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sur 1297 notes
« Une histoire écrite, qui est dans un tiroir fermé à clef. »
Ne comptez pas sur Henri James pour nous la donner, cette clef ! Il nous laisse nous démerder tout seul avec ce roman gigogne, ce sombre récit aux multiples facettes…
Dans cette histoire, la narratrice qui oublie de donner son nom, a pourtant tout pour être heureuse quand elle arrive au vieux manoir de Bly pour veiller sur Flora et son grand frère Miles, deux adorables enfants, si agréables, si bien élevés, si croquignolets qu'elle leur aurait donné le bon Dieu sans confession.
Mais très vite, des évènements étranges et troublants viennent brouillés la vie champêtre de notre gouvernante. Dans le manoir gothique, s'animant crescendo, ils s'enchainent les uns après les autres… Des souffles rauques, des frôlements inquiétants perturbent les nuits calmes de Bly. le coeur battant la chamade, la gouvernante entrevoit les apparitions furtives de deux parfaits inconnus ; des apparitions qui deviennent de plus en plus fréquentes, réelles… et maléfiques. Les sosies parfaits de Peter Quint, ancien valet attaché au domaine, et de Miss Jessel, prédécesseur de la narratrice, tous deux décédés juste avant son arrivée… Quand la gouvernante horrifiée comprend que les deux fantômes sont attirés (attirance franchement morbide et tordue) par la présence des deux enfants et cherchent à pervertir leur innocence, un combat s'engage entre elle et les deux apparitions.
Alors !!!! S'agit-il d'un conte fantastique et pervers ou je dois croire à nos deux fantômes ? S'agit-il au contraire de la description du délire hallucinatoire de notre narratrice qui, parfois, m'a fait l'effet d'une vraie frapadingue ? Henri James m'a laissé dans le doute en brouillant les pistes, m'a abandonné dans le marigot… Miss Grose, l'intendante de la maison, seule personne à peu près sensée de ce bouquin, n'aide pas à résoudre l'énigme. Elle voudrait tant croire la narratrice, l'aider de toutes ses forces à sauver la pureté des deux enfants, mais son solide bon sens l'empêche de se livrer totalement. Elle reste toujours sur son quant-à-soi… Miss Grose s'est bien gardée de me donner les clefs du tiroir…
J'ai dévoré ce livre dans des frissons de malaise ; j'ai été dérangé, troublé, englué dans des miasmes fétides, dans la noirceur des sentiments humains…
Un livre absolument magistral.

Challenge XIXème siècle




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Ouhla ma fille, le moment est délicat (il m'arrive occasionnellement de m'appeler ma fille, ça favorise ma concentration) car là pour une fois je me suis immergée dans un vrai classique, de ceux passés à la trappe à l'époque où je poursuivais mes brillantes études sans grand espoir de les rattraper.

Délicat le moment donc puisque je me suis intensément barbée en lisant ce texte pourtant court et «unanimement considéré comme LE chef-d'oeuvre d'Henry James» (c'est pas moi qui le dit, c'est la quatrième de couverture).

Plutôt ronchon de par le fait mais désireuse de creuser un peu le problème, je découvre que les interprétations de cette oeuvre qui ont été hasardées au fil des décennies et de l'évolution des moeurs, ont oscillé entre conte fantastique et métaphore psychanalytique. Là je comprends (presque) mieux. Beaucoup ont donc évoqué les thèmes de la névrose, de la transgression, de la frustration ou de la perversion sexuelle qu'Henry James aurait, consciemment ou pas, traités dans son oeuvre de manière subliminale.
D'accord.
Réjouissant programme.

Il n'empêche que pour ma part, et quelle qu'en puisse être l'approche, il m'a juste été pénible d'appréhender cette atmosphère singulière, impossible de m'attacher aux personnages, et surtout très laborieux de m'y retrouver dans cette écriture précieuse, aux circonvolutions sans fin.

J'ajouterai au passage une pensée hautement compatissante pour les élèves (j'en connais) qui ont eu à se farcir cette oeuvre sans les éclaircissements d'usage. Le Tour d'écrou, à l'adolescence et sans filet, je peux comprendre que ça fasse moyennement kiffer.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Diable ! " le Tour d'écrou"...Moi qui m'attendais à lire paisiblement un traité de bricolage écrit par un dénommé Henry James, j'ai dû me rendre à l'évidence au bout de quelques pages, les travaux allaient être difficiles pour la jeune fille envoyée au château.
Le propriétaire a été très clair : il ne veut rien savoir de l'avancée du chantier. La jeune fille doit se débrouiller seule. En plus, à l'arrivée, on lui colle dans les pattes deux orphelins à problèmes, ce qui n'est pas idéal quand on a un manoir entier à restaurer avec un seul écrou ! Et ce n'est pas tout, je n'avais toujours rien appris au bout de vingt pages sur l'art du bricolage, je commençais à m'impatienter, quand la jeune fille, faisant visiblement le tour des tours pour installer -de nuit ! -des échafaudages, se met à avoir des apparitions !!!!! Un homme roux, très beau, mais "ignoble" ! Qui lui apparaît ensuite derrière une vitre -même pas brisée- et qui, d'après l'intendante du château, d'après la description, est mort l'année dernière ! Oh le chantier !! Quelle galère les travaux ! La précédente jeune fille préposée aux écrous est morte elle aussi l'an dernier ! Et elle réapparaît à son tour !!! Elle veut finir le travail ? Notre jeune fille vivante est dubitative : elle pense plutôt que les deux fantômes veulent enlever les orphelins à problèmes. Il faut clarifier la situation avant de rafistoler les tours.
Question : les orphelins voient-ils les spectres ? Sont-ils stressés par ces apparitions ? C'est difficile à savoir, surtout quand on ne pose aucune question...La jeune fille n'est pas très psychologue. Son truc à elle, c'est le bricolage.
Question : La jeune fille voit-elle vraiment des spectres, ou est -elle stressée par l'ampleur du chantier ? Difficile à savoir, puisqu'il n'y a qu'elle qui parle, et qu'elle est persuadée de voir des spectres.
Question : si quelqu'un s'en prend aux orphelins, sont-ce les spectres ou la jeune fille ?
Le champ des possibles est vaste, et toutes les fenêtres sont ouvertes...Le fantastique peut être pris au premier degré, mais c'est un peu frustrant, d'autant plus que de nombreuses ellipses titillent épouvantablement l'imagination débordante du lecteur...
-Pourquoi le jeune homme (Quint) et la jeune spectre (miss Jessel) sont-ils "ignobles"...Cela ne peut se résumer à une simple aventure...
-De quoi miss Jessel est-elle morte ?
-Pourquoi Miles, le bel ange frappadingue, a-t-il été renvoyé du collège ?
-De qui la jeune fille vivante était-elle amoureuse ?
-Pourquoi le tuteur ne veut-il rien savoir des travaux ? Absolument rien !!!
etc etc...Tout cela grouille de secrets innommables.
En peu de pages, Henry James nous retourne le cerveau. Encore un roman obsédant ! J'ai hâte de lire la suite : "Le coup de marteau". C'est pas tout ça, mais j'espère qu' Henry James traitera enfin son sujet, le bricolage ...
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Le Tour d'écrou... Titre à la fois intrigant et inquiétant pour toutes les évocations qu'il peut suggérer. C'est en tout cas un coup de maître pour Henry James de maintenir, tout au long de la lecture de ce roman, sa lectrice ou son lecteur dans le vertige du doute : celui dans lequel va les plonger ce récit noir et envoûtant.
En effet, tout est sujet à caution dans ce roman : les éléments du fantastique auxquels se réfère James; le fil de l'intrigue constamment rompu par des ambiguïtés déroutantes, les personnages dont le comportement se prête à de multiples interprétations. A commencer par celui de la narratrice, institutrice de son état et qui va se voir confier la charge de s'occuper de deux orphelins, Miles et Flora, dans une propriété de la banlieue londonienne, Bly. Pour la seconder, Mrs Grose, l'intendante, une brave femme qui a bien les pieds sur terre.
Si l'on adopte un postulat de lecture qui réfute le surnaturel et les apparitions, cette jeune femme dont on ne connaîtra jamais le nom présente un profil psychologique très inquiétant. Comment ne pas être dérangé par le fait que très vite les apparitions de deux personnages, Quint, le majordome et Miss Jessel, l'ancienne institutrice, vont la conduire à malmener son entourage, en l'occurrence Mrs Grose, avec laquelle elle va entretenir des rapports très complexes mêlant persuasion, aveux forcés puis une forme de persécution qui va avoir raison du bon sens de cette femme peu habituée par sa fonction à faire front face à l'adversité. Même jeu pervers avec les deux enfants dont elle a la charge. D'abord complètement idéalisés, ils vont devenir peu à peu dans son esprit des êtres diaboliques, sous l'influence des deux revenants maléfiques que sont devenus Quint et Miss Jessel, morts dans des circonstances que l'on ne connaîtra jamais. Obsession d'un complot qui se tisserait contre elle, paranoïa qui va d'abord la pousser à se poser comme sauveteuse des enfants, puis comme leur persécutrice, sa folie va la conduire au dérapage dramatique d'une situation qu'elle ne contrôle plus...
Oui mais... Cette lecture n'est pas la seule possible car le récit qui nous est fait par la narratrice concerne des faits passés, alors qu'elle a poursuivi apparemment sa carrière dans d'autres familles sans que rien ne puisse lui être reproché bien au contraire. Quid alors de sa folie ? Même si l'on doute de l'existence des deux revenants maléfiques que sont Quint et Miss Jessell comment mettre en doute les propos de Mrs Grose qui les dépeints comme deux êtres nuisibles et manipulateurs ? Quid alors de leur réelle influence et de leurs relations avec les deux enfants qui refusent d'en parler ? Vue sous cet angle, c'est un tout autre histoire qui se dessine...
Rien n'est donc simple dans ce roman et c'est ce qui, à mes yeux, est passionnant car à chaque instant tous les faits qui se présentent peuvent être soumis à une double lecture.
Je pourrais ajouter également que si l'on accepte les codes d'une écriture délicieusement surannée, certaines scènes d'apparitions ou avec les enfants sont d'une intensité dramatique et émotionnelle à couper le souffle.
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C'est en lisant un livre comme "le tour d'écrou" que je me dis que je ne lis pas assez de classiques. Il est en effet bien agréable, entre deux romans plus modernes, de se plonger dans une oeuvre plus ancienne. Et d'autant plus lorsque le récit en question relève de la littérature de genre. Et dans ce registre, force est de constater que les auteurs du 19ème siècle ne manquaient pas de savoir-faire.

Si les effets utilisés pour susciter l'angoisse sont moins évidents que dans la littérature d'épouvante contemporaine, on n'est pas ici dans le démonstratif, ils n'en demeurent pas moins efficaces. L'auteur parvient à créer le trouble et à installer une atmosphère oppressante nimbée d'une angoisse sourde., distillée subtilement par petites touches. Cela, grâce à un récit très bien mené qui prend la forme d'un drôle de jeu.

Car c'est à une expérience étrange que nous convie Henry James avec "le tour d'écrou", celle de la lecture créative. Plutôt que de prendre le lecteur par la main, plutôt que de tout lui montrer, plutôt que de démêler explicitement le vrai du faux, l'auteur choisit de laisser l'imagination du lecteur remplir les trous de son récit. James manie l'art des non-dits avec brio et avec un goût de la manipulation certain. Cet art de la suggestion n'a pas pour seule intention de créer de l'angoisse. C'est à dessein que Henry James ne livre pas toutes les clés de son roman. En remplissant lui-même les zones d'ombre du récit, en imaginant ce qui n'est pas révélé, en explicitant ce qui est tu, le lecteur se retrouve confronté à sa propre perversité. Tout au long de ma lecture, je me suis demandée si l'auteur avait "explicitement sous-entendu" ce que j'avais imaginé ou si c'était mon esprit tordu qui en avait fait cette interprétation.
Et ce questionnement du lecteur est à l'image du personnage de la narratrice. Les fantômes qui veulent posséder les enfants sont-ils réels ou ne sont-ils que le reflet de sa propre psyché ? N'est-ce pas elle qui désire prendre possession du jeune Miles (une possession qui n'aurait alors rien de spirituelle) ?

C'est ce double-jeu qui rend la lecture du "tour d'écrou" si particulière, qui lui confère un caractère troublant à l'extrême, un trouble qui va jusqu'à une doucereuse sensation de malaise.
Comme quoi, il n'est pas besoin d'user de grands effets chocs pour remuer un lecteur.

A noter que l'édition proposée par le livre de poche inclut une préface et des notes de la traductrice qui éclairent la lecture de façon très intéressante.

Je profite également de cette modeste critique (un peu embrouillée) pour vivement conseiller la vision de l'adaptation cinéma signée par Jack Clayton en 1961 (avec Deborah Kerr, remarquable) intitulée "les innocents" qui est un véritable petit bijou et qui, à mon avis, est à classer aux côtés de "la maison du diable" de Robert Wise dans le panthéon des meilleurs films d'épouvante gothique.

Challenge Variété 9 (catégorie "un livre qui a plus de 100 ans")
Challenge Petits plaisirs 15
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Un livre d'horreur, une histoire de fantômes écrite par un écrivain devenu classique. Voilà déjà deux éléments essentiels qui alimentent notre envie de lire cette longue nouvelle.

En présentant ce livre, on se heurte à une contrainte. Celle de livrer l'histoire aux lecteurs et par conséquent, atténuer le mystère et le suspense. Aussi essayerai-je de conserver ces deux derniers.

Henry James utilise un début digne du XIXème siècle pour introduire son histoire. Un groupe qui se raconte des histoires. Comme dans cet autre court roman de Tourgueniev où il faut raconter son premier amour, ici, il faut des histoires plus lugubres, effroyables. L'un d'eux promet d'apporter une histoire singulière et il tient sa promesse tout en jetant un grand mystère autour d'elle pour attiser la curiosité de son auditoire et du lecteur. Mais aussi pour confirmer la crédibilité de ce récit, puisqu'il s'agit d'un manuscrit qu'il veut leur lire. Et ainsi une narratrice commence la relation des événements étranges qu'elle a vécus.

Ce qui tient le lecteur aux aguets ce n'est pas seulement les apparitions de fantômes. Mais c'est surtout la narration, la façon avec laquelle la narratrice rapporte ces faits. Sa narration sème le doute, n'éclaircit rien et nous tient haletants, hébétés, attentifs, lisant et relisant pour ne rien perdre. Cette jeune femme est tourmentée par ce qu'elle vit, ce qu'elle voit (ou croit voir) et cela apparaît dans sa narration, beaucoup de phrases incises, de développements sans issue, de choses tues et d'hésitations. Elle doit s'occuper avec dévouement de ce petit garçon et de cette petite fille. Ces deux tendres, doux, intelligents enfants. Elle a promis à leur oncle de les protéger sans le déranger dans tous les cas. Elle se trouve dans une confrontation avec des fantômes malsains qui veulent corrompre (qui ont déjà réussi à le faire) ces enfants innocents (où le mal s'acharne contre le bien).

Cette narration implique le lecteur. Il ne doit pas seulement chercher la vérité avec la narratrice, il doit écouter (lire) son récit avec beaucoup de méfiance. On voit tout, à travers elle. On n'a pas d'autres points de vue. Elle nous livre ses interprétations des faits. Or, rien ne nous assure qu'elle dit la vérité, ni qu'elle mente ou hallucine, qu'elle soit saine d'esprit ou folle. Et le lecteur doit avancer dans cette ambiguïté, dans l'obscurité totale, à chaque fois que la narratrice souffle la bougie. Cette narration elliptique, inachevée déconcerte le lecteur qui veut résoudre les énigmes, mais qui n'a pas assez de moyens, la narratrice ne l'aide que peu. C'est là même l'essence de cette oeuvre et le plaisir de cette lecture. L'art de James réside dans le choix de cette narratrice. Car, on le sait bien l'histoire lui vient d'une anecdote qu'il a entendu d'un archevêque (les grandes histoires de ce siècle ont cela de merveilleux qu'elles ont pour source des faits divers ou des anecdotes comme pour "Madame Bovary" ou "Le Rouge et le Noir"). Cette transformation que subit cette anecdote est "Le Tour d'écrou".
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Un roman dont il est impossible de savoir si c'est une histoire de fantôme ou une histoire sur la folie. J'avoue en avoir été agacée même si je reconnais l'exploit littéraire.
Une jeune femme est engagée pour s'occuper de deux orphelins qui ont rapidement des comportements étranges.
Mais…
Pourquoi l'oncle des deux enfants ne veut-il rien savoir de ses deux protégés ? Pourquoi Miles a-t-il été renvoyé de son pensionnat ? de quoi sont morts Miss Jessel et Peter Quint ?
Ne comptez pas sur l'auteur pour vous donner les clés. Vous pouvez compter sur lui, en revanche, pour vous entraîner dans une histoire glaçante, quel que soit votre opinion sur l'histoire, fantastique ou folie.
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Le tour d'écrou, chef-d'oeuvre de Henry James, me laisse pantois, sonné, hagard. Moi qui ai l'habitude d'encenser les classiques, je me trouve bizarrement confronté à une énigme qui m'apparaît insoluble et je pense qu'elle l'est ; que le fond, le secret de l'histoire que constitue cette énigme n'est en fait qu'un prétexte, un magnifique prétexte au déploiement savamment orchestré d'ingrédients qui font de ce livre un modèle de genre et de style. le coeur de l'histoire, le seul intérêt que j'y ai trouvé, c'est sa forme.


Dès le début, le ton est donné avec des dissonances et des contradictions, une façon de souffler le chaud et le froid qui est devenue presque agaçante au fil des pages tout en lui conférant un ressort indéniable. L'atmosphère de plus en plus étouffante est très réaliste et les personnages sont très bien campés dans leurs attitudes et dans les dialogues. Cependant, tout ce qui accompagne cela, c'est-à-dire les analyses de la narratrice, sème la confusion en tournant autour du pot dans une sorte d'excès de description de ses états d'âme pareille à un serpent qui se mordrait la queue.


Les non-dits sont bénéfiques à l'intrigue et au suspense. Mais trop de non-dits crée une sorte de distorsion et tout devient tellement tendu que l'ensemble se relâche de fatigue et de lassitude dans mon esprit de lecteur. L'excès d'opacité et la fragilité des points de repère finissent par égarer le petit lecteur que je suis qui ne sait plus vraiment pourquoi il lit cette histoire.


L'auteur sait tenir en haleine par divers effets dont c'est un maître reconnu : les effets de narration, les dialogues, les images. Tout cela est magistralement déployé devant nous. Mais ce qui habille l'histoire semble prendre plus d'importance que le fond et, au lieu de me demander : « Que se passe-t-il à la fin ? », je me suis plutôt demandé : « de quelle manière cela va-t-il se passer ? » Avec toutes les possibilités ouvertes par les ambiguïtés du récit, les pires choses imaginables semblent possibles. Tout n'est lié qu'à la perception, aux apparences ; et le lecteur doit composer avec cela au fil d'un récit où les repères n'en finissent pas de vaciller.


On finirait par croire la narratrice folle ou les enfants des envoyés du diable. C'est l'effet que l'auteur a voulu produire sur l'esprit du lecteur qui prédomine. L'histoire en soi n'est qu'une illusion d'optique. Il nous montre les effets de la force de suggestion sur l'esprit du lecteur, faisant de son Tour d'écrou un véritable tour de force.


Je crois qu'on ne peut plus vraiment apprécier ce genre d'effet aujourd'hui. le cinéma concurrence ce genre de livres qui l'ont d'ailleurs inspiré. Les histoires de revenants sont tellement éculées qu'on en est blasé. Si on a vu Sixième sens, Les autres, L'orphelinat, Apparences (pas tout à fait un film de revenants mais dans la même veine), sans parler des séries Walking dead et autres, on ne peut pas être vraiment choqué par ce genre de livre. On prend conscience de ce que le cinéma de suspense et la littérature noire doivent énormément à James et Lovecraft entre autres.


Henry James, qui appréciait infiniment Flaubert, a peut-être lui aussi voulu produire un livre « qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style ».
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Qu'il est difficile de rédiger une critique sur un livre aussi fascinant mais à ce point complexe! L'intégralité de ce texte constitue un tour de force absolument admirable. le style, ainsi que tous les effets de style, sont saisissants.
Je ne vais pas vous mentir, en termes d'actions il ne se passe pas grand chose, et pourtant, chaque scène, chaque séquence, chaque dialogue font place à tellement d'ambiguité, à tellement d'interprétations différentes. Certaines suggestions et certains sous-entendus sont mélancoliques, poétiques, puis deviennent soudainement atroces lorsqu'une nouvelle révélation surgit, ou lorsque l'on réalise qu'il faut repenser ce que l'on vient de lire sous un autre angle.
Personnellement, sans vouloir me lancer dans l'interprétation et la traduction des messages que l'auteur a voulu transmettre à travers cette oeuvre (je n'ai pas l'intelligence requise, ni la prétention, ni même l'envie de vous ôter le plaisir de votre propre découverte), je dirai que la lecture de ce livre m'a fait l'effet d'un caléidoscope braqué sur les principales études et théories de la psychologie... un caléidoscope que l'auteur tournerait d'un cran dans un sens, puis dans l'autre, parfois à chaque page, parfois à chaque dialogue... un caléidoscope que le lecteur tournerait, également à son tour, à chaque relecture d'un passage suite à la révélation d'un nouvel élément...

Je doute être parvenu à retranscrire pleinement le fond de ma pensée. J'avoue que j'ai encore plusieurs interprétations différentes qui se téléscopent dans mon esprit, mais qu'il est bon d'avoir découvert justement une oeuvre aussi intelligente par son propos et par tout ce qu'elle implique comme pistes de réflexion.
Je donnerai un conseil à tout futur lecteur : c'est que même le passage qui parait le plus anodin du monde recèle d'éléments révélateurs non négligeables, de messages, de métaphores, de symbolique.... Ne négligez donc absolument aucune phrase, rien n'a été laissé au hasard !

Et bonne lecture...
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Phénoménale surprise de découvrir en Henry James le précurseur d'un genre inattendu par ce thriller oppressant et cauchemardesque ! Dès les premières pages, on découvre où Amenabar a puisé l'inspiration pour son film « les Autres », de même que Daphné du Maurier pour l'atmosphère du château de Manderley dans « Rebecca » : nulle part ailleurs que dans ce Tour d'écrou, celui qui, quand on vient le donner en excès, peut tordre le réel en d'inquiétants univers.

Engagée comme gouvernante de deux jeunes orphelins hébergés par leur oncle à la campagne, à la condition expresse de ne jamais déranger son employeur, une jeune femme rejoint la propriété de Bly où elle découvre les deux chérubins les plus adorables qui soient, amoureusement couvés par Mrs Grove, l'intendante de la maison. Volontaire et fière, la jeune femme se met vaillamment à l'ouvrage de l'éducation des enfants, passant sur son isolement.
Mais la vision d'un inconnu à la fenêtre de l'une des tours de la maison, les révélations sur d'anciens occupants l'amènent à peu à peu percevoir différemment ces enfants si parfaits…

Profondément anxiogène, fouillant des thèmes aussi glauques que le retour des morts, aussi perturbants que la folie, aussi inadmissibles que le mal chez l'enfant, « le tour d'écrou » est un huis-clos haletant qui saisit d'horreur, dans un style ourlé et trépidant comme un cerveau malade. Ames sensibles s'abstenir, les regards angéliques de Miles et Flora les poursuivront sans fin !
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