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3,58

sur 1299 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Une histoire écrite, qui est dans un tiroir fermé à clef. »
Ne comptez pas sur Henri James pour nous la donner, cette clef ! Il nous laisse nous démerder tout seul avec ce roman gigogne, ce sombre récit aux multiples facettes…
Dans cette histoire, la narratrice qui oublie de donner son nom, a pourtant tout pour être heureuse quand elle arrive au vieux manoir de Bly pour veiller sur Flora et son grand frère Miles, deux adorables enfants, si agréables, si bien élevés, si croquignolets qu'elle leur aurait donné le bon Dieu sans confession.
Mais très vite, des évènements étranges et troublants viennent brouillés la vie champêtre de notre gouvernante. Dans le manoir gothique, s'animant crescendo, ils s'enchainent les uns après les autres… Des souffles rauques, des frôlements inquiétants perturbent les nuits calmes de Bly. le coeur battant la chamade, la gouvernante entrevoit les apparitions furtives de deux parfaits inconnus ; des apparitions qui deviennent de plus en plus fréquentes, réelles… et maléfiques. Les sosies parfaits de Peter Quint, ancien valet attaché au domaine, et de Miss Jessel, prédécesseur de la narratrice, tous deux décédés juste avant son arrivée… Quand la gouvernante horrifiée comprend que les deux fantômes sont attirés (attirance franchement morbide et tordue) par la présence des deux enfants et cherchent à pervertir leur innocence, un combat s'engage entre elle et les deux apparitions.
Alors !!!! S'agit-il d'un conte fantastique et pervers ou je dois croire à nos deux fantômes ? S'agit-il au contraire de la description du délire hallucinatoire de notre narratrice qui, parfois, m'a fait l'effet d'une vraie frapadingue ? Henri James m'a laissé dans le doute en brouillant les pistes, m'a abandonné dans le marigot… Miss Grose, l'intendante de la maison, seule personne à peu près sensée de ce bouquin, n'aide pas à résoudre l'énigme. Elle voudrait tant croire la narratrice, l'aider de toutes ses forces à sauver la pureté des deux enfants, mais son solide bon sens l'empêche de se livrer totalement. Elle reste toujours sur son quant-à-soi… Miss Grose s'est bien gardée de me donner les clefs du tiroir…
J'ai dévoré ce livre dans des frissons de malaise ; j'ai été dérangé, troublé, englué dans des miasmes fétides, dans la noirceur des sentiments humains…
Un livre absolument magistral.

Challenge XIXème siècle




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Diable ! " le Tour d'écrou"...Moi qui m'attendais à lire paisiblement un traité de bricolage écrit par un dénommé Henry James, j'ai dû me rendre à l'évidence au bout de quelques pages, les travaux allaient être difficiles pour la jeune fille envoyée au château.
Le propriétaire a été très clair : il ne veut rien savoir de l'avancée du chantier. La jeune fille doit se débrouiller seule. En plus, à l'arrivée, on lui colle dans les pattes deux orphelins à problèmes, ce qui n'est pas idéal quand on a un manoir entier à restaurer avec un seul écrou ! Et ce n'est pas tout, je n'avais toujours rien appris au bout de vingt pages sur l'art du bricolage, je commençais à m'impatienter, quand la jeune fille, faisant visiblement le tour des tours pour installer -de nuit ! -des échafaudages, se met à avoir des apparitions !!!!! Un homme roux, très beau, mais "ignoble" ! Qui lui apparaît ensuite derrière une vitre -même pas brisée- et qui, d'après l'intendante du château, d'après la description, est mort l'année dernière ! Oh le chantier !! Quelle galère les travaux ! La précédente jeune fille préposée aux écrous est morte elle aussi l'an dernier ! Et elle réapparaît à son tour !!! Elle veut finir le travail ? Notre jeune fille vivante est dubitative : elle pense plutôt que les deux fantômes veulent enlever les orphelins à problèmes. Il faut clarifier la situation avant de rafistoler les tours.
Question : les orphelins voient-ils les spectres ? Sont-ils stressés par ces apparitions ? C'est difficile à savoir, surtout quand on ne pose aucune question...La jeune fille n'est pas très psychologue. Son truc à elle, c'est le bricolage.
Question : La jeune fille voit-elle vraiment des spectres, ou est -elle stressée par l'ampleur du chantier ? Difficile à savoir, puisqu'il n'y a qu'elle qui parle, et qu'elle est persuadée de voir des spectres.
Question : si quelqu'un s'en prend aux orphelins, sont-ce les spectres ou la jeune fille ?
Le champ des possibles est vaste, et toutes les fenêtres sont ouvertes...Le fantastique peut être pris au premier degré, mais c'est un peu frustrant, d'autant plus que de nombreuses ellipses titillent épouvantablement l'imagination débordante du lecteur...
-Pourquoi le jeune homme (Quint) et la jeune spectre (miss Jessel) sont-ils "ignobles"...Cela ne peut se résumer à une simple aventure...
-De quoi miss Jessel est-elle morte ?
-Pourquoi Miles, le bel ange frappadingue, a-t-il été renvoyé du collège ?
-De qui la jeune fille vivante était-elle amoureuse ?
-Pourquoi le tuteur ne veut-il rien savoir des travaux ? Absolument rien !!!
etc etc...Tout cela grouille de secrets innommables.
En peu de pages, Henry James nous retourne le cerveau. Encore un roman obsédant ! J'ai hâte de lire la suite : "Le coup de marteau". C'est pas tout ça, mais j'espère qu' Henry James traitera enfin son sujet, le bricolage ...
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C'est en lisant un livre comme "le tour d'écrou" que je me dis que je ne lis pas assez de classiques. Il est en effet bien agréable, entre deux romans plus modernes, de se plonger dans une oeuvre plus ancienne. Et d'autant plus lorsque le récit en question relève de la littérature de genre. Et dans ce registre, force est de constater que les auteurs du 19ème siècle ne manquaient pas de savoir-faire.

Si les effets utilisés pour susciter l'angoisse sont moins évidents que dans la littérature d'épouvante contemporaine, on n'est pas ici dans le démonstratif, ils n'en demeurent pas moins efficaces. L'auteur parvient à créer le trouble et à installer une atmosphère oppressante nimbée d'une angoisse sourde., distillée subtilement par petites touches. Cela, grâce à un récit très bien mené qui prend la forme d'un drôle de jeu.

Car c'est à une expérience étrange que nous convie Henry James avec "le tour d'écrou", celle de la lecture créative. Plutôt que de prendre le lecteur par la main, plutôt que de tout lui montrer, plutôt que de démêler explicitement le vrai du faux, l'auteur choisit de laisser l'imagination du lecteur remplir les trous de son récit. James manie l'art des non-dits avec brio et avec un goût de la manipulation certain. Cet art de la suggestion n'a pas pour seule intention de créer de l'angoisse. C'est à dessein que Henry James ne livre pas toutes les clés de son roman. En remplissant lui-même les zones d'ombre du récit, en imaginant ce qui n'est pas révélé, en explicitant ce qui est tu, le lecteur se retrouve confronté à sa propre perversité. Tout au long de ma lecture, je me suis demandée si l'auteur avait "explicitement sous-entendu" ce que j'avais imaginé ou si c'était mon esprit tordu qui en avait fait cette interprétation.
Et ce questionnement du lecteur est à l'image du personnage de la narratrice. Les fantômes qui veulent posséder les enfants sont-ils réels ou ne sont-ils que le reflet de sa propre psyché ? N'est-ce pas elle qui désire prendre possession du jeune Miles (une possession qui n'aurait alors rien de spirituelle) ?

C'est ce double-jeu qui rend la lecture du "tour d'écrou" si particulière, qui lui confère un caractère troublant à l'extrême, un trouble qui va jusqu'à une doucereuse sensation de malaise.
Comme quoi, il n'est pas besoin d'user de grands effets chocs pour remuer un lecteur.

A noter que l'édition proposée par le livre de poche inclut une préface et des notes de la traductrice qui éclairent la lecture de façon très intéressante.

Je profite également de cette modeste critique (un peu embrouillée) pour vivement conseiller la vision de l'adaptation cinéma signée par Jack Clayton en 1961 (avec Deborah Kerr, remarquable) intitulée "les innocents" qui est un véritable petit bijou et qui, à mon avis, est à classer aux côtés de "la maison du diable" de Robert Wise dans le panthéon des meilleurs films d'épouvante gothique.

Challenge Variété 9 (catégorie "un livre qui a plus de 100 ans")
Challenge Petits plaisirs 15
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Un livre d'horreur, une histoire de fantômes écrite par un écrivain devenu classique. Voilà déjà deux éléments essentiels qui alimentent notre envie de lire cette longue nouvelle.

En présentant ce livre, on se heurte à une contrainte. Celle de livrer l'histoire aux lecteurs et par conséquent, atténuer le mystère et le suspense. Aussi essayerai-je de conserver ces deux derniers.

Henry James utilise un début digne du XIXème siècle pour introduire son histoire. Un groupe qui se raconte des histoires. Comme dans cet autre court roman de Tourgueniev où il faut raconter son premier amour, ici, il faut des histoires plus lugubres, effroyables. L'un d'eux promet d'apporter une histoire singulière et il tient sa promesse tout en jetant un grand mystère autour d'elle pour attiser la curiosité de son auditoire et du lecteur. Mais aussi pour confirmer la crédibilité de ce récit, puisqu'il s'agit d'un manuscrit qu'il veut leur lire. Et ainsi une narratrice commence la relation des événements étranges qu'elle a vécus.

Ce qui tient le lecteur aux aguets ce n'est pas seulement les apparitions de fantômes. Mais c'est surtout la narration, la façon avec laquelle la narratrice rapporte ces faits. Sa narration sème le doute, n'éclaircit rien et nous tient haletants, hébétés, attentifs, lisant et relisant pour ne rien perdre. Cette jeune femme est tourmentée par ce qu'elle vit, ce qu'elle voit (ou croit voir) et cela apparaît dans sa narration, beaucoup de phrases incises, de développements sans issue, de choses tues et d'hésitations. Elle doit s'occuper avec dévouement de ce petit garçon et de cette petite fille. Ces deux tendres, doux, intelligents enfants. Elle a promis à leur oncle de les protéger sans le déranger dans tous les cas. Elle se trouve dans une confrontation avec des fantômes malsains qui veulent corrompre (qui ont déjà réussi à le faire) ces enfants innocents (où le mal s'acharne contre le bien).

Cette narration implique le lecteur. Il ne doit pas seulement chercher la vérité avec la narratrice, il doit écouter (lire) son récit avec beaucoup de méfiance. On voit tout, à travers elle. On n'a pas d'autres points de vue. Elle nous livre ses interprétations des faits. Or, rien ne nous assure qu'elle dit la vérité, ni qu'elle mente ou hallucine, qu'elle soit saine d'esprit ou folle. Et le lecteur doit avancer dans cette ambiguïté, dans l'obscurité totale, à chaque fois que la narratrice souffle la bougie. Cette narration elliptique, inachevée déconcerte le lecteur qui veut résoudre les énigmes, mais qui n'a pas assez de moyens, la narratrice ne l'aide que peu. C'est là même l'essence de cette oeuvre et le plaisir de cette lecture. L'art de James réside dans le choix de cette narratrice. Car, on le sait bien l'histoire lui vient d'une anecdote qu'il a entendu d'un archevêque (les grandes histoires de ce siècle ont cela de merveilleux qu'elles ont pour source des faits divers ou des anecdotes comme pour "Madame Bovary" ou "Le Rouge et le Noir"). Cette transformation que subit cette anecdote est "Le Tour d'écrou".
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Qu'il est difficile de rédiger une critique sur un livre aussi fascinant mais à ce point complexe! L'intégralité de ce texte constitue un tour de force absolument admirable. le style, ainsi que tous les effets de style, sont saisissants.
Je ne vais pas vous mentir, en termes d'actions il ne se passe pas grand chose, et pourtant, chaque scène, chaque séquence, chaque dialogue font place à tellement d'ambiguité, à tellement d'interprétations différentes. Certaines suggestions et certains sous-entendus sont mélancoliques, poétiques, puis deviennent soudainement atroces lorsqu'une nouvelle révélation surgit, ou lorsque l'on réalise qu'il faut repenser ce que l'on vient de lire sous un autre angle.
Personnellement, sans vouloir me lancer dans l'interprétation et la traduction des messages que l'auteur a voulu transmettre à travers cette oeuvre (je n'ai pas l'intelligence requise, ni la prétention, ni même l'envie de vous ôter le plaisir de votre propre découverte), je dirai que la lecture de ce livre m'a fait l'effet d'un caléidoscope braqué sur les principales études et théories de la psychologie... un caléidoscope que l'auteur tournerait d'un cran dans un sens, puis dans l'autre, parfois à chaque page, parfois à chaque dialogue... un caléidoscope que le lecteur tournerait, également à son tour, à chaque relecture d'un passage suite à la révélation d'un nouvel élément...

Je doute être parvenu à retranscrire pleinement le fond de ma pensée. J'avoue que j'ai encore plusieurs interprétations différentes qui se téléscopent dans mon esprit, mais qu'il est bon d'avoir découvert justement une oeuvre aussi intelligente par son propos et par tout ce qu'elle implique comme pistes de réflexion.
Je donnerai un conseil à tout futur lecteur : c'est que même le passage qui parait le plus anodin du monde recèle d'éléments révélateurs non négligeables, de messages, de métaphores, de symbolique.... Ne négligez donc absolument aucune phrase, rien n'a été laissé au hasard !

Et bonne lecture...
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Phénoménale surprise de découvrir en Henry James le précurseur d'un genre inattendu par ce thriller oppressant et cauchemardesque ! Dès les premières pages, on découvre où Amenabar a puisé l'inspiration pour son film « les Autres », de même que Daphné du Maurier pour l'atmosphère du château de Manderley dans « Rebecca » : nulle part ailleurs que dans ce Tour d'écrou, celui qui, quand on vient le donner en excès, peut tordre le réel en d'inquiétants univers.

Engagée comme gouvernante de deux jeunes orphelins hébergés par leur oncle à la campagne, à la condition expresse de ne jamais déranger son employeur, une jeune femme rejoint la propriété de Bly où elle découvre les deux chérubins les plus adorables qui soient, amoureusement couvés par Mrs Grove, l'intendante de la maison. Volontaire et fière, la jeune femme se met vaillamment à l'ouvrage de l'éducation des enfants, passant sur son isolement.
Mais la vision d'un inconnu à la fenêtre de l'une des tours de la maison, les révélations sur d'anciens occupants l'amènent à peu à peu percevoir différemment ces enfants si parfaits…

Profondément anxiogène, fouillant des thèmes aussi glauques que le retour des morts, aussi perturbants que la folie, aussi inadmissibles que le mal chez l'enfant, « le tour d'écrou » est un huis-clos haletant qui saisit d'horreur, dans un style ourlé et trépidant comme un cerveau malade. Ames sensibles s'abstenir, les regards angéliques de Miles et Flora les poursuivront sans fin !
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Roman ou nouvelle fantastique, cette oeuvre saluée par un Oscar Wilde, a fait scandale à sa sortie.
Cette tapisserie mentale, comme l'appelle l'auteur, tisse page après page les fils d'une stratégie diabolique qui nous entraîne dans ce que James qualifie "d'excursion dans le chaos ".
L'histoire nous est contée, nous est lue par un certain Douglas qui détient le manuscrit d'une femme morte depuis vingt ans, laquelle a été la gouvernante de sa soeur.
Une jeune femme est engagée à Londres comme gouvernante, préceptrice, par un riche célibataire, qu'elle ne doit jamais solliciter et qu'elle ne reverra jamais, pour s'occuper de son neveu Miles âgé de dix ans et de sa nièce Flora âgée elle de huit ans, tous deux orphelins et vivant dans un riche manoir de l'Essex, appartenant à leur oncle.
Miles est interne dans un collège... elle ne le verra que lors de ses congés scolaires.
Arrivée dans la propriété, elle est accueillie par Mrs Grose l'intendante avec laquelle elle va, semble-t-il tisser des liens "d'amitié".
Elle s'acclimate petit à petit à son nouvel environnement, à sa fonction ; sa petite élève Flora est une fillette docile, tendre, affectueuse et d'une grande beauté.
La paix au manoir n'est que de courte durée.
En effet, Miles est renvoyé du collège pour une faute dont on ignore la nature.
Dès lors les dominos vacillent les uns après les autres.
Deux personnages, deux défunts apparaissent régulièrement.
Ce sont deux anciens domestiques.
Peter Quint, ancien valet du domaine mort une nuit d'ivresse après une chute supposée sur un chemin verglacé.
Miss Jessel, l'ancienne gouvernante, morte, elle, de façon inexpliquée... elle fut la maîtresse de Quint.
Ces deux âmes damnées semblent hanter les lieux pour les enfants, qu'ils sont venus chercher, qu'ils avaient de leur vivant débauchés, et sur lesquels, même après leur mort, ils semblent avoir conservé un puissant ascendant.
Face à ces deux entités, ces deux ectoplasmes maléfiques, que va pouvoir faire la jeune gouvernante ?
La trame est tissée (un verbe que j'emploie à dessein )... au lecteur d'essayer d'y voir clair.
Car tout au long de cette lecture, j'ai, comme beaucoup, oscillé entre l'hypothèse hallucinatoire, l'hypothèse du fantastique devenu réalité et l'hypothèse de ce que je me permets de qualifier de "perversion".
Les trois sont plausibles.
On peut donc lire - le tour d'écrou - sous trois angles différents.
Il n'y a aucune vérité.
Il y a trois conjectures.
Elles se valent.
Ce récit qui est autant une "histoire de fantômes que de fantasmes" est un bijou d'ingéniosité.
Sa conception est d'une méticulosité et d'une précision d'orfèvre.
Je ne vais pas en détailler ici la structure, elle est un des trésors de cette lecture hors norme.
J'ajoute que même traduite l'oeuvre offre une langue d'un niveau d'excellence.
Du James incontournable.
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"Aucune époque ne possède des romans de sujet aussi admirables que le Tour d'écrou", disait Jorge Luis Borges.
En le lisant, on comprend parfaitement les raisons de l'admiration que portait Borges au "Tour d'écrou" ; car "Le tour d'écrou" est tortueux comme ses "fictions" et a probablement inspiré l'auteur de "L'Aleph" lorsque celui-ci a écrit les "Fictions".
Et il s'agit effectivement d'un texte admirable, qui est, c'est au choix, soit génial, soit frôlant le génie, ce qui dans tous les cas est un grand éloge !
Les aventures complexes, la plume raffinée et évocatrice d'Henry James, les intrigues parfois labyrinthiques font de ce texte une grande oeuvre.
J'ai adoré suivre les aventures des différents personnages ; et ce fut un plaisir de découvrir une telle plume, une telle maîtrise de la littérature et une telle originalité. Ce style, cette histoire, cette plume, ces formules, tout fut un plaisir.
Une lecture délectable !
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Une jeune fille de 20 ans accepte un poste de gouvernante pour s'occuper de deux jeunes orphelins, Miles et Flora, que lui confie leur oncle avec cette mention expresse et plutôt étrange de ne pas venir le solliciter quoi qu'il arrive.
A Bly, dans cette grande maison de campagne flanquée de deux vieilles tours carrées à mâchicoulis, la jeune fille va immédiatement tomber sous le charme séraphique de Miles et Flora dont la grande beauté et le caractère pur font de sa fonction de gouvernante, plus qu'une sinécure, un vrai plaisir. De surcroît, elle s'entend à merveille avec Mrs Grose, l'intendante de la maison.
Mais très vite, une ombre vient assombrir ce tableau idyllique. Miles a été renvoyé de l'école, sans aucune explication du directeur de l'école. Qu'a donc bien pu faire cet ange de douceur pour mériter une telle sanction ? Puis une autre question taraude la jeune gouvernante : comment est morte Miss Jessel, la jeune gouvernante qui avait en charge les deux enfants avant elle ?
La jeune fille s'accommode de ces questions sans réponse et les semaines passent, jusqu'au soir fatal où elle aperçoit un homme sur une des tours qui flanque la maison. Il s'agit de Peter Quint, l'ancien valet de Bly, un homme dépravé qui menait une liaison indécente avec Miss Jessel. Mais Quint est mort d'un accident. C'est le point de bascule du roman vers le genre fantastique. Cette première apparition sera suivie d'autres dont celle de l'ancienne gouvernante morte, épouvantant de plus en plus la jeune fille dont l'idée fixe sera de protéger les enfants de ces présences maléfiques. Mais sont-ils aussi innocents qu'ils le laissent paraître ? N'ont-ils pas déjà été corrompus par Peter Quint et Miss Jessel ?

Dès les premières pages, je me suis sentie envahie par une sensation d'étrangeté qui ne m'a pas quitté jusque la dernière page. Henry James excelle à tirailler le lecteur entre diverses interprétations : apparitions fantastiques ou hallucinations issues des sens exacerbés et morbides de la jeune fille ? A t'-elle vraiment vu les fantômes de Quint et Miss Jessel ? Les enfants les voient-ils aussi ? Sont-ils complices de cette horreur comme la jeune gouvernante se plaît à dénommer le phénomène de ces apparitions ? Ou bien s'agit-il d'une folie insidieuse qui s'empare de la gouvernante lui faisant voir ce qui n'existe pas et contaminant Mrs Grose qui se laisse volontiers emmener dans les sables mouvants de l'irrationalité ?
Le lecteur n'est soumis qu'au seul point de vue de la gouvernante et ne peut s'y dérober, ce qui le rend totalement captif de ses interprétations : il lui est donc très difficile de savoir si elle dit vrai, si l'intendante croit réellement aux apparitions et si les enfants sont victimes ou complices, anges ou démons. De plus, on reste dans l'ignorance de ce qu'ont pu voir ou subir les enfants du vivant du couple maléfique. Les sous-entendus sont toujours présents, lourds et menaçants mais jamais explicites, créant un profond malaise. Mais dans les tous derniers chapitres, certaines phrases orientent doucement le lecteur vers la seule interprétation possible, qui se voit dramatiquement vérifiée par la fin brutale du roman.

J'ai finalement trouvé ce roman gothique et psychologique étonnamment moderne, même si, à l'aune de nos valeurs du XXIème siècle, les réactions excessives des personnages peuvent surprendre. Une belle et intéressante lecture !

Challenge Multi-défis 2020
Challenge XIXème siècle 2020
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À l'occasion d'une soirée d'hiver, une société d'hommes entend le récit d'une étrange histoire vécue par une gouvernante dans un château isolé d'Angleterre. Chargée de l'éducation des jeunes Miles et Flora, neveu et nièce du maître de maison, la jeune femme est rapidement témoin d'apparitions inquiétantes. Les enfants ont un comportement exemplaire et adorable, mais quelque chose ne va pas. À cela s'ajoute le décès étrange de la précédente institutrice en place. « Y avait-il un secret à Bly ? Un mystère d'Udolphe, ou quelque parent aliéné, ou scandaleux séquestré dans une cachette insoupçonnée ? » (p. 33) Il y a des fantômes à Bly et ils en ont après les enfants. Ces derniers, cependant, ne semblent nullement troublés par cette proximité macabre. « Il y a des abîmes, des abîmes ! Plus j'y réfléchis, plus je vois des choses, et plus j'y vois des choses, plus elles me font frémir. » (p. 54) La traditionnelle innocence des enfants est remise en question et le dénouement ne pourra être que convulsif.

Henry James utilise les codes du roman noir, du roman gothique et des récits de fantôme pour proposer un texte qui a fortement marqué à l'époque de sa parution. le sujet de la sexualité infantile fait scandale et choque bien plus que la brusque apparition d'un spectre au détour d'une allée dans un parc au crépuscule. Car s'agit-il vraiment d'une histoire de fantômes ? Ne serait-ce pas plutôt une histoire de fantasmes ? Voilà bien de quoi choquer la très puritaine Angleterre !
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