Alors voilà, un coup de coeur, qui n'est pas sans raviver mon amour du Japon. C'est un livre composé de nouvelles qui ont toutes en commun une relation avec le Marais des neiges, un paysage, une station de montagne où la vie s'écoule simplement, où les relations se tissent, où l'impermanence règne et pourtant où la vie est sans cesse célébrée. Il y a quelque chose qui relie les hommes et les femmes, les objets, la nature, il y a cet enchantement proprement japonais à célébrer l'infinité des petites choses, des petits événements, qui nous font. Nous sommes l'accumulation de ces petites choses, petits regards, petits gestes, petites lumières.
Je veux parler de l'impressionnisme en matière de mots, de fines touches, parfois grossièrement humaines, qui associées les une aux autres forment une sensation, une toile dans laquelle vous êtes invité(e) à voguer délicieusement, comme dans une soupe de ramen après tout, car ici les phrases sont terriblement longues, un pur délice à respirer longuement en faisant bien sonner le tout (au Japon il faut faire beaucoup de bruit en aspirant les nouilles sinon c'est malpoli).
Horié évoque la vie simple d'où sourd l'impermanence et la tendresse, la délicatesse, l'attention aux mouvements du monde. Rien ici n'est violent si ce n'est la marche inévitable du temps qui passe. Il nous parle de la modernité sans jugement mais la confronte avec une sensation ancienne, une tradition du regard, du savoir, une idée de la transmission de ce Japon ancestral, une bien étrange énigme quand on regarde les Japonais aujourd'hui. Nous avons souvent une image parfaite de ce pays et de sa discipline. Ici rien de parfait , tout en humilité, chaque acte est correct ou approximatif (on s'en approche seulement) c'est très rassurant.
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J'ai été très sensible à l'atmosphère de ce livre, douce et un peu nostalgique. Les personnages sans doute, tous plutôt à une période de leur vie où l'essentiel est joué, où les passions et les aspirations fortes sont derrière, ont un charme fou, un peu passé de vieille photographies. Mais il y a en filigrane le portrait de la ville dans laquelle évoluent ces personnages, une petite ville tranquille, sans agitation, un lieu comme il en existe de moins en moins, en dehors de la fureur du monde, comme hors du temps. On se dit qu'il serait tellement agréable de parcourir ses rues, d'entrer dans ces boutiques désuètes, dans ces restaurants jamais bondés et bavarder un peu, de tout et de rien avec les habitants sur le pas de porte des maisons. L'ensemble dégage une sorte d'harmonie, de quiétude. Comme ces vies qui sont évoquées, et qui donnent la sensation d'avoir trouvé le rythme juste et le geste parfait, malgré les soucis, inévitables en somme.
J'ai trouvé l'écriture belle, et surtout très juste, dans le tempo de ce que décrit l'auteur. D'une poésie subtile, mais surtout pas ostentatoire. Il ne faut pas lire ce livre, si on veut de l'action, des histoires. On y trouve juste une ambiance, un frémissement. Quelque chose d'intangible, comme une présence en sourdine. J'avoue avoir beaucoup aimé ce voyage au Marais des neiges...
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Habituellement je ne suis pas un lecteur de nouvelles, je suis souvent frustré par le coté inabouti de la chose, je pourrais les comparer à des esquisses, des histoires brèves qui se terminent avant d'avoir commencé, sans que la profondeur requise pour que je sois transporté n'ait le temps d'émerger.
Ici c'est tout le contraire. Chaque nouvelle, malgré sa taille est aussi dense que peut l'être un bon roman. L'auteur va à l'essentiel, sans détours, sans se perdre et sans nous perdre. Merveille de l'écriture japonaise, si concise et efficace, arrivant à nous faire vivre ces récits de vie comme si ils nous appartenaient. En reposant le livre je suis encore dedans, il vit en moi, il m'a permis de faire mienne ces histoires.
Les nouvelles parlent de personnes ordinaires, de ces choses de tous les jours qui font de la vie ce qu'elle est, le tout avec un style parfaitement nippon qui ne peut pas laisser indifférent.
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Toshiyuki Horie […] a trouvé le ton juste pour dire l'angoisse du temps qui passe, grâce à son écriture ancrée dans le quotidien, illuminée de rêves d'évasion.
Lire la critique sur le site : Telerama
Chaque lieu, chaque existence ordinaire trouvent ici une densité humaine chargée de nostalgie et de sobre pudeur qui lie les récits de ce recueil.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Avec des phrases amples et souples et de jolis clins d'oeil […], Horie dissèque les lieux, les gestes et les âmes d'un monde qui résiste, mais qui aussi, on le sent bien, se termine...
Lire la critique sur le site : Lexpress
Pas le moindre client, alors même que les portes avaient ouvert à onze heures. rien d'étonnant à cela, la situation était habituelle pour un jeudi, mais à vingt et une heures passées, il en prit son parti et baissa toutes les lumières murales. Il distinguait nettement le ronronnement qu'émettait le compresseur dans le distributeur de coca, une rareté qui épatait même le technicien de maintenance lors de ses visites, alors que ce bruit ne gênait en rien quand des parties étaient en cours. Il entendait de plus en plus mal une fois la nuit tombée, mais ce soir)là ses oreilles semblaient encore fonctionner normalement
Laisser les innocents préparer l'encre,confier le pinceau au démon.C'est bien sûr Yohei qui lui avait explique la signification de cette maxime affiché au mur,demeurer fidéle à soi-même en retenant sa force quand bien même on serait capable de l'exercer,....
Alors qu’autour de moi cette simplicité, cette transparence ont disparu au cours des dix dernières années. Trop de gens confondaient la simplicité, la netteté, avec l’efficacité. Ce n’était pas parce que les choses étaient efficaces qu’elles étaient forcément simples, idée manifestement incompréhensible pour les gens qui dominaient maintenant le monde.
On dit entre les sourcils, mais en fait c’est au-dessus des orbites, là où il y a un os légèrement saillant, vous pouvez facilement sentir un nerf à cet endroit au-dessous des sourcils, essayez donc d’appuyer sur ce point. Quelque chose va se contracter au fond des yeux et vous aurez ensuite l’impression d’être soulagé. L’impression, voilà le secret. Ça vaut pour tout, vous savez, Monsieur Kazuki, vous essayez toujours de tout comprendre, de tout expliquer parfaitement, c’est pour ça que les choses ne marchent pas.
Mais oui, n’était-ce pas une excellente occasion pour lui faire découvrir d’autres musiques ? Un morceau qui, bien qu’étranger à ses goûts habituels, lui ferait dire « tiens !