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4,31

sur 8052 notes
Il maura fallu quasiment cinq mois pour achever la bête en édition pléiade. Concomitamment Notre Dame a brûlé et ému le monde entier.
J'avance doucement dans mon challenge annuel de lire tous les romans de Victor Hugo cette année.
C'est grand, c'est beau. Parfois trop grand et trop pesant. Par-delà l'histoire, certains passages nous plongent dans un récit documentaire fouillé et instructif.
J'ai particulièrement apprécié le long morceau de Waterloo, des égouts de Paris et de l'Éléphant de Bastille abritant des rats le grand Gavroche et ses petits frères miséreux.
Hugo parle mieux de l'enfance et de la vieillesse que d'amour. J'ai donc moins aimé les idylles de Cosette et Marius que le reste.
Mais cela n'enlève rien à l'immense roman.
Avril 2019.
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Ce livre m'a accompagnée pendant deux saisons. Poésie, lyrisme, romantisme, mais aussi minute historique avec le tracé tumultueux de Paris. Au départ, j'ai apprécié le romanesque de cette aventure fascinante et solitaire de Jean Valjean. Les personnages clés du roman sont peu, et ceux là parlent à peine, ce sont presque des figures, pourquoi, parce qu'ils sont solitaires. Ils nous envoûtent. Ils sont mystérieux, ils souffrent d'injustice, ils sont forts et courageux. En revanche, deux ou trois portraits de groupes engagés, rebelles, apparaissent lors des récits plus historiques, et font entendre leur voix.

Quand Victor Hugo fait des digressions gigantesques touchant l'infini, il se perd un peu dans ses mots je trouve. Même si je n'oublie jamais mes personnages phares, car ils sont bien trop imposants dans mon esprit, je suis parfois fatiguée par les développements qui sont faits, sur la bataille de Waterloo, ou les couvents dans la société, les deux argots de Paris, les émeutes, les barricades durant l'insurrection qui s'éternise, etc. Ils sont surtout là pour pratiquer une césure entre les événements je pense. Tout de même, j'ai adoré le passage où l'auteur raconte la révolution de 1830, sur les droits, une révolution vite étouffée. ça m'a passionnée.

De ce livre, il me reste une image poétique et tendre, celle de la petite Cosette, vêtue d'une robe de deuil en laine, s'éloignant main dans la main sur la route, avec l'immense Jean Valjean. C'était la fin du calvaire de Cosette et le début d'une vie nouvelle.
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Dans le mythe de Sisyphe, Albert Camus ouvre son texte par cette phrase quelque peu affirmative : “Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue [...].”

Surprenant, mais admettons.

Pourtant, avec Les Misérables, Victor Hugo soulève un autre “problème philosophique vraiment sérieux” que Camus semble oublier un peu rapidement : “L'homme peut-il devenir meilleur ?” Une problématique à laquelle tentent de répondre peu ou prou tous les écrivains et tous les philosophes depuis l'Odyssée d'un certain Ulysse. C'est dire...

Sous le couvert d'un roman épique et d'une fresque sociale en quatre volumes que l'on ne présente plus, Hugo prend le lecteur par la main et aborde frontalement cet autre “problème philosophique” dès le début de sa narration. Et tisse une réponse qui a fait le tour du monde. Mille huit cent pages plus tard, dans la dernière scène – celle où Jean Valjean montre à Cosette deux chandeliers qui ont changé sa vie -, Hugo fait dire à l'ancien forçat : “"C'est à [Cosette] que je lègue les deux chandeliers qui sont sur la cheminée. Ils sont en argent ; mais pour moi ils sont en or, ils sont en diamant ; ils changent les chandelles qu'on y met, en cierges. Je ne sais pas si celui qui me les a donnés est content de moi là-haut. J'ai fait ce que j'ai pu."

“J'ai fait ce que j'ai pu.”

Cette phrase claque. Elle sature l'air de la modeste pièce ou Jean Valjean va mourir. Elle livre un ultime appel à ce que chacun soit jugé sur ses actes. Sur tous ses actes. le morceau de pain volé, bien-sûr mais aussi sur la générosité gratuite et débonnaire d'un Monsieur Madeleine et d'un Monsieur Fauchelevent. Javert sera le premier à le comprendre.

Le lecteur, patiemment parvenu au terme de cet incroyable récit doit donc s'interroger et juger, lui-aussi : le bagnard en fuite, révolté et rongé par la haine de la société auquel l'évêque de Digne avait donné ces chandeliers, finalement, a-t-il fait ce que la vie d'un homme permet de faire ?

Lorsque on referme la dernière page de cette fiction hugolienne, nul doute que chaque lecteur tient sa réponse.

Merveilleuse. Tout simplement merveilleuse.

A lire, bien-sûr, à relire aussi et à emporter avec soi, pour toujours.
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Jusque-là Jean Valjean pour moi c'était Jean Gabin. Film vu et revu dans mon enfance puis adolescence, j'ai été marquée par les chandeliers en argent, la pauvre Cosette maltraitée et la mort de la belle Fantine.
La lecture de ce roman-pavé de plus de 1300 pages ne fut en rien rebutante : c'est magique ! Non seulement ce roman se lit facilement, mais en plus on s'attache énormément aux personnages.
On ne peut que compatir avec le bagnard Jean Valjean, tout d'abord condamné car il avait volé un pain. On entre dans ses pensées, on partage sa peine, sa révolte et sa haine de la société qui l'opprime.
On souffre avec Faustine (j'ai d'ailleurs découvert sa jeunesse et son amant qui l'abandonne enceinte) obligée de laisser son enfant en nourrice chez les Thénardier.
On se bat lors de la digression sur la bataille de Waterloo, tellement belle qu'on s'imagine dans le creux d'Orhain avec l'armée de Napoléon.
On s'ennuie (oui un peu quand même) pendant la TRES LONGUE digression autour du couvent Picpus !
On vibre lors de la description de Paris, on se lamente de voir Marius loin de sa belle, on tremble pour Jean Valjean tombé dans le piège de Thénardier …
Eponine, Azelma et Gavroche resteront des moments littéraires inoubliables.
Bref oui j'ai adoré ce roman !
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L'oeuvre Les Misérables de Victor Hugo est connue de tous; ne serait-ce que le titre. Beaucoup de personnes, après avoir étudié les extraits en classe et donc en sachant des éléments de l'histoire se sentent dispensés de lire toute l'oeuvre en entier car selon eux ils connaissent déjà le récit. C'est une grossière erreur que de penser cela. Malgré ce que l'on croit déjà savoir de ce roman, on ne mesure son ampleur qu'une fois s'être plongé intégralement dedans et en lire chaque mot sublime.

Je n'ai pour l'instant lu que le premier volume et pourtant je suis totalement subjuguée par chaque petite parcelle d'éléments qu'il contient. Cette oeuvre magistrale m'a fait l'effet d'une claque et une frénésie de lecture s'est emparée de moi après en avoir lu quelques phrases. J'ai ressenti de très fortes émotions et un hébétement profond face à des personnages faramineux qui ont une ampleur inexprimable sur moi.

La plume de l'auteur est tout simplement délectable et son implication dans le récit nous mène constamment à nous interroger sur la condition de l'homme dans la société du XIXème siècle. Victor Hugo fait dans son oeuvre ce qu'il veut du lecteur. Il lui fait à chaque fois adopté sa façon de voir les choses sans que le lecteur puisse y faire quelque chose.

Ses personnages, notamment Jean Valjean, sont en constant tiraillement entre le bien et le mal; la lumière et l'obscurité et l'auteur fait subtilement en sorte que le lecteur choisisse toujours le côté du bien sans que ce dernier ne s'en rendre compte.

Cette oeuvre remarquable, qui a constitué un travail titanesque long de plusieurs années, est d'une force incommensurable où chaque élément est choisit précisément et où rien n'est laissé au hasard. Nous nous rendons compte que ce qui a pu nous sembler être des longueurs a en fait une importance capitale dans la suite du récit. L'auteur nous surprend par sa plume, ses personnages et les liens qui les unissent tous à un moment de l'histoire. J'ai hâte de me plonger dans le deuxième volume qui, j'en suis certaine, me subjuguera tout autant que le premier.
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Le challenge de l'été: lire un grand classique de la littérature française et le résumer en textos à un ami pour qui littérature rime avec ennui (et ça rime même pas). L'histoire de Jean Valjean se prête agréablement au jeu. J'en arrive à croire que Victor Hugo fait partie de ces écrivains intemporels, capables de parler à tous, avec humour, avec talent, quelle que soit la génération. Je me suis passionnée pour une histoire que je connaissais par fragments. Je me suis retrouvée idiote face à des références absconses (les notes de bas de page, tantôt aident, tantôt obscurcissent un peu plus). J'ai adoré retrouver cette écriture méticuleuse, drôle, emplie de détails, typique du dix-neuvième siècle. Un pur bonheur, à (re)découvrir. Pour échapper (ou pour compléter) la fièvre de la rentrée littéraire.
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Je termine l'année 2023 avec un sacré mastodonte... C'était toujours un peu la honte pour moi qui me proclamais fana obsessionnel de Victor Hugo mais qui n'avais jamais lu ce roman, son oeuvre parmi toutes... C'est fait, et mon appréciation de son magnus opus est bel et bien là, même si je conserverai toujours une affection toute particulière pour ses romans moins connus, notamment Les Travailleurs de la mer. Je suis très heureux de l'avoir enfin terminé, et j'ai l'impression qu'aucune adaptation cinématographique ne parviendra, à moins d'un scrupule extrême, à rendre tout ce que j'ai lu (j'ai pourtant vu il y a un moment celle avec Ventura et Bouquet, considérée comme une référence). On traverse la France de haut en bas, on commence dans le coin de Digne et d'Embrun, dans les Hautes-Alpes, on passe par Toulon et son bagne, on remonte jusqu'à Montreuil-sur-Mer, Arras, on s'égare sur les champs de bataille napoléoniens dans une des meilleures digressions de l'oeuvre de Victor Hugo et enfin, on arrive à Paris et on se balade dans le Paris du XIXe, revivant nos propres voyages dans la capitale, le tout en vivant plus de quinze années d'actions et de vie des personnages... Particulièrement celle de Jean Valjean qui m'a tant ému, quand bien même c'est très connu. J'ai pensé tout au long du roman que l'on pourrait résumer le parcours de Valjean par la formule "Breaking Good", par opposition à la série "Breaking Bad". L'abnégation à devenir bon, vertueux, généreux, toujours meilleur, quoiqu'il en coûte, jusqu'aux sacrifices ultimes...

Tout commence bien sûr avec l'Évêque de Digne, Monseigneur Bienvenu Myriel, personnage clé du roman. Les premiers chapitres qui le décrivent, lui et sa philosophie, sont magnifiques, particulièrement "Ce qu'il croyait". On reconnaît bien derrière lui l'Hugo religieux (Hugo qui a plusieurs doubles dans le roman, comme souvent), et on le trouve plutôt inspiré par la grâce lors de ces passages. Est contée ensuite l'arrivée d'un mystérieux homme, paria, rebut, énième monstre de foire hugolien, Jean Valjean, ancien forçat, se faisant jeter de partout (même de la niche d'un chien !) et que la providence mène à l'évêque. Monseigneur va l'accueillir avec toute la charité et le sacrifice qu'il prône sans cesse pour autrui et, on le sait, Jean Valjean, après dix-neuf ans de galères, traité sans cesse comme un animal, devenu comme tel, ne pourra s'empêcher, dans une sorte de réflexe défensif totalement irréfléchi, de voler son argenterie et ses candélabres. C'est la magnanimité de Monseigneur Bienvenu, devant la police, qui provoquera la transformation absolue de Jean Valjean, son élévation du mal vers le bien, jusqu'au martyre, qu'il n'aura de cesse de mettre en pratique, expiant sempiternellement ses pêchés. On retient dans tout ce début le chapitre "L'Onde et L'Ombre", qui dépeint le tumulte dans l'esprit de Valjean couché dans le monastère sous la métaphore hugolienne de la tempête. le plus drôle étant que ce chapitre est un ajout de l'exil d'après mon édition, ils sont relativement nombreux, et je trouvais qu'à chaque fois, on pouvait le remarquer, car il s'agissait de parenthèses plus ou moins nécessaires et réussies qui stoppaient l'action. On reparlera des digressions d'Hugo, hétéroclites dans leur sujet comme dans leur réussite et intérêt ! Donc, dans ce début, il y a évidemment ensuite le chapitre "Petit-Gervais" où Jean Valjean, encore dans l'hallucination de la générosité du prêtre, vole un sou à un enfant, Petit-Gervais, action qui va achever de le mettre à genoux devant Dieu dans tous les sens du terme, dernier méfait qu'il va commettre parmi les vivants - si ce n'est ses évasions et dissimulations de la police -, et surtout, qui va l'inscrire comme récidiviste, le condamnant aux galères à perpétuité pour la suite.

Vient ensuite la partie "En l'année 1817" qui va commencer par un long portrait de l'époque où Hugo s'en prend à Louis XVIII pour expliquer le contexte social de ce qu'il va raconter. Est introduite la malheureuse Fantine et avec elle une des périodes les plus déchirantes du roman. Fantine descendra autant dans le malheur, la souffrance, l'horreur et l'infâmie que sa fille Cosette, bien plus tard, ne s'élèvera sans cesse vers la grâce et le bonheur. Leurs trajectoires inversées sont assez intéressantes, un peu comme celles de Cosette et Éponine. Bref, l'on vit la jeunesse un temps auréolée de Fantine avec ses amis, à Paris, dans le coin de la Sorbonne, avec un certain Félix Tholomyès qu'elle croit être l'homme de sa vie... Il y a de très beaux chapitres là aussi de la journée du groupe en promenade à la campagne, jour nimbé de lumière qui va s'achever de la plus cruelle des façons. Les jeunes filles sont abandonnées par leurs compagnons qui s'en rentrent chez leurs parents et leurs études d'avocats, alors que Fantine... est enceinte. Elle devra alors survivre avec sa fille Cosette et tombera de déchéance en déchéance. Elle pensera confier Cosette à un foyer aimant provisoirement, les Thénardier, alors qu'il s'agit de deux sadiques esclavagistes escrocs (partie nommée "Confier, c'est quelquefois livrer"), s'enfoncera dans la prostitution, l'opprobre, et ne reverra plus jamais Cosette...

L'histoire revient alors à Jean Valjean devenu M.Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer (et je souligne encore à quel point j'ai pris plaisir à voyager à travers la France grâce au roman, j'ai découvert des coins où je ne suis jamais allé qui m'ont fait rêver !), personnage altruiste, bienfaiteur de toute une région, bâtissant l'industrie, le bien de tous... Jean Valjean/M.Madeleine est une sorte de super-héros, faisant constamment le bien, toujours dans le repentir et dans le soin de suivre le modèle de l'Évêque. Évêque dont on apprendra avec lui la disparition, vivra son deuil... Il y a aussi quelques détails financiers sur la fortune amassée par Jean Valjean/M.Madeleine, très importants pour la fin du roman. Dans son exercice constant du bien, Jean Valjean sauve un jour un nommé Fauchelevent, coincé sous sa charrette, devant le policier Javert, scène mythique qui va là aussi être un moment déclencheur. Javert est présenté par Victor Hugo comme une sorte (et je dis cela sans méchanceté) d'autiste de l'ordre, de la loi, du bien contre le mal, des honnêtes gens contre les criminels. Aucune zone grise, aucun entre-deux, pas de circonstances atténuantes dans son logiciel et son esprit. Il y a le camp du bien dont il est le fougueux défenseur, contre les limaces et les ombres qui accomplissent le mal, point. Javert connaît Jean Valjean du bagne, et le reconnaîtra dans sa force surhumaine caractéristique lorsqu'il soulèvera à mains nues la charrette de Fauchelevent (la comparaison avec le superhéros trouve aussi sens dans la force physique exceptionnelle de Jean Valjean, en plus de son altruisme). Dès lors, Javert harcèlera "M.Madeleine", étant sûr de l'avoir démasqué. Viendra alors un terrible dilemme : Un certain Champmathieu est arrêté, sosie de Jean Valjean, et pris pour lui. Javert présente un temps sa démission et se flagelle devant M.Madeleine, noble fonctionnaire qu'il a eu l'outrecuidance de prendre pour un forçat, statut de fonctionnaire si important pour Javert dont il ne se sent absolument plus digne, l'ayant souillé. L'on y voit avec Jean Valjean la délivrance de tous ses soucis : Se débarrasser définitivement des soupçons de Javert et des recherches de l'autorité à son encontre... Et bien non, à l'issue d'un chapitre magnifique nommé "Tempête sous un crâne", plébiscité à l'époque par Baudelaire, Jean Valjean/M.Madeleine va préférer se dénoncer et faire tomber son imposture, plutôt que de laisser condamner un innocent à sa place, quitte à détruire le personnage qu'il s'était crée et tout le bien qu'il avait apporté à la communauté pendant des années. La construction dramatique de tout ce passage est magistrale : Hugo lui avait fait rencontrer Fantine tombée au trente-sixième dessous, arrêtée après un combat de chiffonniers contre un notable qui lui a jeté de la neige alors qu'elle erre en haillons, devenue fille publique... Javert s'abat de façon implacable sur cette proie qui n'est pour lui que pêché et immondice, et Jean Valjean/Madeleine répond d'elle devant lui, accentuant encore leur antagonisme. Il était question que Jean Valjean aille chercher Cosette à Montfermeil chez les Thénardier pour la ramener à Fantine, mais le dilemme de l'affaire Champmathieu, qui nécessitera pour lui de se rendre à Arras pour se dénoncer, empêchera les retrouvailles mère/fille. Fantine en mourra, ainsi que de la révélation par Javert de l'imposture de Madeleine. Dès lors, la suite des aventures de Jean Valjean auprès de Cosette se placera d'autant plus sous le sceau de la rédemption, thématique obsessionnelle du roman et de la psyché de Jean Valjean, en mémoire de Fantine, même si l'évocation explicite de Fantine disparaît, pour ne plus réapparaître qu'à la toute fin...

Après une digression extraordinaire de Victor Hugo sur la bataille de Waterloo, servant à la fois à chanter Napoléon qu'il adore tant, et à introduire une nouvelle scène-clé, Thénardier dépouillant les cadavres sur le champ de bataille, sauvant la vie sans vraiment le vouloir au colonel Pontmercy, père de Marius, Hugo nous narre le tour de passe-passe de Jean Valjean, de retour aux galères à Toulon, pour s'acquitter de sa tâche vis-à-vis de la malheureuse Fantine. Jean Valjean simule sa mort par noyade et traverse la France ensuite jusqu'à Montfermeil où il rencontre Cosette, réduite à l'état d'esclave par les Thénardier. Leur rencontre est un vrai coup de foudre des plus attendrissants, à la fois dans la relation père/fille de substitution (on peut bien évidemment y lire un reflet d'Hugo et Léopoldine), et dans l'ambiguïté et la profondeur qu'y donnera Hugo jusqu'à la toute fin. Valjean voyant bien l'horreur qu'incarnent les Thénardier (qui au passage, s'avèrent être les véritables méchants du roman, plus que Javert qui n'est qu'un monomaniaque obsessionnel coincé sur des principes comme un mécanisme) l'extirpe de ce bouge et l'amène à Paris pour une nouvelle vie. Ils échouent dans une maison nommée la Masure Gorbeau, très importante pour la suite, où ils resteront très peu de temps, Javert ayant retrouvé Jean Valjean. le roman, souvent qualifié de roman noir, voit cette appellation totalement justifiée à certains passages, et même jusqu'à l'horreur, lorsque Valjean, se croyant à l'abri dans Paris, croit voir Javert en lieu et place d'un mendiant à qui il donne sans cesse de l'argent... S'ensuit la poursuite surréaliste à travers Paris, entre Javert et ses hommes d'une part, Jean Valjean et Cosette d'autre part, où l'on peine tout de même à croire que Valjean, que l'on pensait si bien caché, ait été retrouvé si aisément, mais l'univers cruel et calomniateur du roman parvient à crédibiliser tout cela. Jean Vajean, de nouveau à la croisée des chemins, physique comme mentale, réussira à s'abriter au couvent du Petit-Picpus, lieu au-dessus de tout soupçon, où Cosette sera éduquée pendant des années, et où il vivra à l'abri, ayant retrouvé Fauchelevent qu'il avait sauvé jadis, et qui acceptera de le faire passer pour son frère ! Naît alors "Ultime Fauchelevent" (j'ai beaucoup aimé ce nom que je ne connaissais pas !), identité factice qu'il conservera jusqu'au crépuscule du roman face à Marius... Pour nous faire comprendre l'excellence morale, la quiétude, la paix absolue, dans laquelle grandira et sera éduquée Cosette, Hugo se sent alors obligé de se livrer à une énorme digression sur le couvent du Petit-Picpus, qui est sans doute la pire digression de toute son oeuvre, un passage que l'on traverse vraiment en vivant un labeur de lecteur... Il aurait vraiment pu et dû s'en passer.

L'on quitte un temps Jean Valjean et Cosette pour faire la connaissance de Marius, jeune premier du roman où l'on reconnaît assez vite un nouveau double de Victor Hugo sur le plan idéologique (avec le même parcours !), ayant, comme Hugo, un rapport de vénération à son père colonel sous Bonaparte. L'on découvre aussi le grand-père de Marius, M.Gillenormand, personnage secondaire injustement oublié du public, que j'ai beaucoup apprécié : Vieux libertin royaliste qui a connu le XVIIIe siècle et ses moeurs, il entrera en conflit idéologique avec Marius durant une grande partie du roman (alors même qu'il lui porte une affection immense qui permettra la fin heureuse relative du roman où la famille est réunifiée), la mémoire du père de Marius sans cesse insultée par le grand-père et les rapports père-fils empêchés n'arrangeant rien. Les parties et chapitres mémorables se succèdent, "Paris étudié dans son atome" qui est une véritable lettre d'amour à ce qu'est Paris, l'esprit parisien, l'esprit français... Qu'il fait tant plaisir de lire aujourd'hui, et où l'on fait connaissance avec Gavroche (déjà entraperçu chez les Thénardier !), "Les Amis de l'ABC", où l'on découvre toute la bande d'Enjolras et l'utopie attachante de ce groupe, "La Conjonction de deux étoiles", printemps merveilleux du roman (l'équivalent de "A Heart Full of Love" pour les fans de la comédie musicale anglo-saxonne !) qui va être la rencontre de Marius et Cosette au Jardin du Luxembourg et les promenades successives qui leur serviront de séduction - sous l'oeil aiguisé de Jean Valjean âgé qui finira par éloigner Cosette de ce lieu et de leur domicile d'alors - mon édition coupe en deux le roman et achève la première moitié avec "Patron-Minette", partie aussi sombre et glauque que la précédente était lumineuse, nous y présentant, dans les égouts de Paris, au sens propre comme au figuré, quatre criminels redoutables qui auront leur importance plus tard.

La deuxième moitié de mon édition s'ouvre avec "Le Mauvais Pauvre", partie dont je ne connaissais absolument pas l'existence, où la qualification de roman noir pour Les Misérables va vraiment prendre tout son sens : Marius, fâché avec son grand-père, vit désormais dans la fameuse Masure Gorbeau où se sont arrêtés jadis Jean Valjean et Cosette. Leurs voisins, coup de théâtre absolu, s'avèrent être les Thénardier, dont le mari passe son temps à écrire à divers notables sous des identités toutes plus bidons les unes que les autres (avec des fautes d'orthographe savoureuses qui démasquent à chaque fois son imposture), pour leur mendier de l'argent... Thénardier sous divers pseudos, Jondrette, Fabantou... Va être mis sur la route d'un vieux bonhomme généreux qui n'est autre que Jean Valjean, qu'il finira par reconnaître, et organisera alors un guet-apens contre lui dans l'appartement de la Masure, épié par Marius via un trou dans le mur, véritable voyeur de roman noir, qui avertira Javert, et le remettra donc un temps sur la trace de Valjean ! Ce passage est absolument incroyable, avec un suspense et une modernité fous, un vrai thriller, et je ne me souviens pas l'avoir vu (mais ma mémoire me fait certainement défaut) dans les quelques adaptations cinématographiques que j'ai vues... C'est un de mes passages préférés du roman, en tant qu'adorateur du roman noir...

Après ce moment si obscur dont Jean Valjean se sort avec maestria grâce à sa ruse et sa force légendaires, l'idylle Marius/Cosette démarrée au Luxembourg reprend Rue Plumet. Je ne peux pas ne pas mentionner le passage sur "La Cadène", procession de forçats spectacle, terrible pour Jean Valjean et Cosette, ainsi qu'Éponine, pauvre enfant des Thénardier amoureuse de Marius, qui aidera malgré tout celui-ci. Les enfants des Thénardier, parlons-en... Éponine, Azelma et Gavroche servent à leurs parents d'hommes de main de fortune, quand ils ne sont pas carrément abandonnés, livrés tout bonnement à la rue, jusqu'au reniement du sang (ce qui est le cas de Gavroche, ainsi que de deux autres enfants supplémentaires qu'il sauve plus tard, qu'Hugo révèle être ses frères, alors que chaque parti n'en a aucune connaissance, passage très émouvant). Jean Valjean cherchera encore à éloigner Cosette de Marius, en vain, déménageant ENCORE, cette fois Rue de L'Homme-Armé... Arrivent alors les émeutes de juin 1832, longuement présentées par Hugo. Il y a une digression passionnante sur Louis-Philippe où Hugo livre un éloge en réalité intéressé, pour mieux ensuite dépeindre Louis-Philippe comme un roi certes progressiste, mais dernier symbole d'une tradition à finir, et surtout, qui ne comprend pas le peuple (tiens, cela nous rappellerait-il quelqu'un ?). Paris bout comme une cocotte-minute. Il y a des descriptions hallucinantes des parisiens stockant des armes, fomentant une révolution armée qui, on le sait, tournera court... Lorsque Valjean et Cosette partent Rue de L'Homme-Armé, Marius, qui a perdu trace de sa dulcinée, fâché avec son grand-père, pauvre, à la rue, voudra mourir en se lançant à corps perdu dans les émeutes, avec Enjolras et sa bande. le destin, lettres interceptées, Gavroche... Feront venir Jean Valjean aux barricades, croit-on pour tuer celui qu'il voit comme un rival (et le sous-texte de la relation Valjean/Cosette n'en est que plus savoureux). Valjean finira évidemment par sauver Marius, comme il sauvera et épargnera Javert au passage. L'épopée des émeutes est très réussie, même si dans l'Hugo épique, j'ai préféré toute la dernière partie de Quatrevingt-treize qui m'avait totalement bluffé à l'époque... Valjean traverse les égouts de Paris avec Marius à moitié mort sur son dos, scène des plus mythiques à nouveau, et Hugo se livre à nouveau à des digressions mémorables sur l'histoire des égouts de Paris, parmi les meilleures parenthèses de ses oeuvres. La surprise de Thénardier comme passeur de la sortie des Enfers vers la surface est on ne peut plus symbolique... Javert, qui a subi la même magnanimité de la part de Valjean, que Valjean avait autrefois subi de la part de Myriel, préfère la chute à la transfiguration, et se jette dans la Seine en réalisant avoir fonctionné toute sa vie sur un manichéisme et des principes binaires erronés... le roman entame alors tout un schéma de fin heureuse de comédie avec réconciliation de Marius et son grand-père, bénédiction pour le mariage de son côté comme de la part d'Ultime Fauchelevent, tout semble rentrer dans l'ordre... Si ce n'est Jean Valjean qui pense avoir accompli sa tâche parmi les vivants, qui dépérit de perdre Cosette selon ce qu'il reconnaît tout de même comme l'ordre des choses (et là encore, l'ambiguïté de leur relation est plus que jamais pertinente), se dénoncera auprès de Marius comme ancien forçat, omettant tous ses faits de gloire, ses bienfaits innombrables en tant que M.Madeleine, son sauvetage de Marius, de Javert... Valjean dépérira jusqu'à ce qu'un concours de circonstances fasse découvrir à Marius toute la vérité, par le biais de Thénardier, ironie suprême d'Hugo ! le roman se conclur
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Après des années à trainer dans mes armoires, j'ai enfin décidé d'attaquer le roman qu'on considère comme le Chef-d'oeuvre parfait de la littérature française, ce roman culte et célèbre, célébré et admiré. Par l'auteur français le plus connu, au personnages célèbres ... Que demander de plus à ce livre, pourquoi même en faire une critique ? N'a-t-on pas déjà tout dit de cette tragédie romantique en quatre actes ?

Et pourtant, j'aurais quelques petites choses à en dire. Déjà, que Victor Hugo reste fidèle à lui-même, et que je comprends totalement les personnes ne pouvant se résoudre à lire ce livre souvent descriptif, puissamment romantique et parfois chiant (faut dire les mots). Victor Hugo se fait plaisir à faire des chapitres entiers de description qui n'avancent pas l'histoire et servent de décor. D'autre part, il faut dire que l'histoire puisse dans un courant de pensée romantique qui se ressent parfois jusque dans le tréfonds des actions des personnages, toujours grandioses et dans l'exaltation des sentiments. Bref, ça pue le vieux style, et il faut bien le dire. C'est parfois très lourd, notamment se taper vingt pages d'un coup sur la bataille de Waterloo, qui n'ont strictement rien à voir avec l'histoire.

Mais cette histoire est aussi quelque chose de grandiose. Victor Hugo parle de la misère, cette misère profonde et réelle, qui affame les peuples et brise les esprits, laissant des milliers de déshérités sur le carreau. Victor Hugo nous parle aussi de destinées humaines, de faire le bien au détriment de ce que l'on a vécu auparavant. Il nous parle enfin, et surtout, de la société qui broie les humains sans aucune échappatoire, une société royaliste qui pressure les plus pauvres dans tout ses aspects.
Et dans cette histoire, quelque chose surnage l'ensemble et confère au sublime : les personnages. Il n'est pas possible, je pense, de rester insensible à Jean Valjean, personnage si bien dessinée par l'émotion et l'envie de rédemption. Il n'est pas possible de ne pas être ému du sort de Cosette, si souvent repris depuis. Mais combien oublient Fantine, dont la violence de la chute est magnifiquement cruelle. Quelle destinée horrible, quelle fin tragique pour une femme qui n'a eu qu'un malheur, trop aimer un homme qui était un connard. Combien de femmes comme elle ont existé ? Combien existent encore ?

Ce roman, premier du diptyque, est d'une rare puissance qui fait comprendre et ressentir ce que fut (et ce qu'est encore) la misère. La vraie, celle qui touche les plus démunis de notre monde. A travers les portraits magnifiquement touchants, Victor Hugo a réussi l'exploit de faire des portraits d'une humanité, universels. Ils touchent tout le monde, et presque 150 ans après, leurs noms sont devenus légendaires. Si j'ai toujours cette réserve sur la lenteur de la lecture et le côté daté de la prose et du style, je dois m'incliner devant l'histoire, ce qu'il raconte et les personnages qu'il a crée. Un véritable coup de maitre, qui prend un réel sens à la lecture, lorsqu'on se rends compte que Victor Hugo a bel et bien écrit l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature française. Quelque chose qui dépasse les simples considérations personnelles.
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Que dire... Peut-on réellement faire en quelques lignes une bonne critique de ce grand classique de la littérature ? Non... D'autres bien plus spécialisés que moi l'ont déjà fait en long en large et en travers et bien mieux que moi...

Mais, comme j'ai redécouvert ce roman, grâce à une première expérience de livre audio, je me suis dit que j'allais tout de même poser ici une petite réflexion sur ce chef d'oeuvre que je n'aurais probablement jamais relu si je ne l'avais pas écouté (pendant 67h tout de même !).

Je me souvenais de manière assez précise de l'histoire de Jean Valjean, de Cosette, de Javert , de Marius, des Ténardier, de Gavroche, illustration parfaite du « drame romantique » mais je me suis aussi rendu compte qu'il y a vingt ans, je suis complètement passée à côté d'une autre facette de cette vaste fresque...

L'oeuvre de Victor Hugo fourmille de passages que d'aucuns appelleront très volontiers des « digressions » : l'auteur y traite de religion, d'histoire, de gouvernement, de langue française, de révolutions, parfois sur plusieurs chapitres. A première vue, ces passages n'apportent rien à l'intrigue, si ce n'est de la mettre en contexte ou d'ennuyer profondément le lecteur qui veut simplement continuer à suivre les péripéties des héros et qui est alors tenté de sauter ces chapitres (et j'en viens à me dire que c'est ce que j'ai dû probablement faire il y a vingt ans...).

Et pourtant, de digressions, il n'est point question... C'est toute la pensée de Victor Hugo qui se trouve condensée dans ces passages entrecoupant l'intrigue, mettant en lumière son amour profond du peuple, sa vision de la démocratie et de ce que l'histoire a à nous enseigner pour éviter les écueils du passé. Convaincu que la révolution, le progrès et l'instruction permettront à l'être humain de grandir et de sortir de sa condition misérable, il milite dans ces « digressions » et, plus d'une fois, je me suis surprise à penser que Victor Hugo doit se retourner bien profond dans sa tombe en voyant que, plus de 150 ans après avoir écrit son oeuvre, l'homme en est toujours au même point qu'à l'époque des Misérables... La démocratie recule un peu plus chaque jour (quoi qu'en dise les bien pensants), le fanatisme religieux (peu importe de quelle religion on parle) refait surface, on reproduit les erreurs du passé, le progrès sert à certains mais creuse plus d'inégalités qu'il n'en aplanit... Et qui ose encore croire que la révolution pourra nous aider ? D'ailleurs, qui ose encore se « révolter » ? Nous ne sommes pas mieux lotis que « Les Misérables » du 19e siècle et j'avoue que, plus d'une fois pendant la lecture je me suis surprise à penser : « pas d'espoir pour le genre humain ».

Le roman de Victor Hugo est une oeuvre magistrale, universelle et intemporelle. Malheureusement, il faut s'accrocher pour l'aborder dans son intégralité et il faut une bonne dose de connaissances historiques et culturelles pour comprendre certains passages. Elle n'est plus aussi abordable qu'elle l'était il y a un siècle et le message profond qu'elle contient risque de se perdre encore un peu plus...
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Ecriture tres developpée et recherchée. Un livre comme on les aime !

Génial !
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