. [p. 147-148]
La chute morale, c'est de présumer de soi. Cette présomption ouvre le règne illimité des ombres : vanités, illusions, décrochages entre le dire et le faire, les principes et les conduites. Le sage place le ressort bien serré de la honte au centre de ses vertus afin qu'elles prennent la mesure de leur être. Ce privilège éthique de la réserve dans la pensée orientale ne dessine pourtant aucune zone d'intimité et de secret. Il s'agit plutôt d'opérer le tri entre deux extériorités : l'extériorité fausse, superficielle de la vantardise, de la jactance ; l'extériorité muette, efficace et pleine de l'action concrète, accomplie. La honte fait agir plutôt que se vanter d'agir. Elle permet d'être réellement juste, déférent, sincère, etc., plutôt que de s'épuiser à faire savoir qu'on l'est. [p. 134-135]
La philosophie n’a d’autre fonction, d’autre utilité publique que de faire honte aux terroristes de la vérité.
Frédéric Gros est philosophe et professeur à Sciences politique, avec son essai "Pourquoi la guerre ?" paru chez Grasset, il propose une analyse sur la morale, la politique et le langage de la guerre.
Cet essai tente de répondre aux questions qu'on peut se poser : à quoi sert la guerre ? qui sert elle ? existe-t-il des guerres justes ? les guerres sont elles inévitables ? Depuis que la guerre en Ukraine a fait irruption dans nos quotidiens des images surgissent et nous remémorent les grandes guerres de nos livres d'histoire. Une situation surréaliste à laquelle on a du mal à croire. Vient alors cette question, une guerre peut elle être juste ? Pour l'auteur, on est pris entre deux sens de la justice, un sens moral et un sens formel qui se construit. le second renvoyant à l'idée qu'une guerre juste respecte un certain nombre de protocoles. Sur la question de la morale et la tentation d'identifier deux camps : un camp du bien et du mal, il exprime son inquiétude. Pour lui "l'hyper-moralisation" de la guerre n'est pas souhaitable en ce qu'elle pourrait constituer "un frein à la résolution construction diplomatique de la paix".
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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