Qu'est-ce exactement que l'intelligence humaine ? Qu'est-ce qui la différencie, essentiellement, de l'intelligence artificielle ?
Comment comprendre, identifier les ressorts de la pensée complexe, chez l'élève comme chez l'adulte ? À l'heure d'Internet et des smartphones, comment décrypter les fake news pour mieux exercer notre esprit critique ? En quoi, enfin, l'intelligence artificielle ne pourra-t-elle jamais supplanter le cerveau humain ? Qu'est-ce que le QI, et pourquoi devons-nous demeurer critiques ? Autant de questions légitimes que se pose tout citoyen, et plus particulièrement tout pédagogue, et auxquelles répond cette approche résolument nouvelle.
Parfois très technique, l'ouvrage peut se lire sans être psychologue ou chercheur, car il s'adresse à tous, et en particulier à l'éducateur, précisément confronté à des êtres en devenir, à des intelligences en germe.
Apprendre à apprendre, c'est donc savoir inhiber ses automatismes cognitifs, ses heuristiques spontanées. (p. 32)
L'intelligence ne se développe pas par paliers
Ancien instituteur féru d'art devenu psychologue,
Olivier Houdé distingue les trois moteurs de notre pensée :
le circuit court, c'est-à-dire l'impulsion, l'intuition ou l'heuristique, souvent trompeuse ;
le circuit long, c'est-à-dire l'algorithme,
le raisonnement logique, nécessitant un effort ;
l'inhibition, c'est-à-dire notre capacité justement à dépasser l'heuristique pour arriver à la vérité.
Chacune de ces fonctions dépend d'une zone cérébrale précise, que Houdé a su isoler grâce à son travail de chercheur en laboratoire.
À la différence de
Jean Piaget, Houdé ne croit effectivement pas que la pensée du petit enfant soit purement heuristique, c'est-à-dire guidée par une intuition généralement erronée, pas plus qu'il ne croit que l'intelligence de l'adulte soit entièrement logique, fondée sur l'algorithme au sens strict. le bébé est déjà capable de développer des algorithmes, quand l'heuristique n'a pas disparu chez l'adulte. Même s'il admet que la pensée évolue, Houdé ne souscrit pas, de fait, à la théorie piagétienne incrémentielle, l'ontogenèse, soit l'idée d'une intelligence qui progresserait nécessairement avec l'âge, en quelque sorte en escalier, en passant par des stades stricts, définis et définitifs. le propos demeure plus nuancé.
L'intelligence n'est pas la pure logique
Ainsi, l'intelligence ne se résumerait pas à la pure logique, mais se situerait dans l'inhibition, soit dans notre capacité à bloquer des heuristiques (intuitions fausses) pour, précisément, nous adapter à l'environnement. En d'autres termes, être intelligent reviendrait à utiliser notre cerveau de façon utile, idoine.
En ce sens, l'intelligence ne saurait être pur algorithme, car la logique simple ne peut saisir parfaitement le monde, et c'est pourquoi l'homme dépasse la machine, l'intelligence artificielle. Procédant uniquement par ajout de statistiques, soit de façon mécanique, l'ordinateur commet des erreurs, des paralogismes, des aberrations. Seul l'homme est capable de corriger des heuristiques, de réinterpréter. Tout réside dans l'inhibition.
Pareille distinction semble particulièrement importante, à l'heure où les fake news, basées sur la pure heuristique, sur l'intuition trompeuse, l'impulsion, envahissent Internet, et où nous nous en remettons, de façon excessive, à l'intelligence artificielle. Dans cette perspective, Houdé réévalue la notion de QI, élaborée par les éducateurs des XIXe-XXe siècles, comme seule mesure de l'intelligence. le QI est la capacité à lier des algorithmes logiques. Mais ces algorithmes peuvent mener à des erreurs. le QI n'est donc pas déterminant comme critère d'intelligence.
Avoir une tête bien faite : l'importance de l'esprit critique
Devenir adulte, ce n'est pas seulement grandir et accéder à une forme de pensée logique, algorithmique, mais bien exercer son oeil critique, utiliser ce que l'auteur appelle l'inhibition. Ce n'est donc pas uniquement avoir une tête bien pleine, avec un fort QI, mais plutôt avoir une tête bien faite, c'est-à-dire être capable de discernement, de cet oeil critique qui manquera toujours à la machine. « L'homme est un roseau […], mais c'est un roseau pensant », selon Pascal, abondamment cité par
Olivier Houdé.
Étienne Ruhaud, journaliste et blogueur
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