Roman ou nouvelle fantastique, cette oeuvre saluée par un
Oscar Wilde, a fait scandale à sa sortie.
Cette tapisserie mentale, comme l'appelle l'auteur, tisse page après page les fils d'une stratégie diabolique qui nous entraîne dans ce que James qualifie "d'excursion dans le chaos ".
L'histoire nous est contée, nous est lue par un certain Douglas qui détient le manuscrit d'une femme morte depuis vingt ans, laquelle a été la gouvernante de sa soeur.
Une jeune femme est engagée à Londres comme gouvernante, préceptrice, par un riche célibataire, qu'elle ne doit jamais solliciter et qu'elle ne reverra jamais, pour s'occuper de son neveu Miles âgé de dix ans et de sa nièce Flora âgée elle de huit ans, tous deux orphelins et vivant dans un riche manoir de l'Essex, appartenant à leur oncle.
Miles est interne dans un collège... elle ne le verra que lors de ses congés scolaires.
Arrivée dans la propriété, elle est accueillie par Mrs Grose l'intendante avec laquelle elle va, semble-t-il tisser des liens "d'amitié".
Elle s'acclimate petit à petit à son nouvel environnement, à sa fonction ; sa petite élève Flora est une fillette docile, tendre, affectueuse et d'une grande beauté.
La paix au manoir n'est que de courte durée.
En effet, Miles est renvoyé du collège pour une faute dont on ignore la nature.
Dès lors les dominos vacillent les uns après les autres.
Deux personnages, deux défunts apparaissent régulièrement.
Ce sont deux anciens domestiques.
Peter Quint, ancien valet du domaine mort une nuit d'ivresse après une chute supposée sur un chemin verglacé.
Miss Jessel, l'ancienne gouvernante, morte, elle, de façon inexpliquée... elle fut la maîtresse de Quint.
Ces deux âmes damnées semblent hanter les lieux pour les enfants, qu'ils sont venus chercher, qu'ils avaient de leur vivant débauchés, et sur lesquels, même après leur mort, ils semblent avoir conservé un puissant ascendant.
Face à ces deux entités, ces deux ectoplasmes maléfiques, que va pouvoir faire la jeune gouvernante ?
La trame est tissée (un verbe que j'emploie à dessein )... au lecteur d'essayer d'y voir clair.
Car tout au long de cette lecture, j'ai, comme beaucoup, oscillé entre l'hypothèse hallucinatoire, l'hypothèse du fantastique devenu réalité et l'hypothèse de ce que je me permets de qualifier de "perversion".
Les trois sont plausibles.
On peut donc lire -
le tour d'écrou - sous trois angles différents.
Il n'y a aucune vérité.
Il y a trois conjectures.
Elles se valent.
Ce récit qui est autant une "histoire de fantômes que de fantasmes" est un bijou d'ingéniosité.
Sa conception est d'une méticulosité et d'une précision d'orfèvre.
Je ne vais pas en détailler ici la structure, elle est un des trésors de cette lecture hors norme.
J'ajoute que même traduite l'oeuvre offre une langue d'un niveau d'excellence.
Du James incontournable.