J'ai commencé ce livre juste sur la foi du nom de l'auteur, pour découvrir un nouvel aspect de sa palette. Je savais seulement qu'il s'agissait de nouvelles. le titre et la photo de couverture de mon édition folio étaient assez énigmatiques, on verrait bien… Je n'ai pas tardé à comprendre ce qui se cachait derrière ce titre pudique et ce qui donnait une unité à ces six nouvelles éparses.
Les personnages sont assez divers, mais toujours très discrets, en retrait. Comme s'ils traversaient la vie en tentant de faire le moins de bruit possible. Des vies tristes, des vies pleines, il y a un peu de tout dans ce livre, la diversité telle qu'on la croise dans n'importe quelle ville de province française, qu'elle soit en Bretagne ou ailleurs. Si la plupart des nouvelles m'ont paru sans grand relief et un peu trop prévisibles, j'ai beaucoup aimé la dernière, « La Prairie », qui retrace toute la vie d'une femme, née dans une famille d'ouvriers agricoles sur les terres pauvres des landes et qui toute sa vie a travaillé pour s'en sortir par elle-même, et qui au soir de sa vie voit son mari dur à la tâche finir par baisser les bras et voit le monde évoluer dans un sens qu'elle ne comprend pas. Très belle, sans fioriture, attendrissante. Un recueil de nouvelles intéressant, sans plus, à l'exception de cette dernière nouvelle, qui vaut le détour et dont l'amertume digne m'a noué la gorge.
Commenter  J’apprécie         70
Pas plus que leurs parents [les petits-enfants de Maï-yann] ne savaient distinguer un chêne d’un châtaignier, ou un bouleau d’un frêne. Ils ne possédaient pas de couteau de poche et il ne leur serait pas venu à l’idée de confectionner un arc et des flèches. (…) Maï-yann ne comprenait plus rien à rien à cet univers, mais au contraire de Youenn, qui s’était enfermé dans sa bulle d’indifférence, elle s’accrochait aux charmes des saisons et continuait d’en retirer tous les bienfaits sous forme de conserves – haricots verts, flageolets, betteraves rouges – et de confitures de toutes sortes qu’elle faisait en quantités phénoménales. La gelée de mûre lui procurait le plus de plaisir. En cueillant les baies des ronces, elle avait vraiment l’impression de recevoir un cadeau de la nature. Et puis ramasser les mûres était un excellent exercice, vous en reveniez courbatue et égratignée de partout.
(p. 163, Nouvelle 6, “La prairie”).
Hervé Jaouen lit un extrait de son livre Connemara Queen.