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Je commence par vous dire que j'ai pris un retard phénoménal dans la rédaction de mes billets, par manque de temps et, il faut bien le dire, aussi un peu par flemmardise aiguë. Bref, les livres s'entassent (et il y en a déjà trois qui attendent impatiemment !). Je débute mon plan rattrapage par le dernier livre que je finis à l'instant (quelle bonne résolution !).

Et il s'agit d'un essai passionnant, du journaliste Jean Hatzfeld, dont j'avais déjà lu la splendide Stratégie des antilopes ; essai qui fait partie d'une trilogie que je lis complètement à l'envers. Je suis tombée en effet au Bleuet (ma librairie préférée dont je redirai un mot plus tard) sur La stratégie des antilopes qui est en fait le troisième volet de la série ; La saison des machettes est le deuxième ; il me reste donc encore le premier :Dans le nu de la vie.

Un essai passionnant, disais-je, sur le génocide rwandais, sur lequel mes connaissances étaient finalement assez lacunaires avant de lire Hatzfeld. le journaliste, qui a noué des amitiés dans cette région des Grands Lacs, se consacre à analyser le processus génocidaire à l'échelle de la commune de Nyamata (une petite cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale Kigali). Après avoir interrogé les rescapés (La stratégie des antilopes), il se consacre ici aux tueurs.

C'est un ouvrage qu'il est impossible de lâcher, ce qui tient au sujet, mais aussi à la démarche de l'auteur.

Le sujet d'abord. Un génocide dont la rapidité stupéfie : d'avril à mai 1994, 800 000 Rwandais (principalement Tutsis) sont assassinés en moins de 100 jours. Un génocide qui soulève nécessairement la lancinante question du « pourquoi ? », et qui surprend sans cesse, en balançant entre traits communs des génocides – Hatzfeld opère de fréquents rapprochements avec le génocide juif, notamment au travers des travaux d'Hilberg ou de Browning – mais aussi une originalité profonde. L'entrée par les coupables, ces bourreaux ordinaires, qui, pendant trois mois, ont totalement délaissé les travaux des champs, pour poursuivre pendant des heures les Tutsis réduits à se cacher dans les marais, est à mon sens encore plus passionnante que l'entrée par les rescapés (« Ce monsieur tué sur la place du marché, je peux vous en raconter un souvenir exact, car il est le premier. Pour d'autres, c'est plus fumeux, je n'en ai plus trace dans ma mémoire. Je les ai considérés sans gravité. Je n'ai même pas repéré, à l'occasion des meurtres, cette petite chose qui allait me changer en tueur », page 31).

On a l'impression d'un décalage hallucinant entre le discours des coupables des tueries et la gravité de leurs actes dont ils ne semblent prendre qu'épisodiquement conscience, en témoigne leur conception du pardon.

On en ressort ahuri et hébété, en comprenant sans la comprendre la mécanique de ces massacres dans la folie desquels ont été emportés les Rwandais (« La règle numéro un, c'était de tuer. La règle numéro deux, il n'y en avait pas. C'était une organisation sans complication », page 14).

La démarche, ensuite. Il ne s'agit pas d'un roman, mais pas exactement d'un reportage non plus. Hatzfeld s'est entretenu, pendant plusieurs semaines, avec un groupe de Hutus emprisonnés, et ces entretiens sont en partie retranscrits, sous forme de matériau assez brut (sans commentaires), dans des chapitres classés thématiquement (« la première fois », « l'apprentissage », « le goût et le dégoût », « le pardon » …). Entre ces chapitres, le journaliste intercale des chapitres écrits (« un huis clos », « la disparition des réseaux », « à la recherche du juste »), qui rassemblent des réflexions à la fois sur le génocide en lui-même, mais aussi sur sa propre démarche d'enquêteur et les biais qu'elle peut induire. Cette architecture originale permet de reconstruire progressivement, comme en plusieurs « couches », le canevas du génocide, dans ses nuances extrêmement complexes, et ses suites : « Les rescapés cherchent la tranquillité dans une partie de la mémoire. Les tueurs la cherchent dans une autre partie. Ils n'échangent ni la tristesse, ni la peur. Ils ne demandent pas la même assistance au mensonge. Je crois qu'ils ne pourront jamais partager une part importante de vérité » (paroles d'une rescapée, pages 182-183).

Bouleversant de bout en bout, et, ce qui ne gâche rien, très bien écrit. Bref, indispensable.

C'est pour qui ? Sans hésiter Cathy et Vincent (mais je le recommande très vivement à tout le monde !)
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Le titre provocateur du livre de Jean Hatzfeld évoque un point que Hatzfeld établit sur le génocide at Ruanda: ll s'agirait d'un génocide agricole, exécuté avec ces mêmes instruments que les tueurs utilisaient pour récolter leurs champs.
La seule différence c'est qu'en 1994 les récoltes étaient humaines.
Le livre est passionnant.
Le groupe de dix hommes interrogés par Hatzfeld est originaire de la même région que les survivants du génocide qu'il a déjà interrogés pour le livre Dans le nu de la vie : récits des marais rwandais.
Comme pour son livre précédent, Hatzfeld organise La saison des machettes en alternant des chapitres descriptifs - sur la région de Bugesera, l'histoire politique du Rwanda et d'autres sujets - avec les propres mots des tueurs.
De cette manière, il prépare le terrain pour leurs remarques sur des thèmes choisis, tels que le pillage ou le pardon. Les mots des tueurs sont glaçants. Ils sont remarquables à la fois par leur niveau de détail et, paradoxalement, par le niveau d'évasion que les tueurs entretiennent sur les souffrances qu'ils ont infligées à leurs victimes. Les tueurs parlent avec une apparente désaffection de la façon dont les autorités locales ont organisé les tueries, par exemple. Il n'y a pas eu de planification poussée en amont, explique-t-on dans le groupe. Quand les ordres sont venus, les hommes ont obéi.
Avec leurs mots terre-à-terre, les tueurs apparaissent comme des bourreaux volontaires, voire blasés, stimulés autant par la camaraderie de la chasse avec leurs amis que par le butin que chacun réclame après avoir envoyé une victime.
'On aimait bien être dans notre gang', explique Adalbert, le leader du groupe, comme si le génocide n'était qu'un sport d'équipe parmi d'autres. le détail avec lequel certains des tueurs racontent la première fois qu'ils ont tué confine à la pornographie. Un homme, par exemple, parle de tuer comme d'un jeu.
Un autre décrit la sensation de tirer dans le dos de deux enfants comme agréablement facile.
La plupart des tueurs brandissaient des machettes, pas des fusils, ce qui a incité un homme à comparer le meurtre d'humains à l'abattage de bétail : 'En fin de compte, un homme est comme un animal : vous lui donnez un coup sur la tête ou le cou, et il tombe'.
Hatzfeld n'aborde pas ses sujets avec naïveté. Il explique les règles de base sur lesquelles lui et les hommes se sont mis d'accord pour les entretiens. Hatzfeld interrogeait les hommes individuellement afin qu'ils ne puissent pas s'entendre sur leurs histoires.
Les prisonniers, à leur tour, ont accepté de ne pas mentir ou, si une question leur était posée, et qu'ils préféraient ne pas répondre, ils expliquaient pourquoi ils ne voulaient pas répondre.
En échange de leur participation, les tueurs recevaient des médicaments, du sucre, du savon, des articles de luxe selon les normes carcérales. Faire parler les tueurs directement au lecteur est une tactique puissante.
Ce sens du monologue en continu contribue à faire de ces hommes des monstres au sang froid.


Je veux ajouter ces mots, sur un autre génocide, celui des Hereros, en Namibie 1904 Hereros, Namas, peuples des grands sud massacrés, aussi les Alakaluffs exterminés, aussi les aborigènes de Tasmanie tués jusqu'à la dernière, tous victimes de l'avidité occidentale, et des courageux chasseurs de sans-défenses. Hereros, Namas, répétition avant le générale, sous la conduite de von Trotha, général ‘les droits de la guerre ne s'appliquent pas à des nègres' assassin et tueur médical des GH tatoués au bras, Gefangener Herero - prisonnier Héréro, et devenus souris de laboratoire pour le médecin (?) Eugen Fischer, plus tard professeur en criminologie médicale du délicieux Joseph Mengelé.
Namibie 1904, 80 % du peuple Herero exterminé, répétition générale avant Auschwitz. de quoi Auschwitz est-il le brouillon ?

Namibie 1904 ; le massacre des Héréros et des Namas perpétré sous les ordres de Lothar von Trotha dans l'actuelle Namibie est considéré comme le premier génocide du 20° siècle; un programme d'extermination entraîna la mort de 80 % des autochtones insurgés et de leurs familles.

© Mermed
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C'est un récit douloureux. Douloureux pour ce qu'il révèle de la violence et barbarie possible de l'être humain. A travers le recueil de témoignages de 10 amis hutus, cultivateurs pour la majorité, tueurs en bande, auxquels Jean Hatzfeld rend visite individuellement en prison, il tente de comprendre l'incompréhensible, que ce soit la préparation des esprits au génocide, ou l'exécution systématique entre avril et juillet 1994 de milliers de Tutsis voisins dans les marais et collines de la commune de Nyamata. Sont évoqués les motifs des tueries entre voisins, la culpabilité, le pardon possible ou impossible, et toujours avec cette langue si imagée et parlante et qui pourtant installe une distance : "D'autres encouragements consorts suivaient qui nous assuraient d'une liberté sans entraves pour parfaire la tâche;"
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Livre indispensable.
Les témoignages des bourreaux (après ceux des survivants dans le remarquable "dans le nu de la vie") sont indescriptibles. Je pense au mal ordinaire d'Arendt. C'est suffocant. Inégalé. A lire.
Merci à l'auteur d'avoir gardé le français de là-bas que j'ai aimé (j'étais parfois gênée de savourer le langage vu ce qui était dit et décrit....)
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Jean Hatzfeld est journaliste.
Une première expérience à Beyrouth détermine sa vocation de correspondant de guerre. Pendant vingt-deux ans, il traverse ainsi de nombreux conflits, dont ceux du Moyen-Orient, d'Afrique et de Yougoslavie. Reporter au Rwanda peu après le génocide, saisi par l'échec collectif des journalistes face à l'événement et leur incapacité à affronter l'effacement des rescapés, il suspend son activité au sein de sa rédaction quatre années plus tard pour séjourner près de marais et travailler avec des rescapés Tutsis originaires de Nyamata, un village de la région du Bugesera. Il tente de créer un univers du génocide par une autre littérature où emmener le lecteur. Il s'attache, non pas à comprendre, ni à enquêter, mais à construire et monter les récits de ceux qui ont traversé cette expérience de l'extermination. Il poursuit son travail avec un groupe de Hutus ayant participé au génocide sur les mêmes collines, dans le pénitencier de Rilima. de ces entretiens naîtra en 2003 Une Saison de machettes.*

Le génocide des Tutsis est commis dans le cadre d'une guerre civile opposant le gouvernement rwandais Hutu au Front patriotique rwandais (FPR), essentiellement « Tutsi ».
C'est un événement en particulier qui déclenche les massacres préconisés par les autorités : le 6 avril 1994, les présidents rwandais et burundais trouvent la mort dans leur avion abattu par un missile.
D'une durée de cent jours, ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire. L'ONU estime qu'environ 800 000 Rwandais, en majorité Tutsis, ont perdu la vie au cours des trois mois pendant lesquels il se déroula.*

*******************

Jean Hatzfeld a recueilli les témoignages d'une bande de copains de la commune de Nyamata, qui se fréquentaient bien avant les massacres, et qu'il visite à la prison de Rimala, où ils ont été incarcérés. Pour la plupart simples cultivateurs (mais le groupe compte aussi un instituteur, un prêtre et un médecin), ils ont participé avec assiduité à la tuerie qui, entre le le 11 avril et le 14 mai 1994 aboutit, pour leur seule commune, à la mort de 50 000 Tutsis, méthodiquement "coupés" à la machette tous les jours de la semaine, de 9h30 à 16h, par ceux qui furent parfois leurs voisins ou des connaissances. La veille du massacre, Tutsis et Hutus chantaient ensemble des cantiques à l'église....

L'auteur entrecoupe la transcription de la parole des meurtriers par de courts chapitres qui nous éclairent sur certains éléments du contexte politique, historique et social, au sein duquel cette folie a pu se produire. Ils permettent entre autres de comprendre que la discrimination rwandaise entre Hutus et Tutsis résulte d'un processus historique complexe, alimenté par des rancoeurs ancestrales et par un pouvoir colonial qui a dans son intérêt entretenu ces dissensions. Il y souligne également que les blancs présents au Rwanda, casques bleus compris, ont pris la fuite dès les prémisses du génocide, et que le monde occidental en général, en détournant le regard, a conforté les bourreaux dans leur sentiment de puissance et d'impunité.

Cependant, malgré toutes les précisions relatives à l'atmosphère l'ayant précédé, en dépit des explications qui entourent la manière dont il a été programmé et celle dont il s'est déroulé, le génocide demeure ce mystère à caractère irrationnel et -heureusement- exceptionnel. Comment concevoir en effet, et a fortiori comment comprendre, que des individus sans histoire se livrent à cet abattage systématique ?

Se retrancher, comme le font quelques-uns, derrière les respect des consignes, ou plaider la discipline collective, semblent des arguments bien légers... D'ailleurs, les assassins eux-mêmes semblent dépassés par cet événement.

"On s'est retrouvé devant le fait accompli".

Est-ce la raison pour laquelle ils s'expriment avec ce détachement si choquant ? le déroulement des journées de tueries est présenté comme celui de banales journées de travail, avec leur organisation méthodique, et l'espèce de routine -macabre- qui peu à peu s'installe. le début des massacres se déroule dans une ambiance bon enfant, conviviale. Les détails pratiques quant à la meilleure façon de "couper" sont livrés avec un prosaïsme glaçant. Jean Hatzfeld écrit lui-même que les témoignages sont déroulés sur un ton monocorde qui le met très mal à l'aise. Il en conclut que l'apparente et étrange insensibilité qui en émane est le résultat d'une réserve vraisemblablement dictée par la prudence ou la perplexité, peut-être aussi par une certaine forme de décence.

Lorsqu'il est question d'évoquer leur "premier tué", certains laissent bien entendre avoir été marqués par le regard de leur victime ou le fait d'avoir assassiné une "maman", mais ils n'en continuent pas moins leur tâche macabre. Pour la rendre plus facile, ils occultent l'humanité des victimes, les éventuels amitiés ou services rendus. Et sauf de très rares exceptions, aucun d'entre eux, parmi les milliers de Hutus que comptaient Nyamata, ne s'est dérobé... quant aux manifestations de pitié, ou à quelque volonté de secourir les victimes, elles se sont comptées sur les doigts d'une main.

Il se produit même pour certains un phénomène d'addiction. le sentiment d'impunité, la richesse à laquelle permettent d'accéder le pillage systématique des biens des victimes, créent une émulation collective, et attise chez les plus cruels la soif de sang et de possession. Il est même certains pères pour enseigner à leurs enfants comment "couper" en les faisant s'entraîner sur de jeunes Tutsis (c'est plus pratique car ils sont de la même taille, comme le fait remarquer un témoin, avec un inconscient et sinistre cynisme).

Comment cela peut-il advenir ?

Certes, ces hommes ont grandi "gavés de formules, éduqués à l'obéissance absolue, à la haine", écoutant des leçons d'histoire et une propagande radiophonique férocement anti-Tutsis, entourés de proches maniant l'idée de leur élimination avec un humour qu'ils appréciaient.

"On prévoyait des massacres ordinaires, comme ceux que l'on connaissait déjà depuis trente ans".

Mais ces hommes ont aussi fréquenté des Tutsis en toute quiétude, et dans une bonne entente. Ils reconnaissent volontiers que les Tutsis qu'ils connaissaient n'étaient blâmables d'aucun mal, ni d'aucun comportement mauvais, mais rendent pourtant les Tutsis en général fautifs de leurs malheurs, ces derniers étant tout relatifs. Les bourreaux interrogés vivaient aussi bien que leurs voisins et futures victimes, et n'avaient subi aucun traumatisme en lien avec leur communauté.

Quasiment tous évoquent le génocide comme un phénomène impossible à appréhender, qui les aurait emportés à leur insu dans son tourbillon, dont ils auraient en quelque sorte été les instruments... Ils évoquent un "agissement surnaturel de gens bien naturels", ou prétendent "ce n'est plus de l'humain".
Ils le considèrent ainsi avec une sorte de détachement, se désimpliquant de ce phénomène, et leur façon d'envisager le retour à leur vie d'avant est très représentatif de ce rejet de toute responsabilité individuelle.

"La source du génocide est enfouie dans les rancunes, sous l'accumulation de mésintelligences dont nous avons hérité la dernière (...) Nous sommes arrivés à l'âge adulte au pire moment de l'histoire du Rwanda."

"On n'étaient pas seulement devenus des criminels ; on était devenus une espèce féroce dans un monde barbare".

A leur sortie de prison, ils ont tous l'intention de retourner sur leurs terres, estimant, pour certains, que quelques bouteilles de bière et quelques brochettes suffiront à les réconcilier avec les rescapés. de même aucun d'entre eux ne semble éprouver de véritables remords. Lorsqu'ils prient, c'est davantage pour leur salut que pour celui de leurs victimes, auxquelles ils accordent bien peu de pensées, forts d'un égocentrisme qui sidère le journaliste.

Jean Hatzfeld pose ainsi la question sans réponse, de la possibilité du génocide en tant qu'idée, et de la capacité de l'homme à le perpétrer, appuyant à la fois sur ce constat de la banalité du mal (on pense, souvent, à Hannah Arendt, d'ailleurs mentionnée par l'auteur) et sur cette particularité d'un phénomène qui survient sans qu'on puisse vraiment le prévoir, des contextes similaires (dictatures avec "bourrages de crânes" montant les communautés les unes contre les autres) n'aboutissant pas forcément à la même conséquence. Comment en vient-on, comme c'est le cas ici, à massacrer au nom d'une idée de l'autre qu'on nous a inculquée, en occultant ce que l'expérience personnelle nous a enseigné ?

Une lecture difficile, qui m'a laissée atterrée et démunie... je me suis souvent demandé si elle pouvait être considérée comme nécessaire. Je n'ai pas de réponse à cette question. La nausée, le désarroi et l'incompréhension provoquée par la banalité avec laquelle ces hommes "ordinaires" parlent de leurs crimes, ont juste laissé un grand vide en moi.


*Les éléments biographiques sur Jean Hatzfeld ainsi que l'incipit de ce billet sur le contexte Rwandais ont pour source d'inspiration Wikipédia.
Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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Comment juger un tel livre ? le sujet en est terrifiant puisqu'il s'agit du génocide au Rwanda en 1994 qui vit les Hutus massacrer (en grande partie à l'arme blanche) 50 000 Tutsis avec qui il partageaient le territoire. Les personnages ne sont pas moins terribles puisqu'il s'agit des tueurs que Jean Hatzfeld ,avec une patience et une finesse psychologique impressionnantes, amène à parler , à raconter au fil de nombreuses rencontres dans leur lieu de détention. L'auteur essaie d'approfondir la réflexion sur les mécanismes politiques, sociaux et surtout psychologiques qui sous-tendent un phénomène hors de l'entendement et aussi sur les notions de vérité, de mensonge, de culpabilité et de pardon . A noter également la langue tout à fait particulière des intervenants abondant en métaphores et euphémismes . Un livre dur par ce qu'il montre de la nature humaine et qui peut surgir au coeur de tous les peuples (l'Espagne des conquistadors , l'Allemagne d'Hitler entre autres) .
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Lecture indélébile à propos de la guerre du Rwanda dont les images télévisées ont aussi laissé des cicatrices.
Le Rwanda, milieu des années 90, c'est cette guerre fratricide entre tutsis et hutus, une chasse à l'homme et la volonté de justifier un massacre. Hatzfeld, journaliste et écrivain, mène une sorte d'enquête, retrouve des bourreaux en attente de leur procès et leur donne la parole. Ils expliquent sans complexité le passage à l'acte, la haine, l'organisation du génocide. Ce livre est un choc, un écho à l'histoire européenne.
On comprend pourquoi Sebastiáo Salgado, photographe brésilien, a dit, dans le documentaire le sel de la terre de Wim Wenders, qu'après avoir couvert les événements rwandais il se sentait désormais incapable de croire en l'homme.
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Ce livre nécessaire revient sur les événements qui se sont déroulés au Rwanda entre le 7 avril et le 17 juillet 1994.
800 000 tutsis aminima ont été méthodiquement massacrés à coups de machettes par leur compatriotes Hutus. Seul motif avancé pour cette tuerie : l'origine ethnique des Tutsis. On parle donc de génocide.
Après avoir écrit et publié le livre Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais, dans lequel l'auteur part à la rencontre des rescapés pour recueillir leurs témoignes, Jean Hatzfeld a entrepris d'aller rencontrer les génocidaires pour tenter de comprendre. Non pas pour justifier leurs actes, mais comprendre les mécanismes psychologiques, idéologiques qui transforment des humains, des voisins, en tueurs en série.
Ces témoignages sont saisissants par le courage dont fait preuve le journaliste et son compagnon d'interrogatoire, et surtout par la "banalité du mal" que Hannah Arendt démontrait déjà par ailleurs dans le célèbre Eichmann à Jérusalem.
Les tueurs auxquels Jean Hatzfeld donne la parole ici ne semblent ni abattus par la culpabilité, ni même animés par une rage féroce envers les Tutsis. Lors des massacres, ils n'étaient pas non plus soumis à un abominable régime autoritaire, ni spécialement horrifiés ou dégoûtés par leurs propres actes. Il semble que les coups de machettes aient fauché des membres comme à d'autres moments ils fauchaient l'herbe, mécaniquement.
Jean Hatzfeld n'explique pas vraiment, il n'analyse pas. Il constate et recueille des témoignages uniques en leur genre. L'incompréhensible reste incompréhensible, mais il est dorénavant formulé. Et c'est sans doute un premier pas nécessaire pour éviter que de tels événements se reproduisent à l'avenir, pour permettre aussi aux Tutsis rescapés de faire leur deuil.
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cet ouvrage a généré avec des amies bibliothécaires et historiennes une grande discussion : où, comment le classer ? Nous avons été d'accord cependant pour en reconnaître la nécessité autant que la violence : voir au fil des pages des gens ordinaires, comme vous et moi, abandonner leur humanité, être programmés pour être capables ensuite de découper consciencieusement les voisins avec qui ils vivaient en bonne entente : femme, enfants inclus, et devenir fiers de l'avoir fait, c'est dur ! L'ouvrage interpelle sur la nature humaine et il faut que le lecteur soit prêt à recevoir cette interrogation, mais l'ouvrage est nécessaire, pour avertir et pour ne pas oublier !
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C'est un livre assez émouvant. Je n'ai lu que la moitié mais déjà on peut voir que la vie de ces hommes a considérablement changé. Bon bien sûr ils ont fait des choses horribles mais ce qui est le plus étonnant c'est qu'ils ne les regrettent pas. C'est tellement bien raconté qu'on peut se mettre à la place de ces génocidaires aisément et ressentir ce qu'ils ont vécu. le plus impressionnant et le plus destabilisant est la manière de tuer tous ces Tutsis : à la machette, objet qu'ils utilisent dans les champs. Il faut avoir le coeur bien accroché à certains moments du livre. Mais pour le moment jamais je n'ai eu envie de le fermer définitivement. Quelque chose me pousse à continuer de tourner les pages même si ce que je lis me fais limite peur. Une telle chose pourrait-elle arrivée en France ? Je ne pense pas. Mais ce que je pense c'est que cela se reproduira et il n'y a qu'à voir l'exemple du Darfour où ils sont constamment entrain de se jeter les uns sur les autres. Mais là c'est une autre culture et un autre pays. Espérons que cela ne finisse pas comme au Rwanda et espérons qu'au Rwanda les Hutus ne finissent pas le travail commencé il y a 13 ans par leurs ancêtre et éliminent le peu de Tutsis qu'il reste.

C'est un livre que je conseille pour toutes les personnes qui aiment l'histoire humaine sous toutes ces facettes. Un livre à recommander à tous ceux qui disent "non moi jamais je ne pourrais faire quelque chose comme cela". Car la chose essentielle durant cette gueurre c'est que ces génocidaires ont tués leurs propres voisins et amis. Et tout cela à cause de leur passé et de ce qu'ont enduré leur aïeuls. Serions-nous prêt en France à massacrer de jeunes allemands (qui n'ont jamais faire la guerre et qui n'ont rien demandé à personne) juste parce que un homme moustachu avec un bras levé à décider d'éradiquer une civilation ? Au Rwanda la réponse a été oui.
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