Death in Holy Orders
Traduction :
Eric Diacon
Avant-Propos :
P. D. James
ISBN : 9782253182382
St Anselm est un manoir que sa propriétaire des temps victoriens, Miss Arburthnot, avait fait transformer en espèce de séminaire pour aspirants au titre de prêtres dans la Haute-Eglise anglicane, courant qui se rapproche en fait beaucoup des rites purement catholiques. Jusqu'à ce que débute le roman, tout s'est relativement bien passé dans cet établissement où tout le monde porte la soutane, étudie et prie beaucoup. Et puis, un matin, alors qu'elle se promène sur la plage, l'un des membres du personnel, Margaret Munroe, l'intendante des lieux en quelque sorte, aperçoit une pèlerine et une soutane noires abandonnées, mais soigneusement pliées, sur le sable. Un peu plus loin, un éboulement semble s'être produit et la malheureuse tombe sur le corps, enfoui visage contre terre, de Ronald Treeves, fils adoptif d'une huile du Parlement, Sir Alred Treeves. Portée devant le coroner local, l'affaire se conclut par un verdict de mort accidentelle bien que l'on comprenne mal comment le défunt, qui connaissait les lieux depuis longtemps, ne s'est pas méfié un peu plus d'un effondrement probable du sable, chose assez fréquente sur cette plage.
Le problème, c'est que Sir Alred n'est pas satisfait de ce verdict. Pour lui, quelque chose ne va pas sans qu'il puisse préciser exactement ce à quoi il pense. Peut-être, tout simplement, veut-il écarter toute idée d'assassinat car son fils, il faut bien l'admettre, n'était guère apprécié à St Anselm, en tous cas par ses condisciples. En dépit (ou à cause de) sa fortune et du nom de son père adoptif, il avait beaucoup de mal à se faire des camarades qui le trouvaient en général prétentieux et, selon l'expression consacrée, trop "fils à papa." Mais est-ce suffisant pour assassiner quelqu'un ?
D'un doigt voué depuis l'enfance à l'autorité, Sir Alred décide de remuer toute cette affaire somme toute bien vaseuse et s'en va ni plus ni moins à New Scotland Yard. Comme Sa Seigneurie exige "le meilleur enquêteur", notre ami et héros récurrent, le commandant Adam Dalgliesh, poète à ses heures, est immédiatement détaché pour faire toute la lumière sur cette mort pour le moins bizarre. D'autant que, fils de clergyman lui-même, il avait l'habitude, enfant et adolescent, de passer ses vacances à Saint-Anselm, dont il connaît bien l'ancien directeur, au reste toujours présent, le père Martin. Tact et efficacité, toute la mission de Dalgliesh est résumée en ces deux mots. Mais, si désireux qu'il soit d'agir avec discrétion et même s'il espère bien ne pas découvrir d'assassin dans le coin, Dalgliesh va très vite se retrouver confronté à deux meurtres.
Le premier, celui de Mrs Munroe, camouflé habilement en crise cardiaque, vient tout juste de se dérouler et il lui faudra un certain temps avant de réaliser qu'il s'agit d'un assassinat : la pauvre Margaret s'était rappelé un détail et l'avait noté dans le mini-journal que, sur les conseils du père Martin, elle avait entrepris de réaliser sur les circonstances de sa désastreuse découverte sur la plage. le second, qui se produit à peu près au milieu du roman, est celui de l'archidiacre Crampton, visiteur régulier - et cordialement détesté - du séminaire. le seul rêve de cet administrateur froid et pragmatique était de faire fermer St-Anselm pour des raisons d'économie et de centralisation. Particulièrement spectaculaire, sa mort le révèle égorgé dans l'église, devant un magnifique tableau, "Le Jugement Dernier", don de Miss Arbuthnot à St-Anselm, peint par le célèbre Burne-Jones et qui, au cours de la livre actuelle, vaut une vraie fortune.
Depuis le nouveau directeur de l'établissement, le père Sebastian Morell, jusqu'au père Martin lui-même, tout le monde est suspect. Viennent en tête, bien évidemment, ceux qui s'opposaient à la fermeture du séminaire. Cela dit, quel rapport - s'il en existe un - entre la mort de Ronald Treeves, qui ressemble beaucoup à un suicide, et celle, tout ensanglantée et indéniablement provoquée par un tiers, de l'archidiacre Compton ?
Il faut aussi compter avec les professeurs qui enseignent au séminaire, dont Mr Gregory, spécialiste du grec. Et aussi avec une jeune femme qui, régulièrement, vient y donner des conférences, Emma Lavenham, personnage que nous retrouverons dans d'autres romans de la série. Il ne faudrait pas oublier Eric Surtees, sorte d'homme à tout faire du séminaire, qui est logé dans un cottage particulier et y reçoit régulièrement sa demi-soeur, Karen. C'est d'ailleurs celle-ci qui lui a déniché son emploi et le lecteur ne tardera pas à se rendre compte qu'ils forment un couple bien étrange ...
Ce n'est pas sans difficulté que Dalgliesh finira par donner un visage au tueur - un visage qui surprend le lecteur parce que, jusqu'au bout, l'auteur a su maintenir le suspens.
P. D. James signe ici peut-être pas son meilleur opus mais en tous cas l'un des plus réussi tant sur le plan ambiance que sur celui de l'analyse des personnages - on retiendra par exemple celle de Raphael Arbuthnot, seul descendant de la fondatrice de St-Anselm, à la fois agaçant, énigmatique et sarcastique, et parfois même inquiétant, qui a choisi d'entrer dans les ordres plus par nécessité que par vocation véritable.
A lire donc, en gardant à l'esprit que, avec
P. D. James, les intrigues sont souvent excellentes quoique moins noires et moins vénéneuses (sauf exception) que celles de
Ruth Rendell, championne toutes catégories de la perversion instillée avec génie dans le genre policier classique. Les vacances approchent : même si le soleil n'est pas tout à fait au rendez-vous, profitez-en pour lire (ou relire)
P. D. James. Avec ou sans soleil, vous passerez de bons moments. ;o)