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Un livre dur parcequ'un recueuil d'entretiens avec des hutus qui se sont livrés au génocide antitstutsien.
L'auteur qui avait déjà écrit un recueil de paroles de rescapés tutsis a réussit à réunir des conditions d'entretien où les tueurs ont pû être honnêtes dans leurs déclarations.

Le ton est tellement détaché, les crimes tellement surnaturels, les tueurs tellement inconscients de la monstruosité de leur acte, ils en parlent avec tellement de naturel: "ils allaient au travail",... que le meutre finit par nous sembler presque aussi banal qu'à eux mêmes.

Effrayant.C'est la photo à la fin, que je n'attendais pas, des tueurs, qui ressemblent à n'importe qui, qui ramène le tout à une dimension tellement humaine et proche de nous, de moi, que s'en est terrifiant.
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Il faut avoir l'âme solidement arrimée pour se plonger dans l'indicible.
Indicible est le génocide des Tutsis par les Hutus en 1994 au Rwanda.
Et pourtant, dans "Une saison de machettes", Jean Hatzfeld met des mots.

Le lecteur est en apnée au fil des trois cents pages du récit.
L'auteur lui-même a dû l'être.
C'est comme cela que je ressens, que je comprends cette alternance stricte entre chapitres où la parole est donnée aux bourreaux ordinaires, hier voisins, devenus "coupeurs", et chapitres de "respiration" où Hatzfeld s'interroge sur les ressorts du génocide, des génocides au sens large, où il convoque les sciences humaines pour donner du sens.

Le récit est glaçant, dans la froideur clinique avec laquelle les génocidaires décrivent leur participation, dans leur absence apparente de recul, de repentir. On ressort vidé de cette lecture. Elle prend du temps. Il faut se ménager des pauses, se laisser le temps de "digérer". Mais je crois que c'est une lecture nécessaire, utile, malgré sa dureté.

Pour se rappeler ce qui fait notre humanité, malgré tout.
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On reste en Afrique avec ce texte inclassable.
Après Dans le nu de la vie, récits des marais rwandais écrit en 2000, qui rapportait la parole des rescapés du génocide (que j'avais lu en décembre), Jean Hatzfeld rapporte les paroles des tueurs qu'il rencontre en prison. Il était grand reporter pour Libération en 1994.
En une quarantaine de chapitres de 3 à 5 pages (ce qui suffit amplement compte tenu des faits évoqués) il alterne les récits d'une dizaine de tueurs avec les faits, des comparaisons avec les autres génocides.
Qu'espérer de cette lecture ? Un regard ? La compréhension ? Une explication ?
Un texte passionnant extrêmement bien écrit.
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Couper ou se faire couper, couper sous l'autorité des interahamwe, de la radio, du pouvoir. Nous avons là une illustration extrême de la soumission à l'autorité et de l'expérience de Milgram. Ce n'est pas une tentative d'explication, ça relève effectivement du surnaturel comme le disent si opportunément les génocidaires.
Je trouve que l'auteur minimise fortement le rôle des occidentaux, le rôle idéologique des Belges dans un premier temps, qui sur des bases anthropométriques ont décrétés les Tutsis (minoritaire, 14%) supérieurs aux Hutus (85%), les Belges se sont reposer (d'après ces critères) sur les Tutsis pour administrer le Rwanda, au détriment des Hutus, dévalorisés, relégués, humiliés, animalisés. Ils ont ainsi divisé deux groupes qui ont une langue et une culture commune depuis des siècles.
Ensuite Français et Américains ont rivalisé pour le contrôle du Congo, la chute de Mobutu (1994 !) à été piloté par ceux-ci via le Rwanda et Kagamé, d'où l'indifférence de la "communauté internationale" habituellement si prompte à intervenir aux quatre coins du monde au nom de la liberté, de l'humanisme et de la démocratie . . .
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Dans ce deuxième volet, Jean Hatzfeld continue son recueil de témoignages mais du côté des tueurs. Il s'est rendu pour cela au pénitencier de Rilima et a rencontré un groupe de prisonniers condamnés pour leur participation au génocide des Tutsis du printemps 1994. Si les paroles des victimes du premier recueil étaient particulièrement troublantes, parce qu'elles dévoilaient cruement les atrocités des massacres, les récits des tueurs glacent le sang par l'insensibilité qui se dégage de leurs discours. Comme dans le premier volet, Jean Hatzfeld intercale son analyse et ses explications avec les témoignages des génocidaires, en essayant de transcrire aussi le ton des paroles reçues, pour que le lecteur soit au plus proche de la réalité qu'a vécu l'auteur. Ce grand souci d'objectivité donne à ce livre une valeur capitale pour qui souhaite comprendre les raisons d'une telle horreur.
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Comment se fait-il que je n'ai découvert ce récit d'utilité publique sorti il y a 20 ans qu'à la faveur de la récente commémoration du génocide des Tutsis en 1994 ? Ce livre est compilation d'interviews rangées par thématiques avec des jeunes et moins jeunes qui se sont laissés entraîner dans cette folie collective entretenue pendant des décennies et qui déboucha sur les tueries pour lesquelles ils “débordai[en]t de vie”. (p.68) Il ne s'agit pas ici de voyeurisme malsain, mais d'une tentative menée par Jean Hatzfeld de comprendre quels ont été les dynamiques mortifères, collectives et individuelles, à l'oeuvre au travers de discussions régulières avec ceux qui à l'époque des entretiens étaient détenus à la prison de Rilima.
Du pain et des jeux. Ou plutôt : de l'urwagwa et des coupes. le parallélisme n'est pas exagéré car les Hutus suivis par Jean Hatzfeld se retrouvent le soir pour célébrer leur journée de massacre, fanfaronner quant à leurs exploits meurtriers de la journée et se répartir les butins amassés durant les pillages. On pourrait penser qu'ils ont passé la journée à jouer à Fortnite avec un casque de réalité augmentée sur la tête. Car pour eux, tout cela semble sans conséquences tellement ils abordent avec détachement ou plutôt avec entrain les massacres. Comme le raconte a posteriori, Pio: “Un génocide, ça se montre bien extraordinaire pour celui qui arrive par après comme vous ; mais pour celui qui s'est fait embrouiller des grands mots des intimidateurs et des cris de joie des collègues, ça se présentait comme une activité habituelle.” (p.259) Jean-Baptiste confirme: “On s'est familiarisés à tuer sans autant tergiverser”. (p.28)
C'était d'autant plus le cas qu'ils étaient animés par la profonde conviction que tout cela n'aurait pas de conséquences néfastes pour eux, étant donné que les épisodes passés de crimes sporadiques envers les Tutsis sont restés impunis. En outre, il n'y avait aucun intellectuel ou ecclésiasistique pour appeler à la modération ou au retour au calme, les écoles et les églises ayant été fermées pendant la durée des massacres. Quant aux témoins internationaux, qu'ils soient diplomates, soldats des Nations Unies, ressortissants étrangers, membres d'ONG, ils avaient abandonné la région, faisant sauter le dernier verrou au déploiement d'une violence totale.
Ce détachement à l'égard des massacres opérés il y a une décennie au moment de l'écriture du livre, se reflète dans leur relation à au pardon. Les tueurs ne prennent pas sérieusement la mesure de ce que le pardon implique du côté du rescapé. le génocidaire “ne comprend pas que, en demandant pardon, il exige un effort extraordinaire de la personne à qui il s'adresse. Il ne perçoit pas son dilemme, son tourment, son courage pour son altruisme. Il ne se rend pas compte que, s'il demande son pardon comme s'il s'agissait d'une formalité, son attitude redouble la douleur puisqu'elle la néglige.” (p.223)
Au final, il apparaît que, même avec le recul, les anciens bourreaux peinent dans leur grande majorité à réaliser la gravité des faits. “C'est le caractère absolu de leur projet qui leur permettait de l'accomplir hier, avec une certaine tranquillité ; c'est son caractère absolu qui leur permet aujourd'hui d'éviter d'en prendre conscience, et de s'en trouver d'une certaine façon troublés.” (p.268)
Tout cela n'est pas de bon augure pour la pacification et la quiétude des esprits. Dominique Celis traite dans “Ainsi pleurent les hommes” de l'évolution des relations interpersonnelles trente ans après les faits, de l'amnésie et du mutisme plus ou moins acceptés comme remède pour tenter de recoudre avec un fragile fil les liens entre Hutus et Tutsis.
Une “saison de machettes” est donc un livre essentiel que les professeurs d'histoire devraient inciter leurs classes à lire car au-delà de la condamnation, il s'attache à expliquer au moyen d'entretiens de première main, sans pour le moins justifier les atrocités commises.
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Ce livre fait suite à Dans le nu de la vie. L'auteur traite toujours du même sujet : le génocide rwandais. Cette fois, il décide d'interroger non plus les rescapés mais les bourreaux eux-mêmes. C'est une tâche pour le moins délicate il faut bien le dire et la lecture de ce livre l'est tout autant.
J'ai vraiment beaucoup aimé le premier volet qui m'a permis d'apprendre plein de choses sur l'histoire du Rwanda à la fin du XXème, mais aussi de saisir des parcelles de vies brisées, de personnes qui tentent de vivre malgré tout. Dans ce deuxième tome, je dois dire que j'émets des réserves. La démarche en elle-même est intéressante et c'est vrai qu'il est plus juste d'entendre les deux parties concernées et non pas de se cantonner aux victimes, mais qu'apprend-on finalement ?

J'ai le sentiment d'avoir vu des chapitres se succéder sans être plus avancée dans l'explication. C'est bien simple, il n'y a aucune justification, rien. La question du pourquoi est obsédante et elle reste sans réponse jusqu'à la fin. Peut-être est-ce trop demander, peut-être qu'aucune réponse ne conviendrait, mais là, on ne peut pas se prendre d'empathie pour eux. Pour ce qu'ils ont fait à la base bien évidemment, mais aussi parce qu'ils sont incapables de se faire pardonner, il ne désire pas réellement le pardon, s'ils peuvent l'obtenir c'est tant mieux, mais c'est tout.

Ces tueries apparaissent comme un passage de leur vie à la limite de la fantasmagorie, ça s'est passé sans que l'on sache réellement pourquoi si ce n'est que la faute revient aux autres, toujours. À ceux qui leur ont "ordonné" d'aller tuer leurs voisins, prétextant que la vie leur serait meilleure - forcément quand on vole autrui, on se retrouve plus riche.
J'ai souvent été gêné par tant d'indifférence, par le manque de culpabilité pour certains (tous ?).

À la fermeture du livre j'étais soulagée, je n'avais plus envie d'entendre de telles excuses, de tels propos, je me sentais plus mal encore pour ces rescapés qui ont tant souffert pour des "ordres", des "il fallait faire comme les autres".
Lire ce livre aura été une expérience pour le moins étrange il faut bien le dire, je suis contente de l'avoir lu parce qu'il vient quand même compléter Dans le nu de la vie, mais il est certain que j'en garderai un souvenir plutôt désagréable.

Mon avis en intégralité :
Lien : http://allaroundthecorner.bl..
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Des témoignages graves et sincères, retranscrits avec toute la brutalité et l'ignominie qui ont été nécessaires pour exécuter ces actes odieux. C'est une lecture difficile mais nécessaire pour le devoir de mémoire et de compréhension de la situation politique du Rwanda et au-delà sur l'acte génocidaire quel qu'il soit.
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Jean Hatzfeld est un écrivain qui met le lecteur, à ses côtés, au coeur du récit .
Nous ne sommes pas un observateur, mais bel et bien un acteur et cela change tout pour le plaisir de lecture.
Il serait urgent de se rendre compte que Jean Hatzfeld est rentré dans la cour des grands...
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terrible constat sur une guerre indicible comme tant d'autres
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