Publié en 1934, ce roman de
Vicente Huidobro, fondateur du mouvement poétique et littéraire créationniste (un auteur ne doit pas chanter le monde mais le créer), est une réflexion fictive sur le rôle que le poète attend des femmes dans son projet de modernisation culturelle. C'est aussi une évocation à mots couverts de sa séparation d'avec son épouse Manuela Portales Bello.
Alicia, jeune fille de dix-huit ans (qui n'est pas sans rappeler l'Alice au pays des merveilles que
Vicente Huidobro a traduit) tient un journal intime et narre les conflits conjugaux de ses parents en route pour le divorce : un père intellectuel fascinant et obsédé de liberté, véritable colonne vertébrale du récit, et une mère superficielle et prosaïque. Décrivant une histoire d'amour et de haine, ce journal n'épargne ni l'échec ni l'écroulement du petit monde d'un cercle familial.
C'est au travers du monologue intime d'Alicia que l'auteur transmet les enseignements du père et ses valeurs, en définitive celles de l'auteur.
Car
Huidobro, dénonçant une oligarchie chilienne corsetée (symbolisée par la mère) en conflit avec une volonté de transformation culturelle avant-gardiste (le père), propose dans ce livre un réel projet esthétique attribuant aux femmes une fonction de médiation entre ces deux univers en conflit, c'est-à-dire un rôle politique. Alicia, la narratrice, intellectuelle et intelligente est d'ailleurs la projection artistique de plusieurs femmes qui ont fait partie de la vie de
Huidobro.
Enfin, ce roman illustre dans une écriture lucide, retenue et limpide toute l'opposition entre tradition et modernité qu'il ne cesse de mettre en scène dans ses vers, ses articles ou sa prose.