Contemple le Vrai dans la signification de Ses Noms et en tant qu’Essence de tout mon être, Essence de chaque atome qui le constitue.
Pour celui qui apprend mes déviances et mes dissidences apparentes, s’il veut me rendre justice,
Les Noms de mon Seigneur sont innombrables, rien ne peut les cerner, contrairement aux miens.
Si je parle, je parle à travers Lui ou s’Il parle, il parle à travers nous. Tout s’interpénètre, comme le contemplé et le contemplateur.
L’Essence est une et le point de vue est multiple. Réfléchis par Lui et à partir de toi-même, en considèrent mes signes et mes allusions.
La lumière n’a pas de couleur qui la différencie, comme l’eau elle prend les couleurs du verre.
L’eau n’a pas de forme qui la délimite si ce n’est celle du vase et dans cette limite réside mon mal.
Il s’agit d’un mal enfoui et incurable. Où est la guérison alors que mon mal se trouve dans mon remède ?
J’aspire à guérir de ce qui est inhérent à moi-même, hélas ! Comment soigner le mal par le mal ?
Je m’exprime par le lâm et non point par le bâ’ car nous avons certes quelqu’un qui nous désavoue sur le discours par le bâ’. (pp. 155-156)
Mes amis, ne vous empressez pas et taisez mes paroles, de crainte pour ma vie !
Car en vérité je m’unis à Celui qui se levait pour moi quand je me tournais vers ma qibla.
Toute chose contient une image de Lui, lorsqu’elle paraît, elle est ma direction.
Et là était mon aspiration. Ainsi, chaque part de moi n’est autre que ma totalité.
Et si tu inverses mes propos, il convient de dire que mon tout est dans chaque unité qui me constitue.
Il me posséda et je Le possédai, à moi Sa puissance, à Lui mon humilité.
Dans mon état passionné, je Le haïs et je haïs mon amour, ô perplexité !
Il vint à moi une nuit inopinément et Sa venue confirma mon pèlerinage.
Si Celui pour qui je brûlai d’amour avait pratiqué ma religion ou mon culte,
Je ne me serais plaint du feu et de l’éloignement, or Il n’appartient pas aux miens,
Il s’oppose à moi et à mon harmonie avec Lui, c’est pourquoi je reste immobilisé.
J’aime les forts, qui me mèneraient à eux ? Mon amour pour leur essence est ma foi.
Nul autre ne sustente les êtres que Celui qui me fait attendre, parmi eux, l’objet de mon désir.
Ma certitude, par eux, est grassement entretenue et nourrie, elle me préserve d’un trébuchement. (pp. 145-146)
Contemple le Trône sur Son eau, vaisseau naviguant avec Ses Noms divins,
Et émerveille-toi devant une arche en rotation, à ses entrailles Ses créatures furent confiées.
Elle vogue sur une mer sans rivage, dans les opaques ténèbres du mystère.
Les vicissitudes de ses amants ardents forment ses vagues et ses vents sont les souffles de ses enfants.
Si tu la voyais emportant l’humanité de l’alîf [alpha] jusqu’au yâ’ [oméga]
Dans un recommencement perpétuel, Sa création ne connaît pas de fin.
Il enroule l’aube sur Sa nuit et Son aube se dissout dans Son crépuscule.
Et contemple Sa sagesse en mouvement au centre de l’univers et dans tous ses recoins.
Quiconque vient convoiter Son œuvre se jette de tout son corps sur les richesses du monde,
Jusqu’à ce qu’il perçoive l’univers en lui-même et l’Art divin dans son invention. (pp. 31-32)
Le Vrai me donne forme dans toute forme
Telle la basmala dans toute sourate.
Il m’établit comme Signe au jour de la Résurrection,
Dans un Jardin et dans une Fournaise, pour tous les fils d’Adam sans distinction.
Aussi suis-je avec vivants et morts en émulation.
N’eût été Celui en qui je puisai
Tout ce qui m’apparut, de moi et de Lui,
Je n’aurais eu aucune substance dans l’Essence véritable.
Je voyage de nuit mais mon voyage n’est pas semblable au mouvement des scintillantes,
Entre déploiement et repli, tel l’orbe fixe.
Je suis l’imâm qui englobe les processions,
Semblable à une pleine lune au milieu des étoiles. (p. 223)
Kahina Bahloul est islamologue et depuis peu, imame. Souleymane Bachir Diagne enseigne la philosophie et s'intéresse de près aux intellectuels musulmans.
Pour elle, le poids de la tradition littéraliste et orthodoxe, l'inflation des lectures normatives, amputent l'islam de sa dimension mystique et bloquent l'accès des femmes au domaine religieux. Pour lui, les mêmes tendances freinent le développement d'une pensée islamique vivante et contextualisée.
Tous deux toutefois, soulignent la richesse intellectuelle de nombreux courants islamiques à travers les époques, du philosophe Averroès et du mystique Ibn Arabi, aux penseurs contemporains Mohamed Iqbal, en passant par les réformateurs du XIXème siècle comme Mohammed Abdu.
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer, l'invité était Kahina BAHLOUL / Souleymane Bachir DIAGNE (07h40 - 08h00 - 19 Avril 2021)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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