Ce dernier roman du cycle des Mythagos est l'un des plus beaux, non seulement grâce aux qualités que l'on retrouve dans les autres, mais aussi par sa nature particulière.
Il rappelle les autres oeuvres du cycle par le foisonnement mythologique, sensoriel, imaginatif et même anarchique de son écriture et de l'univers qu'il décrit : à ce titre, on aurait tort de le comparer à
Tolkien, dont le monde romanesque se définit par son extrême cohérence plus que par son foisonnement complexe de buissons enchevêtrés. La richesse mythologique, chez
Tolkien, se caractérise par la profondeur temporelle, l'histoire ancienne, les traces, le langage. Chez
Holdstock, toutes les époques, tous les mythes et tous les héros sont entremêlés et contemporains les uns des autres, comme cette enchanteresse du Moyen-Age amante d'un guerrier celte de l'Antiquité. La temporalité du cycle des mythagos est complexe, perturbée, flottante, alors qu'elle reste linéaire et claire chez
Tolkien.
La seconde grande qualité de ce roman est qu'il raconte (un peu comme les autres) une quête, mais c'est celle d'une mère par son fils. Les précédents romans opposaient pères et fils, ou frères entre eux, souvent pour la possession de la même femme, et l'élément masculin dominait. Ici, c'est l'histoire de Christian Huxley, déjà rencontré auparavant sous les traits d'un affreux barbare fratricide, et que ce volume réhabilite en rectifiant l'histoire telle que nous la connaissions. La quête de sa mère à travers les mythes, en compagnie de personnages-mythagos absolument extraordinaires (des géants par exemple - mais tous les comparses sont remarquables), s'apparente de fort près à une sorte de psychanalyse : à savoir, la recherche, dans le passé, du mensonge originel, ou du fantasme, de l'événement traumatique, de la scène primitive. Bien entendu, je traduis en termes abstraits ce qui n'est jamais dit autrement que sous la forme d'images, d'aventures, de quêtes exaltantes. Ce livre est une épopée qui va très profond dans la psyché du lecteur et des personnages. Il y a plus en lui qu'il n'y paraît.