Des épidémies en France sous l'Ancien Régime

Merci à babelio et aux éditions Nouveau Monde, de m'avoir sélectionnée et envoyer cette ouvrage dans la cadre de la masse critique de Février.
Comme tous les documentaires un peu techniques, cet ouvrage n'est pas toujours facile à lire pour une personne non spécialiste.
La plume de l'auteur elle même est très fluide, et très facile à suivre et à comprendre. Et aussi bien que la motivation de la publication de ce texte que sa conclusion, sont très intéressantes - et permettent de relativiser la crise sanitaire de ces derniers mois et de la replacer dans un contexte historique, de façon un peu plus posée... Les émotions des jugements à chauds que j'ai pu entendre de ci et de là, peuvent être mises de côté.

Malheureusement, il y a de longs, très longs passages citant des textes législatifs du XVII ou XVIIIème siècle.
Me confronter à la lecture d'un article sur le site de legifrance, dans un français contemporain, est déjà très difficile. Alors évidemment, lire des textes de lois vieux de plusieurs siècles, c'est juste impossible. Et malheureusement, je n'ai pas trouvé ces textes particulièrement commentés, et j'en ai éprouvé une très grande frustration.
Et donc finalement, j'ai l'impression de ne pouvoir apprécier que le premier et le dernier chapitre de cette lecture : c'est un peu dommage.

L'épidémie de Covid 19 qui a lourdement impacté le monde contemporain ne peut qu'inciter les historiens à rechercher dans le passé comment nos ancêtres se sont positionnés face à ce type de fléau et quelles furent leurs techniques de gestion de crise.
Françoise Hildesheimer relève le défi avec cet essai érudit dans lequel elle multiplie les sources historiques, incluant dans son texte de larges extraits de documents administratifs émanant pour la plus grande partie des Parlements de Paris ou d'Aix ( au risque, il faut bien de dire, de mettre en difficulté le lecteur peu familiarisé avec le langage du grand Siècle ...).
Malgré cette remarque préliminaire, l'essai demeure intéressant car il décrypte ce phénomène récurrent qu'est une crise sanitaire majeure rappelant combien celle-ci est révélatrice des failles et des faiblesses de la société qu'elle traverse.
En raison de sa position géographique et de son rôle prépondérant dans le commerce international en Méditerranée, Marseille a joué le rôle de capitale sanitaire du pays avec l'instauration de lazarets, de quarantaines et la diffusion d'une règlementation sévère censée éviter la propagation des épidémies.
La gestion des épisodes de peste (mais aussi d'autres maladies) a largement contribué à renforcer le rôle de l'état au fil des siècles et le pouvoir politique s'est fait un devoir d'intervenir pour préserver la santé publique.
L'auteur analyse avec soin les mécanismes mis en oeuvre pour combattre les crises sanitaires et égratigne au passage le concept encore trop présent dans les esprits de confinement, cette mesure qui , selon elle, décuple le mal en enfermant ensemble malades et bien portants, faisant courir à ces derniers un risque accru de contracter la maladie.
Elle ajoute même en page 155 de son ouvrage cette réflexion curieusement actuelle "le confinement en tous temps, a constitué une mesure panique de contrôle social dont l'absurdité est la règle "
Finalement, l'analyse du passé serait elle vraiment inutile pour appréhender le présent ? C'est ce que l'historienne conclut quand elle affirme que l'on ne saurait résoudre les problèmes du présent avec les concepts du passé (Page 195).
Il me semble pourtant que l'histoire ne cesse de se répéter et que sans adhérer pleinement à la philosophie de l'éternel retour chère à Nietzsche, il est judicieux de tirer les leçons du passé pour éviter de commettre les mêmes erreurs que ceux qui nous ont précédé ...

Cet essai historique m'a plu. Il est très bien documenté, une bibliographie conclut chaque chapitre. L'historienne part des événements sanitaires récents et remonte dans le temps. Son idée est de voir comment notre vécu de la pandémie peut influencer la vision historique de la gestion des épidémies. En effet, elle indique que le procédé inverse, s'attacher à comprendre le passé pour mieux anticiper ou gérer les événements présents, est vain, car les périodes sont trop différentes pour que des méthodes similaires puissent être appliquées.

L'ouvrage est illustré de cartes d'autres historiens, mais elles ne sont pas faciles à lire, surtout pour le grand public. Il manque des légendes par exemple. Je regrette aussi les citations juridiques, qui sont vraiment très longues (plusieurs pages), en ancien français donc plutôt indigestes, et surtout, elles ne sont pas commentées ni annotées. Elles semblent être là pour illustrer le propos seulement, ce que j'ai trouvé très dommage et a émoussé mon intérêt.

Le propos de l'ouvrage est globalement très intéressant, on apprend comment la peste (surtout) a été gérée d'un point de vu administratif et juridique, et cela change d'autres informations qu'on a pu lire sur la peste médiévale et sur des aspects plus sociaux et sanitaires. Ici, il est question de savoir comment la peste a été gérée et contenue à un espace restreint, comment le confinement a été utilisé comme moyen privilégié, mais peu efficace, pour contenir la peste. Il est fait grand cas de l'exemple de Marseille. L'exemple de la peste en Gévaudan m'a particulièrement intéressé.

Sur la forme, j'ai été moins convaincue. Ayant une formation en histoire, je l'ai trouvé à la fois superficiel par moments (et donc plus accessible à un grand public), mais parfois au contraire l'historienne suppose que le lecteur part avec un bagage scientifique, et certaines notions ne sont étonnement ni définies, ni expliquées. Cela m'a perturbée, il est donc difficile de savoir à qui s'adresse ce livre.