La Comédie Humaine de
Chester Himes ne comprend que deux personnages : l'homme noir, couramment appelé nègre dans ses romans, c'est=à=dire lui,
Chester Himes, et la femme blanche, ou plutôt la femme blanche des fantasmes, rêves et cauchemars du nègre, c'est-à-dire de
Chester Himes, donc lui à nouveau : il n'y a donc au final qu'un seul personnages :
Chester Himes, ses angoisses, ses fantasmes, son alcoolisme forcené et suicidaire, etc qui sont le reflet de tout nègre américain de l'époque et le résultat d'un siècle de sortie de l'esclavage et de maintien d'une ségrégation larvée ou beaucoup plus concrète (dans la plupart des états du Sud, le lynchage est pratiqué couramment jusque dans les années 50).
La fin d'un primitif est l'aboutissement de cette logique et de ce thème dans les écrits de la période américaine de
Chester Himes, depuis «
S'il braille, lache-le » en 1945. On y retrouve tout ce qui fait l'intérêt profond et unique des récits de Himes, également tout ce qui pourra horripiler voire horrifier certains : le manichéisme total de
Chester Himes, son refus de faire un minimum la « part des choses » et de se situer dans une description un tant soit peu équilibrée des rapports de couleur de peau, la violence permanente des rapports homme-homme, homme-femme, et blanc-noir, tout cela fait de la lecture de
la fin d'un primitif un moment à la fois éprouvant et littéralement purgatif (vomissements alcooliques et diarrhées sont au rendez-vous). Les échanges sont en permanence tiraillés entre attirance sexuelle, agressivité liée à cette attirance et culpabilité de ne pas pouvoir vivre cette attirance autrement que liée à l'histoire du noir aux Etats-Unis et de l'esclavage.
Bon, je ne suis pas sociologue et j'imagine que des études plus argumentées que ces quelques lignes permettent de mieux comprendre tout ce que contiennent les ouvrages de la période américaine de
Chester Himes. Pour ma part, je me contenterai de dire que j'ai lu les 5 romans de cette période, que tous m'ont paru digne d'un grand intérêt et même souvent étourdissants.
La fin d'un primitif est pour moi un véritable bouquet final et le final lui-même du roman est extraordinaire dans sa façon de lier le meurtre presque rituel (spoiler sur la jaquette éditeur) au mode de vie américain qui est le vrai coupable désigné ici.
A lire absolument après « S'il braille », « La croisade » et « La 3ème génération » («
Hier te fera pleurer » est à mon avis à part car très spécifique du milieu carcéral)