Le mémorial

Sa timidité en avait fait un rêveur. Pour se protéger de ce dangereux aspect de la vie qui l'attirait et le dégoûtait à la fois, il avait sécrété une sorte de coquille faite d'action, d'épreuves, de routine, d'amitiés avec les autres officiers qui finissaient par se marier et à qui il servait de garçon d'honneur. Et c'est de cette coquille qu'il avait préféré observer les femmes qui se déplaçaient aux limites de son univers, comme de splendides formes mystérieuses dans l'eau, toutes hérissées de vrilles et de fleurs. Mais c'était il y a bien longtemps.

Il devait exister des choses que nous n'étions pas censés connaître. On lisait des livres dans le genre l'Evangile de l'Au-Delà et tout paraissait splendide et réconfortant. On essayait alors d'aller un peu plus loin, et tout sombrait dans le dérisoire et l’horreur.

Les pires moments, c’étaient ses demandes en mariage. C'était vraiment le supplice le plus atroce. Elle en souffrait pour lui — elle était comme sur des charbons ardents, c’était insupportable. Pendant qu’il lui dévoilait ses projets d'avenir.

Tout cela doit avoir une origine sexuelle. Ce bon vieux sexe. Je dois être absolument tordante. Comme je voudrais rencontrer quelqu’un qui ne posséderait pas du tout ce sens de l’humour extraordinairement développé.

Ce n’est pas une vie, tous ces gens qui essaient d'être gentils avec vous, qui vous parlent d'une voix douce, qui s'efforcent d'imaginer des choses pour vous amuser. Ce n'est pas une vie.