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EAN : 9782072939570
48 pages
Gallimard (04/03/2021)
4.37/5   27 notes
Résumé :
Second pilier de son oeuvre, les carnets sont pour Philippe Jaccottet une alternative à la poésie dans son observation et ses réflexions sur le monde. Cet ouvrage réunit les notes de l'auteur rédigées entre 2012 et 2020. Elles explorent les thèmes devenus au fur et à mesure plus présents dans son oeuvre. Ses réflexions d'une grande délicatesse touchent à la fugacité de la vie, le bonheur simple d'en bénéficier encore, la douleur présumée de la fin, les lueurs d'espo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Une trentaine de pages écrites entre 2012 et 2020. Suscitées par des instants de poésie pure : au cours d'une déambulation dans une campagne de fin d'hiver, grise et endormie, le son limpide de la cloche d'un couvent proche, celui de la Clarté Notre Dame.
De ce bref moment, Philippe Jaccottet extrait toutes les nuances perceptibles de ce qu'il a entendu comme un appel.

Et c'est cela, cet appel, qui va être la trame des pages suivantes. Appel à une transcendance, à un Très-Haut, dont l'homme très âgé, ressent à la fois l'inquiétude et l'incertaine nécessité. Et en parallèle, le questionnement sur le sens que pourrait prendre la vie écoulée, cette vie consacrée aux mots, à la poésie, la sienne, et celle des auteurs qu'il a aimés.

Avec, en contrepoint d'une existence, tout compte fait, protégée, cette scène d'épouvante dont Philippe Jacottet a entendu la relation lors d'un reportage : un journaliste relâché d'une prison syrienne, parcourant le couloir qui l'amenait à la libération, entendait les cris, derrière les murs, de ceux que l'on continuait à torturer.
La mémoire de Philippe Jaccottet a fait sienne cette scène qu'il n'a pourtant pas vécue. Et c‘est sur elle qu'il achoppe, inévitablement, malgré la poésie. C'est elle qui anéantit l'espoir d'une réponse heureuse au questionnement existentiel «... comme si, à la fin du parcours, aucune parole n'échappait à la violence de bien pire qu'un orage. »

Mais plus tard pourtant, revenant à certains souvenirs de voyages, à ses notes, à ses anciens poèmes, aux vers qu'il a retenus d'Hölderlin, il trouve une cohérence, qui éclaire tout son parcours, dans la constance, la répétition de son émotion, celle « liée à un lieu religieux anodin, une petite chapelle, même modeste, même quelconque, pas même décorée, ou une crypte (...) rencontre, inattendue souvent, inespérée, et pourtant... peut-être poursuivie en le cherchant, du sacré. »

Les derniers mots, d'une sagesse rassérénée, de cet ouvrage sont datés du 7 juin 2020, soit moins de neuf mois avant la mort de l'auteur.

J'ai lu « La Clarté Notre dame » une première fois, il y a plus d'un an. Je venais d'ingurgiter, en toussant souvent, le journal péremptoire, très conventionnel, assez insupportable d'arrogance, d'un auteur du début du 20ème. J'avais d'autant plus aimé, savouré, l'humilité subtile dont Philippe Jaccottet fait preuve dans ses doutes et son questionnement.


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Le son lumineux des vêpres.
Le brasier de Notre-Dame de Paris est éclipsé par la Clarté Notre-Dame à Taulignan. Les moniales dominicaines du monastère drômois vivent au rythme des offices. Quand sonnent les vêpres, à la fin de l'après-midi du 19 septembre 2012, le poète d'à côté, habitant Grignan, près de Taulignan, est touché et réveillé par le tintement de la modeste cloche dans le ciel atone comme une lumière sonore biffant l'air gris. Philippe Jaccottet (1925-2021) travaillera ensuite sur le motif, la modeste illumination première qui brille en écho à sa quête existentielle et à son travail poétique. La plaquette d'une quarantaine de pages parue en 2021 en édition posthume est un condensé de sa démarche et de sa manière de procéder, un legs à ses aficionados esseulés. Revenir, préciser, s'effacer, litanie du poète bâtissant son oeuvre avec des fétus et des clartés : « tous ces signes dont la singularité est d'être toujours infimes, fragiles, à peine saisissables, évasifs mais non douteux, très intenses au contraire… ». A cette beauté de surface, le poète lui impose la noirceur des profondeurs, des « lieux d'ignominie » où l'homme torture son semblable comme ceux dissimulés sous les ruines de Palmyre où le poète s'est extasié, ignorant alors les puantes ténèbres. Quels mots peuvent alors faire paravent à la mort ? La sienne approche. Il le sait. Il la sent. Pourtant il persiste et signe, trace encore des arabesques dans le vide pour circonscrire des parcelles de joie. Son post-scriptum du 7 juin 2020 irrigue par la force contenue, le doute sous-jacent et le perpétuel inachèvement : « En longeant un verger…, en y pénétrant, en le traversant, je retrouvais la même émotion. Celle d'une construction ouverte qui contiendrait l'infini ».
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Journal de retour de quelques promenades, de quelque emerveillement d'un paysage, d'un monastère, de beaux arbres. Echo, au soir d'une vie entre cet emerveillement et la grâce qui a habité l'auteur. Cadeau gratuit de la vie, qui fait echo entre le sublime de quelques mots, le sublime et intangible bonheur d'un ressenti que seule peut apporter un contemplation véritable.
Ce livre très court et très fugace peut se lire et relire. de 50 pages, il en devient trois cent, car chaque phrase y est ciselée comme un joyau à multiples facettes, qui se joue differemment de la lumière à chaque visite.
L'auteur cite Hölderlin, Rilke, Claudel avec la familiarité qu'on ne partage qu'aux vieux compagnons de route. le vers surgit comme le rayon de soleil entre deux nuages.
Tout est lumineux même quand l'auteur y confesse une impression de l'enfer, mais c'est pour mieux reconnaître l'oeuvre de la grâce. Arretons nous au seuil de ce mystère et savourons...
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Je ne connais pas vraiment la poésie de Philippe Jaccottet même si plusieurs personnes me l'ont déjà conseillée. Je ne connaissais pas non plus ses carnets où il note dans la journée ses "pensées venues la nuit, en partie évaporées" qui l'accompagnent durant ses promenades ou enrichissent ses réflexions.
J'ai été saisi par une grande émotion en lisant ces quelques pages et je dirais que cette émotion est triple. Il y a d'abord celle de retrouver derrière les mots de Philippe Jaccottet des lieux connus, en Suisse romande ou en Provence, dans la proximité du mont Ventoux. Puis celle d'accompagner sa démarche de création : l'inspiration lui vient autant de la cloche qu'il entend que de ses souvenirs ou du partage des textes des poètes qu'il aime.
Et pour terminer, la dernière émotion, c'est de partager le soir de la vie d'un grand poète qui s'interroge sur la vieillesse, la mort et sur le sens de la vie.
Vraiment un beau texte !
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Très beau texte qui laisse entendre la voix de plus en plus ténue de l'auteur. Nous sommes ici, dans ces notes et commentaires de notes, aux confins du silence. Toute une vie pour en arriver là, pourrait-on dire, à si peu de certitudes, mais c'est précisément dans ces touches presque "impressionnistes" que la poésie attend à son plus haut point.

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critiques presse (1)
Bibliobs
16 mars 2021
Dans « la Clarté Notre-Dame », son ultime carnet de notes, le poète disparu en février saisit un simple verger d’amandiers, les montagnes de sa Suisse natale et les cloches des vêpres d’un monastère de Salernes.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Vient le moment du manteau déchiré, du corps déchiré, et trop souvent des tortures sans aucune excuse pensable.
Vient la destruction sans aucun remède et dont on ne peut plus parler sans mensonge, sans fioritures, sinon ces brassées de fleurs qui ne font que masquer l’insoutenable.
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Durant tant d'autres de ces voyages, s'était produit la même espèce d'émotion, toujours liée à un lieu religieux anodin, une petite chapelle, même modeste, même quelconque, pas même décorée, ou une crypte, et au fond je me suis dit que si je n'avais pas été un peu obnubilé par une sorte d'anticléricalisme qui était le nôtre à tous à un moment donné, en particulier les amis de gauche que j'avais à l'époque à Lausanne, j'aurais peut-être réfléchi qu'il y avait là quelque chose de beaucoup plus important que ce que j'aurais pu imaginer d'abord, qui était vraiment cette rencontre, inattendue souvent, inespérée, et pourtant... peut-être poursuivie en le cherchant, du sacré.
En longeant un verger - un verger d'amandiers, ou ailleurs de cognassiers -, en y pénétrant, en le traversant, je retrouvais la même émotion. Celle d'une construction ouverte, qui contiendrait l'infini. Avec, à chaque fois, le sentiment vraiment central du sacré.
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Ce tintement "sous les nuages de mars", il fallait bien que j'en range l'écoute au nombre des surprises, en fin de compte assez nombreuses, qui m'ont ému de façon si secrète et si profonde qu'aujourd'hui encore, quand même le grand âge serait venu aggraver mes doutes de toute nature, je ne puis m'empêcher d'y voir quelques-uns des signes capables de presque les dissiper.
Et avec cela, tout de même, il faut bien préciser que c'était une vraie cloche, si humble fût-elle, qui avait résonné là; et je savais où elle se trouvait, à quoi elle devait servir. Je pourrais même imaginer qu'en l'entendant, les rares sœurs habitant ce couvent au beau nom de "La Clarté Notre-Dame" devaient quitter, l'une un jardin dont elle ameublissait le sol pour quelques semis de printemps, d'autres leur atelier de reliure ou la cellule à l'abri de laquelle, peut-être, la plus âgée d'entre elles s'était un instant reposée, ou recueillie; à l'image de ces petits troupeaux qu'un enfant berger essaie de conduire à l'abreuvoir avant de les rassembler dans leur enclos; sauf que c'étaient là quelques agnelles silencieuses, obéissantes et cherchant à maintenir ou à accroître encore au fond d'elles-mêmes la mansuétude et la pureté de leur maître ...
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Chez Hölderlin :
Énigme, ce qui sourd pur
     
et ce passage, dans Tête d’Or de Claudel …
     
Le froid matin violet
Glisse sur les plaines éloignées, teignant chaque ornière de sa magie !
Et dans les fermes muettes, les coqs crient :
Cocorico !
C’est l’heure où le voyageur blotti dans sa voiture
Se réveille et, regardant au-dehors, tousse et soupire.
Et les âmes nouvellement nées le long des murs et des bois,
Poussant comme les petits oiseaux tout nus de faibles cris,
Refuient, guidées par les météores, vers les régions de l’obscurité.
— Quelle heure est-il ?
     
Qu’y avait-il là, dans ces lignes, où Cébès parle au seuil de la mort qu’il attend ? Qu’il dît cela à Tête d’Or leur prêtait un fond d’amitié amoureuse auquel, sans même en prendre conscience, je devais être sensible. Mais le point sensible était ailleurs : dans ces paroles de voyageur à la fin de la nuit, dont bien plus tard je devais retrouver l’écho dans tel haïku du passage de la barrière, mon préféré — que j’ai traduit :
     
Les voyageurs
demandant si la nuit est froide
avec des voix endormies
     
Ils se sont levés avant l’aube, et c’est peut-être pour aller à sa rencontre qu’ils l’ont fait. Sur quoi m’est aussitôt revenu le souvenir d’un autre court poème, le « Wandrers Nachtlied » de Goethe, qui dit le miracle d’un suspens du temps, d’un instant de paix suprême, au-dessus de tout, avec l’appréhension d’un repos ultime, consolant, on ne sait, ou inquiétant. Là aussi il y a des pas, et dans leur halte, l’entrevision du plus haut à quoi ces brefs poèmes s’attachent. Et, toujours dans mon insomnie, ce voyageur surpris dans le frémissement de l’aube, dans sa fragilité, à la suite des oiseaux, sur l’espace grand ouvert.
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J’écris ces lignes aujourd’hui 8 novembre 2012 ; au-delà de ma fenêtre les arbres, à peine commençant à jaunir ici ou là, les quelques nuages toujours changeants mais clairs comme des ballots de neige en voyage dans le grand ciel, restent encore aussi parfaitement beaux et paisibles et comme pleins de bonté tout involontaire.

C’est, une fois de plus et jusqu’à en devenir décourageant, désespérant, le « combat inégal » de mon vieux poème d’il y a un demi-siècle… Comme si je n’avais fait depuis lors aucun progrès. Au moment où il me faudrait intituler ces pages, plutôt, « Fin de partie ». Une fois de plus aussi, une vague de fatigue roule sur moi, comme pour m’éviter le constat de mon impuissance à me confronter avec cette fin.

De sorte que chaque mot tracé ici sur la page serait comme une de ces brindilles dont Char lui-même avait rêvé de se bâtir un rempart. Tracer encore des lignes comme on jetterait des filins à la surface d’une étendue d’eau, mare infime ou mer à perte de vue, afin qu’ils supportent une espèce de filet qui nous éviterait la noyade. « Poèmes de sauvetage »… Paroles, n’importe lesquelles même peut-être, pour différer l’effondrement, pour vous faire croire qu’il y aurait encore une chance de s’en tirer…
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