Dans un futur pas trop lointain, le réchauffement climatique a bouleversé le monde, la politique et l'économie. Après les deux premiers tomes (Mindstar and Quantum), Greg Mandel reprend du service et vole au secours de son amie Julia pour aller débusquer un mystérieux extra-terrestre prêt à vendre au plus offrant une technologie extraordinaire qui changerait définitivement le visage du monde. Une lutte sans merci s'engage entre deux kombinate (hyperstructure commerciale) pour trouver et acquérir la première la poule aux oeufs d'or de l'espace...
Je confesse une inclination pour
Peter F. Hamilton.
Dragon déchu, notamment, m'avait captivé, j'ai mentionné ici l'Aube de la Nuit, et le cycle de l'Etoile de Pandore était très bien. En plus, c'est un peu un working class hero : il abandonne l'université pour travailler à l'usine et s'occuper de sa mère malade, lit de la SF pour s'occuper, achète une machine à écrire... Il est très doué.
Cependant,
Peter F. Hamilton n'est pas sans travers, et le plus grand d'entre eux est d'être bavard. Lorsque l'intrigue est bien ficelée, ça rallonge la lecture et ce n'est pas trop gênant, surtout si comme moi on est expert en lecture en diagonale. Je détecte un bon bouquin (je veux dire, un bouquin qui me passionne) lorsqu'il désactive mon mode lecture en diagonale. Parce que je veux comprendre, m'imprégner du texte et de son sens. Je relis, comme disait
Jules Renard "comme une poule boit, en relevant fréquemment la tête, pour faire couler". Et là, je dois être franc : j'ai lu 95% de Nano en mode diagonale.
Je m'en vais vous analyser ça rapidement.
J'ai eu le sentiment que le récit joue presque exclusivement sur la complicité entre les personnages et le lecteur. Je suppose qu'Hamilton suppose qu'une grosse partie de ses lecteurs ont lu les deux premiers tomes (c'est mon cas), ont de la sympathie pour les personnages (c'est mon cas), donc il suffit de les réunir pour relancer la machine. Et bien non. Ca ne suffit pas. Dans Nano, Greg Mandel a quinze ans de plus que dans les précédents, où il était déjà un peu vieux pour faire la guerre. Il compensait par esprit de vengeance, par du culot et de la technique. Ici, il est marié, cultive des oranges et élève ses enfants, apaisé. Inerte. du coup, il ne sert à rien. C'est
Harrison Ford dans Indiana Jones 4. Pour compenser ce manque de peps d'un personnage en principe cyberpunk, Hamilton améliore ses pouvoirs extra-sensoriels, genre "bataille de pouvoirs psi". Ca ne marche pas. Un des effets intéressants des deux premiers tomes était la parcimonie des pouvoirs psi de Mandel, qui peut en gros sonder l'esprit des gens pour voir s'ils sont calmes ou énervés - même pas plus incroyable que la série Lie to me. Ici, c'est la débauche : on fait apparaitre des créatures, on enferme les gens dans des couloirs infinis façon
M.C. Escher... Ca n'est pas la bonne veine, c'est un peu comme si Colombo se mettait à faire des high-kicks pour faire parler les suspects. La plupart des personnages secondaires n'ont pas d'épaisseur, à part Suzi, dont le potentiel subversif est largement sous-exploité. Bon, ça n'est pas vraiment mauvais, mais Hamilton m'a habitué à mieux.
L'intrigue est faiblarde et très linéaire, je n'y ai pas ressenti d'enjeu. Aucun des personnages n'a vraiment d'intérêt à poursuivre cette improbable chasse au Dahu qui ferait plutôt penser à un jeu vidéo. le second tome, Quantum, par exemple, se basait sur une intrigue Cluedo très policière : qui a tué le
Colonel Moutarde dans le salon avec un chandelier, et comment, et pourquoi ? Il y avait un effet mystère de la chambre jaune qui donnait du corps au récit. Mais dans Nano, ça tombe un peu à plat. Une courtisane professionnelle livre une fleur d'origine extraterrestre à la femme la plus puissante du monde dont le mari a disparu. Chemin cheminant d'une enquête poussive de 727 pages quand même, l'histoire abouti sur l'astéroïde sur lequel on avait compris que se trouvait l'extra-terrestre dès le début de l'histoire.
Les bagarres de fusil à neutrons sont très brouillonnes, je n'y ai absolument rien compris. Hamilton passe un temps infini à nous décrire les lieux qui vont servir de champ de bataille, et j'avoue qu'à la troisième page, j'ai oublié où étaient les personnages au début. Il faudrait faire des croquis, ce qui va à l'encontre de mes principes de lectures. Donc, j'ai suivi les pérégrinations des combattants en attendant calmement qu'ils triomphent et comptent les corps à la fin, distinguant ainsi les survivants des malheureux. Et je précise tout de suite qu'il n'y pas de gore pour compenser un peu.
La fin est intéressante et ouvre des perspectives, malheureusement inexplorées puisque c'est la fin de l'histoire. Je ne vais pas spoiler ici, car c'est mal, mais le concept de l'extra-terrestre tel qu'il est développé est ingénieux. Au moins, c'est un joli final... un peu gâché toutefois par l'épilogue renaissance façon "Adam et Eve partent en fusée" !... Mon opinion personnelle que Hamilton a commencé par imaginer la fin et le concept de l'extra-terrestre, sur la façon dont il pouvait changer le monde et la perception de l'espace, de la vie, de l'évolution, et qu'il a brodé un début pour y conduire mais sans y croire vraiment. On sent dans les dernières pages une sorte de délié soudain du style qui retrouve ce rythme que précisément, j'aime bien chez Hamilton.
Mais pour le coup, je ne peux pas vraiment le recommander. Par contre, foncez sur
Dragon déchu : c'est en un seul tome (épais) et ça vous permettra de découvrir l'auteur si vous ne le connaissez pas, et peut-être que, comme moi, vous aurez alors envie d'en lire d'autres.
(D'ailleurs, j'y songe maintenant, la créature de
Dragon déchu n'est pas si différente de celle de Nano...)
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