Voila un archéologue et un médecin paléontologiste qui nous entraînent sur les sentiers de la guerre dans des temps et des régions où l'écriture n'existait pas. Sans sortir du cadre stricte de l'analyse archéologique et sans entrer dans des considérations spéculatives, ils nous révèlent, à partir des fouilles et des découvertes, l'émergence de la violence contrôlée qui transforma les hommes en guerriers puis les rassembla en armée.
L'ouvrage balaye le paléolithique et l'age de bronze afin de nous faire comprendre l'influence que la violence de groupe à pu avoir sur le développement des sociétés agraires au détriment des chasseurs-cueilleurs.
A partir des embryons d'information glanés sur les sites de fouilles, de leur confrontation avec une analyse anatomique poussée et des synthèses perspicaces et étonnantes de ces deux chercheurs, on voit apparaître peu à peu l'ombre, ou la silhouette, de ces guerriers préhistoriques ou de l'âge de bronze sans toutefois arriver à des certitudes.
Repoussant l'idée de temps primordiaux idylliques, ces travaux nous emmènent sur le chemin qui conduit tout droit à la formation des armées et des premières institutions militaires.
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Autant pour l'homme naturellement bon de Jean-Jacques , le sentier que les auteurs arpentent nous amènent à constater la présence de la violence aux époques les plus reculées de la Préhistoire . Violence certes , mais guerre est sans doute excessif avant le néolithique où les preuves deviennent patentes . Un essai déprimant pour les idéalistes mais fort intéressant.
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Au début de l'Age du bronze, le métal ne sert qu'à la sphère de prestige, en nette séparation de la sphère domestique, où se maintiennent des objets en pierre taillée. Vers la fin de cette période, la production intensifiée de pièces en métal, rendant obsolète l'outillage lithique, marque un progressif enrichissement des sociétés. La contrepartie sera l'insécurité et le pillage ; l'émergence progressive de l'aristocratie s'explique alors par la nécessité de protéger biens en personnes, afin de conserver des relations économiques et sociales sereines, nécessaire à l'habitat agricole. Les aristocrates sont dès lors perçus comme les garants de l'ordre.
..on pourra avancer,souvent avec une rare précision ,la panoplie des artifices mis en oeuvre pour se débarrasser d'autrui.Ceux-ci n'ont fait que se perfectionner au cours du temps ,l'arme ayant eu ,au-delà de sa fonction,une valeur symbolique sans cesse glorifiée ,au point de servir de référence de masculinité ,de virilité.
Dans ces sociétés, tout est fait pour souligner la position sociale, la distinction, le paraître. Ce sont donc des comportements sans grande rentabilité économique mais à forte symbolique (chasse, guerre) qui permettent de dégager le statut de certains individus.
Nous n'avons pas, en tant qu'êtres humains, l'excuse de penser que cette violence est le fruit de notre évolution préhominienne. C'est notre cerveau, et lui seul, qui a fait de nous l'animal le plus dangereux de la planète.
C'est au moment où la chasse ne joue plus qu'un rôle mineur dans l'économie que son rôle social et symbolique ne cesse de croître.
C'est en savant et en chercheur que Philippe Grosos nous propose une démarche inédite : penser la philosophie au risque de la préhistoire et voir l'Antiquité non comme un point de départ, mais comme un phénomène historique tardif.
La philosophie est née en Grèce, au ve siècle avant notre ère, à la fin de l'âge du Fer. Après l'apparition de l'agriculture, de la poterie, de l'écriture, celle de la philosophie constituerait comme le couronnement du processus de néolithisation et du mode d'être au monde qu'il a imposé.
Or, si les peintures rupestres du Paléolithique ne figuraient presque que des animaux, celles du Néolithique montrent essentiellement des scènes de chasse, de cueillette ou de récolte. L'être humain est désormais au centre des représentations, et donc des préoccupations.
Est-il alors si étonnant que de nouvelles interrogations apparaissent sur la manière de vivre ensemble, vertueusement et pacifiquement ? Être bon, dans une cité juste, en vivant avec et pour les autres, n'est-ce pas la question que ne cessent de poser les penseurs grecs dans leurs traités de politique et d'éthique ?
Un regard nouveau sur la préhistoire. Un renversement de nos idées
préconçues. Un essai fascinant qui éclaire les origines de notre civilisation.
Professeur de philosophie à l'université de Poitiers, Philippe Grosos a publié aux Éditions du Cerf plusieurs ouvrages consacrés à la préhistoire : Signe et forme. Philosophie de l'art et art paléolithique, Lucidité de l'art. Animaux et environnement dans l'art depuis le paléolithique supérieur. Il a reçu le Prix La Bruyère 2022 de l'Académie française pour Des profondeurs de nos cavernes.
Préface de Jean Guilaine du Collège de France
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