Avec une famille adepte du camping-car,
Ivan Jablonka a connu des « road trip » proches de la nature./en osmose avec la nature.
Après avoir brossé un bref portrait de ses parents, l'auteur revisite les vacances estivales de son enfance tout en portant, avec le recul, un regard de sociologue sur ce mode de vie. Récit irrigué par le journal qu'il tenait,des photos, mais aussi par les réminiscences de leurs compagnons de route.
L'écrivain voyageur commence par nous faire visiter tous les recoins de ce nouveau combi avant de nous embarquer sur les routes d'Europe et des États-Unis. Habitée par un esprit communautaire , sa famille part toujours avec d'autres couples avec enfants. Parmi eux, un expert « ès spots » qui sait débusquer le coin idyllique, sauvage, « hors des sentiers battus ».
Il fait défiler ses souvenirs , s'étonnant du vide avant sa sixième année.
Pour garder des traces de ses périples, il a pris goût à réaliser des « scrapbooks » de voyage où il thésaurise tout ce qu'il collecte ( tessons d'amphores). Comme
Jean Chalon , il ramasse des écorces d'arbres.
Le romancier détaille leur quotidien : les mères ne sont pas exemptées des « tâches ancillaires », les hommes à la vaisselle, et la liberté totale pour les kids qui ne manquent pas d'imagination pour inventer des jeux, des mots.
Le mode d'ordre du père ? « Soyez heureux ». Ce qui n'empêche pas « petit Ivan » de « mougliter » ( s 'ennuyer), de renoncer à des visites.
Ivan Jablonka nous frustre quand , par exemple, il évoque la traversée de la Grèce, car aucune couleur locale nous parvient. Par contre en « gamin-Poséidon », il nous immerge dans le monde sous-marin, nous fait partager leurs jeux aquatiques. Toutefois, sa mère l'a initié à la culture grecque,aux légendes et le chapitre consacré au voyage dans l'Antiquité suscite l'intérêt.
L'auteur convoque un chapelet de faits marquants : en Sicile, l'ascension de l'Etna.En Turquie, une séance au hammam. Il se souvient comme Perec de toutes les sources d'émerveillement qui ont contribué à son épanouissement.
D'aucuns peuvent envier cette liberté de stationner où l'on souhaite maintenant que la réglementation en vigueur en France est tout autre. Et de déplorer,avec nostalgie, les plages privées, les interdictions .
L'historien brosse une fresque de l'époque, encore habitée par le courant hippie et décline la genèse de cet engouement pour le combi, ajoute des informations sur l'usine Volkswagen, en pleine expansion, boostée par les ventes.
Cette rétrospective de ses étés baignés de lumière met en évidence le bagage culturel que l'écrivain a engrangé, le réconciliant avec l'étude du grec que sa mère lui a imposé en 4ème. Il rend hommage à ses parents, rappelant leur « background » : « l'humanité blessée » pour son père, « les humanités triomphantes » pour sa mère. N'est-il pas devenu un « European gentleman » ?
C'est pétri de gratitude, pour lui avoir offert ces « bourlingages » initiatiques, qu'il analyse avec acuité comment cette école de vie l' a forgé, lui a ouvert l'horizon, lui a permis de résister aux attaques des camarades.
Ivan Jablonka signe une ode à la liberté, une odyssée ensoleillée. Ce voyage
immobile pour le lecteur, à bord du « bus » est enrichissant pour le lecteur sédentaire, et réveillera chez le globe trotter l'envie de prendre la route sur les traces de l'auteur, d'y débusquer « des spots » ! ( mot dont il fait un emploi abusif!). Une carte insérée dans le livre aurait été bienvenue.