Une trop bruyante solitude/
Bohumil Hrabal
Il est dit que ce petit livre est un cri de révolte lancé à l'assaut des sociétés totalitaires. Soit !
Cependant l'histoire ahurissante de cet homme, le narrateur, ouvrier depuis trente-cinq ans dans une usine qui détruit les livres, les gravures et les tableaux pour les recycler en papier d'emballage ou d'autres livres, est assez hermétique.
Bien sûr c'est un déchirement au propre et au figuré de devoir passer à la découpe la Bible, le Talmud,
Lao-Tseu, Hegel et
Nietzsche entre autres. Mais d'une humeur égale notre homme tel Sisyphe poussant son rocher détruit des montagnes de livres…, soliloque, boit de la bière pour oublier qu'il détruit la culture…etc, jusqu'à n'en plus pouvoir !
Cette fable est relativement bien écrite mais reste assez difficile d'interprétation.
Certes c'est une réflexion profonde sur une société barbare et absurde, un peu comme le monde de Kafka mais en moins prenant.
Mais enfin, heureusement que l'ouvrage ne fait pas 500 pages sinon je ne serais pas allé au bout. ! L'ambiance est nauséeuse et sordide et l'ennui vous guette si vous n'y prêté garde.
Quelques jolies phrases cependant :
« Moi, quand je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une belle phrase et je la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu'à ce que l'idée se dissolve en moi comme l'alcool. »
« Ma tête dont les cheveux se sont tous consumés, c'est la caverne d'Ali Baba, et je sais qu'ils devaient être encore plus beaux, les temps où la pensée n'était inscrite que dans la mémoire des hommes. En ces temps là, pour compresser des livres, il aurait fallu presser des têtes humaines. »
Notre narrateur n'hésite pas à sauver des monceaux de livres à l'insu de son supérieur qui lui reproche son manque d'ardeur et de rendement, ceux de
Kant notamment dont il cite sa phrase fétiche :
« Deux objets emplissent ma pensée d'une admiration sans cesse nouvelle et croissante…le firmament étoilé au dessus de moi et la loi morale qui est en moi. »
Il fait chaque jour son choix et épargne Camus et
Leibniz,
Confucius et
Goethe, Gauguin et
Erasme de Rotterdam.
Pour son amour évident des livres, je respecterai l'écrivain Hrabal et mettrai trois étoiles.
Mais si vous voulez lire ce livre, prenez votre courage à deux mains durant trois heures.