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Benoît Domis (Traducteur)
EAN : 9782290261637
480 pages
J'ai lu (02/06/2021)
3.9/5   106 notes
Résumé :
L'humanité a quitté la Terre, devenue inhabitable, voilà mille ans. Elle vit aujourd'hui dans d'immenses stations spatiales, conçues et gérées par des multinationales, et se déplace entre les étoiles par la Poche, une contraction de l'espace et du temps. Quelques semaines dans la Poche se traduisent par des années, voire des décennies en temps réel, condamnant ceux qui y transitent à une vie de solitude. C'est le cas de Nia Imani, capitaine d'un cargo assurant la li... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
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J'aime de plus en plus voyager dans l'espace. La galaxie est étrange, et ses terreurs variées. Ses paysages aussi. Prenez la planète Umbai-V, son soleil rouge et à sa culture de dheba, sorte de céréale gélatineuse violette. Quels contrastes de couleurs cela offre aux paysages, quelle lumière ainsi diffusée, quelles étranges créatures dignes d'un conte fantastique rencontrées dans ses forêts ! Si le dépaysement d'un pays à l'autre sur Terre ne manque pas de nous émerveiller, imaginez ces dépaysements à l'échelle de la galaxie, d'une planète à une autre. J'ai adoré éprouver cette excitation de la découverte dans cette formidable épopée, excitation qui n'est pas sans me rappeler celle ressentie récemment pour « Apprendre, si par bonheur » de Becky Chambers. Et, j'ai été ravie de découvrir une SF profondément humaine. Un space-opera poétique, original, haletant. Quelle lecture agréable et addictive !

« Un soleil rouge brillait au-dessus de la vallée. Au bas de la colline, les champs de dhuba s'étendaient à perte de vue, aussi violets que dans son souvenir. Dans la lumière de l'aube, les tiges flamboyaient comme de l'or ».

Cela fait mille ans que la Terre, malmenée par sa population, est devenue inhabitable. Grâce notamment au génie de Fumiko Nakajima, scientifique de génie, les humains vivent désormais dans des stations spatiales, conçues et gérées par des multinationales puissantes, sur des exoplanètes, et se ravitaillent auprès de planètes ressources. Les déplacements se font grâce à la Poche, une contraction de l'espace et du temps. Quelques mois passés dans la poche se traduisent en années sur une planète. Nous ne sommes pas dans de la hard SF : la Poche ne sera pas davantage expliquée ce qui pourrait fortement déplaire aux puristes du genre. En revanche, les questions qu'elle pose en termes psychologique et philosophique sont nombreuses et passionnantes. En effet, dans la Poche, avec en plus la pratique de la cryostase, on vieillit peu alors que les gens aimés, restés sur les planètes, vieillissent de plusieurs décennies. le temps n'est pas le même pour tous…Comment peuvent évoluer les liens affectifs dans ces conditions ? Ne touche-t-on pas là au principe d'immortalité ?

Cette épopée cosmique met en valeur l'histoire de plusieurs personnages sur des planètes différentes, personnages que nous allons suivre tout à tour et auxquels nous allons nous attacher tant leurs parcours, leurs histoires, leurs failles, leurs personnalités nous sont expliqués avec un talent narratif remarquable. Nous avons l'impression d'une juxtaposition de petites histoires individuelles, voire de nouvelles, dont certaines sont d'une beauté incroyable. Les liens entre ces personnages s'éclairent peu à peu. Tous sont en effet liés par la présence d'un mystérieux enfant, petit garçon mutique rescapé miraculeusement d'une capsule, pour lequel on pressent un don que je vous invite à découvrir dans le livre. L'ensemble forme un roman très cohérent, touchant et poétique.

Le terme du départ, de la séparation est au coeur de ce récit singulier. Les relations sont souvent rompues brutalement, du fait de cette distorsion de l'espace et du temps, du fait de choix professionnels primordiaux pour la survie de l'espèce, du fait de catastrophes. Tous les personnages sont rongés par ce mal qu'est la solitude. La capitaine Nia va ainsi fortement s'attacher au petit garçon. Cette attachement sera source d'une mission particulière et exigeante : Nia devra protéger ce garçon afin qu'il puisse développer cet hypothétique don. Un contrat qui la lie, elle et son équipage, pendant 15 ans, 15 ans à voyager dans les Confins.

« Nous avons sillonné les Confins, laissant derrière nous des années d'anecdotes. Nous avons voyagé sans relâche. Et pourtant, après tout cela, toute cette agitation et cette attente, le garçon ne manifeste aucun signe de son don. Je n'y crois plus. Aucun de nous n'y croit ».

Tout au long du livre nous nous rendons compte que si la vie a complètement changé au 32è Siècle, ce qui n'a pas changé est l'aptitude de l'humanité à perpétrer violences et cruautés, à éprouver jalousie et mesquinerie. Nous le constatons en découvrant le passé atroce de cet enfant, en étant témoin de l'éducation pour le moins surprenante de la jeune Fumiko Nakajima, et la fin du livre en offre un concentré surprenant.

« Pour chaque faute, une correction. Un coup de bâton télescopique, une côte cassée et ressoudée en quelques instants, ne laissant que le souvenir de la fracture, et une capacité intacte à exécuter les tâches exigées. Dans cet univers qui attachait une telle importance à la maîtrise de soi sous toutes ses formes, même le fait de ne pas respirer convenablement pouvait valoir une punition ».


Certes, l'auteur ne donne pas toutes les clés de son univers et décrit relativement peu certains aspects, il s'affranchit ainsi facilement d'explications scientifiques permettant de rendre crédible son monde, mais étonnement cela ne gêne pas du tout la lecture et la compréhension de l'histoire. Il m'est même d'avis que cette SF peut plaire aux lecteurs peu habitués du genre. Rebondissements, histoires d'amour marquantes, psychologie, de nombreux ingrédients sont convoqués. Simon Jimenez distille même quelques essences de fantastique, voire quelques touches gothiques, venant rafraichir agréablement le récit.

« La fraîcheur de la brume qui nappait le sous-bois, s'enroulait en vrilles grises sur son corps nu et laissait des traînées de rosée sur sa poitrine et ses cuisses. Il prit conscience de sa nudité. Jusque-là parvenues au compte-gouttes, les informations affluèrent. le bruissement d'ongle cassé des feuilles, malmenées par le vent qui s'égosillait entre les branches ; le trottinement écoeurant d'insectes sur ses mains et ses pieds, le frôlement sur sa peau de bestioles aux pattes trop nombreuses, affleurant à la surface du lit végétal, avant de replonger ».

Un immense merci à @Ichirin-No-Hana pour m'avoir offert cette lecture, je ne pensais sincèrement pas prendre autant de plaisir !
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Ouvrage reçu dans le cadre de la dernière opération Masse Critique, je commence tout naturellement par remercier babelio et les éditions J'ai lu "Nouveaux Millénaires" pour l'envoi de cet ouvrage car, et j'annonce la couleur tout de suite, en disant que c'est un GROS COUP DE COeUR.

Tout d'abord un peu déstabilisée dans ma lecture en raison des voyages interstellaires et interplanétaires ou les personnages ne vieillissent pas au même rythme (aussi, je vous recommande de ne pas faire la même erreur que moi, à savoir de ne pas trop vous attacher à ceux que l'on retrouve dans la première partie du livre bien qu'ils vont jouer une importance capitale par la suite) comme Kaeda par exemple. Ce dernier va recueillir sous son toit un jeune garçon trouvé dans un vaisseau spatial dont apparemment il est le seul survivant. Bien que les habitants du village se méfient de lui car il ne parle pas et ne peux donc dans un premier temps, ni leur dire qui il est ni d'où il vient, Kaeda et sa femme vont l'élever comme leur propre fils, sachant qu'il devra être rendu lors du passage de la prochaine navette, qui, si pour elle, est prévue dans quelques mois à peine, se compte en de nombreuses année sur la planète de Kaeda. Rencontrant lors d'un de ses passages une belle jeune femme, Kaeda s'éprendra d'elle et même si lui vieillit en attendant leur prochaine rencontre, ce n'est pas le cas pour elle donc c'est une passion vouée à l'échec d'avance. Elle, c'est Nia, un personnage que nous suivrons par la suite tout au long du récit. C'est elle qui va élever par la suite le jeune garçon, issu du "vaisseau muet" où avait cours à bord uniquement la musique, du moins pour notre jeune garçon. C'est d'ailleurs par elle (la musique) que Ahro (le lecteur découvrira son nom par la suite) s'épanouira et communiquera avant qu'il ne se remette à parler.

D'autre part, sur une autre galaxie, donc dans un autre espace temps, Fumiko, brillante chercheuse mais que sa mère a voulu laide (bien qu'elle aurait pu, comme c'est dorénavant de coutume, choisir une enfant sur commande et en faire d'elle une très belle enfant dès la naissance mais tel ne fut pas le choix de cette dernière) faisait d'énormes investissement en matières de voyages interstellaires et interplanétaires visant à révolutionner le monde de demain (c'est un autre personnage clé de ce roman -bien qu'elle n'ait pas ma préférence). Tout va dorénavant plus vite, trop vite à tel point que Nia et Ahro se retrouveront coincés chacun dans un espace-temps différent, sans aucun moyen de rentrer en contact l'un avec l'autre et c'est une véritable déchirure pour l'ancienne capitaine de vaisseau Nia qui passera sa vie à cherche celui qui est dorénavant devenu un jeune homme et qui, comme le soupçonnaient dès le départ les habitants du village de Kaeda (vous me suivez toujours) est doué d'un don très spécial que des personnes mal intentionnés mais uniquement attirées par l'appât du gain, voudront à tout prix exploiter.

Un roman extrêmement bien écrit avec une histoire, certes complexe pour qui n'est pas habitué à lire ce genre d'ouvrage (moi la première) mais qui vous emportera dans un univers ô combien fabuleux mais ô combien dangereux si l'on n'y prend pas garde ! A toujours vouloir plus, voilà ce que l'on récolte ! Des personnages extrêmement attachants (oui, j'en ai fais les frais, grossière erreur. Aussi, comme je vous le disais, ne vous attachez pas trop rapidement à certains d'entre eux, surtout ceux qui apparaissent dans la première partie du livre) et un suspense qui vous tient au corps jusqu'à la toute dernière page. A découvrir absolument !
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Quand un auteur, Simon Jimenez en l'occurrence, utilise la science-fiction pour dénoncer les dérives de notre société actuelle et donner à réfléchir à ses lecteurs... et bien il écrit CANTIQUE POUR LES ÉTOILES !

Je ne veux pas en dire plus pour laisser le plaisir de la découverte...

... mais il ne faut surtout pas passer à côté de cette lecture sous prétexte que c'est de la SF. Ce livre s'adresse à tout le monde, même à ceux qui ne sont pas fans de ce genre littéraire.

Pour ma part, ce livre est un énorme coup de coeur principalement grâce aux 80 dernières pages qui sont à couper le souffle et m'ont fait oublier quelques petits bémols !

Cantique pour les étoiles de Simon Jimenez
Traduit par Benoît Domis
Éditions J'ai lu, collection Nouveaux Millénaires
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Quelle étrange contradiction pour moi que de me sentir encore imprégnée, voire envoûtée, par un roman appartenant à un genre, la science-fiction, qui n'est habituellement pas ma "tasse de thé", et qui, en plus, a mis ma patience à rude épreuve sur le premier tiers du récit.

Comme j'ai souffert au début de ce roman à devoir m'immerger dans un univers futuriste, ne correspondant donc à aucune image mentale connue, sauf à les emprunter à Star Wars! J'ai trouvé la mise en place de cet univers fort longue, la découverte des protagonistes assez fastidieuse, pour qu'enfin ma délivrance ait lieu et que mon intérêt soit sacrément aiguillonné!

Malgré des longueurs et des omissions de développement quant à cet univers imaginaire (dont j'aurais aimé comprendre un peu mieux l'histoire, le fonctionnement et ne serait-ce que les termes spécifiques utilisés par l'auteur!), le fait est que Simon Jimenez a réussi superbement à tirer de ce cadre lacunaire une histoire puissante, touchant à des sujets majeurs. L'auteur manipule les notions de temps et d'espace, me donnant parfois le vertige ! Mais dans un contexte où l'Homme s'est définitivement avéré destructeur, l'auteur ramène le noeud du récit à l'Humain, j'en ai été intensément touchée.

"Cantique pour les étoiles" repose sur plusieurs personnages centraux, que l'auteur nous fait côtoyer tour à tour, ne lésinant pas sur leurs histoires, leurs cheminements, leurs époques et leurs caractères respectifs. À cette occasion, certains pans du récit traînent en longueur. Mais ils nous rendent les protagonistes proches, voire intimes.

La Terre a été depuis bien longtemps abandonnée par les humains, qui l'ont tant malmenée qu'elle en est devenue inhabitable. Des avancées scientifiques, aussi séduisantes qu'effrayantes, ont permis à l'espèce humaine, de coloniser des exoplanètes, de vivre sur des stations spatiales et de voyager par le biais de la "Poche", une contraction de l'espace - temps (ce concept est peu développé, le côté scientifique est laissé de côté...) qui permet, lorsque vous l'empruntez de n'y passer que quelques semaines alors que, lorsque vous en sortez, plusieurs années se sont écoulées sur les planètes que vous quittez ou rejoignez.

Dans la Poche, on vieillit donc peu, pendant que les proches laissés sur les planètes, accumulent les décennies. Voilà un aspect qui m'a beaucoup troublée, ce rapport au temps, et donc à la vie et à la mort puisque, cumulé à la pratique de la cryostase, l'auteur frôle le concept d'immortalité. Les souvenirs des gens aimés, disparus (puisque coincés dans un temps normal), s'estompent. Alors que reste-t-il d'une personne quand ses liens affectifs se dissolvent ? Reste t-on humain quand on traverse ainsi le temps sur un millénaire. Cet aspect là m'a passionnée et m'a donné le tournis.

Tour à tour, la focale se concentre sur Nia Imani, capitaine de cargo ; sur Kaeda, cueilleur de dhuba sur la planète Umbai -V; sur un mystérieux garçon, échoué sur cette dernière dans une capsule et recueilli par Nia ; sur Fumiko Nakajima dont on fait la connaissance depuis son enfance et jusqu'à un âge avancé, certainement le personnage qui m'a le plus intéressée. Cette dernière est à l'origine du projet des grandes stations spatiales.
Puis, enfin, la mise en abîme finale relie tous ces personnages.

L'auteur met en exergue fatalement le caractère destructeur de l'Homme, soulevant ainsi la problématique écologique. Mais j'ai particulièrement apprécié qu'il fasse entrer en scène les multinationales, avides, toujours à courir après le profit, profitant d'une découverte scientifique pour la détourner de façon inhumaine, et développer un tourisme de masse, gommant ainsi les spécificités de chaque planète, de chaque peuple, uniformisant tout un univers, le soumettant à leurs diktats. Un constat effrayant, me laissant un goût amer, qui ne peut que nous interpeller.

Au final, un roman qui malgré ses défauts et en tant que non-adepte de SF me restera en mémoire.
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Le 32e siècle... un millénaire après avoir quitté la Terre, l'humanité s'est disséminée à travers l'espace. Elle vit dans des stations spatiales et se ravitaille auprès de planètes ressources comme Umbai-V qui produit du dhuba (sorte de farine si j'ai bien compris).

Tout avait bien commencé avec l'histoire de Kaeda sur Umbai-V, les visites de la capitaine du Debby – Nia Imani – qui fait des aller-retour via la Poche pour venir récupérer les récoltes. Alors que chaque voyage lui prend quelques mois, 15 années s'écoulent à chaque fois pour Kaeda.

C'est sur ce monde que va être découvert un garçon littéralement tombé du ciel et que Nia va emmener après sa dernière visite. Un garçon qui va bouleverser sa vie…

L'écriture est fluide, agréable, poétique j'ai envie de dire mais j'ai parfois eu l'impression que l'auteur planait un peu. On suit le quotidien des membres de l'équipage du Debby, un peu comme dans « L'espace d'un an » de Becky Chambers. Une lecture pépère bien que quelque chose ne colle pas.

Je ne m'attendais pas du tout au rebondissement Tout a pris une tournure surréaliste et franchement je n'ai pas trouvé beaucoup de sens à ce que j'ai lu ensuite.

« Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film », disait Hitchcock. Ici j'ai trouvé qu'il manquait de substance et

Lecture au final assez décevante.





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Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
Certains parents pensaient leur progéniture comme une œuvre d’art ; ils réfléchissaient soigneusement aux oreilles, aux yeux, à la bouche, au nez, à la façon dont s’accordaient les différentes parties du visage. Ceux-là créaient de nouvelles variations de la beauté. Dana était l’une d’elles. Ses traits racontaient l’histoire du mythe oublié d’un cerf devenu homme une nuit, pour faire l’amour à une femme au bord d’un ruisseau, dans le cœur obscur de la forêt. Cette curieuse ascendance se révélait dans les contours saisissants de ses pommettes, sa mâchoire ; (...) Elle portait ses cheveux courts, avec une frange blonde régulière qui lui tombait sur le front. Ses oreilles sylvestres pointaient à leurs extrémités. Sur sa joue droite, cinq taches de rousseur formaient les cinq branches d’une étoile invisible, directement sous l’œil grand et lumineux, dont l’iris violet et piqué d’or ne reflétait que les traits post-narcissiques de Fumiko.
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Comme la plupart des bébés de son temps, Fumiko fut extraite de l’utérus de sa mère après sa conception. Contrairement à la plupart d’entre eux, on la créa laide. C’était une idée de sa mère. Figure de proue du mouvement post-narcissique, elle exigea que Fumiko ait le nez tordu, des dents de lapin, des yeux rapprochés et des oreilles en forme d’antenne parabolique beaucoup trop grandes pour sa petite tête en cœur. Plus tard, quand Fumiko eut elle-même accédé à la célébrité et qu’un journaliste lui demandait pourquoi elle n’avait pas eu recours à la chirurgie pour réparer le mal fait par sa mère, elle avait deux réponses. D’abord, elle trouvait la question blessante ; ensuite, ce visage était le sien, elle n’en connaissait et n’en voulait pas un autre.
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Le fils du maire était assez jeune pour, un jour, oublier l'étrangeté de ce moment. Avec le temps il ne se rappellerait plus le malaise suscité par la présence des touristes dans les rues, leurs regards curieux pénétrant partout, semblant s'ériger en juge de son mode de vie. Il ne se souviendrait pas de sa colère, quand l'un d'eux, goûtant à la saveur amère d'un bol de dhuba non raffinée, fit la grimace et recracha par terre, sous les rires de ses amis. il oublierait sa joie et son embarras, quand un autre, s'accroupissant devant lui lui demanda son nom. Un jour, sa mémoire des premiers touristes s'effacerait. Il croirait qu'ils avaient toujours été là; que, bien sûr, ils pouvaient traverser un champ, sans respecter la terre ou les tiges, pour obliger un moissonneur surpris à le laisser manier sa machette. Il trouverait cela normal.

La vie s'adapta à leur présence, de nouveaux bâtiments s'élevèrent pour les accueillir en nombre croissant. Les officiels suggèrerent aux habitants du Cinquième village d'apprendre la langue commune des stations. Certains visiteurs restèrent pour l'enseigner aux enfants. À huit ans, le fils du maire se débrouillait déjà, faisant la fierté de ses parents, du moins le pensa-t-il dans un premier temps. Il ne comprenait pas pourquoi ils lui interdisaient de l'employer à table, sous leur toit. Jamais ils ne lui expliquèrent la raison de cette règle, mais il obtint un début de réponse en surprenant parfois son père qui le regardait comme s'il ne le reconnaissait pas.
Il obéit. Il garda la nouvelle langue pour lui. Et il absorba les enseignements des outresmondains, sans s'apercevoir que, peu à peu, sa vie commençait à se scinder en deux. Mais que faire, à part s'adapter ? Le changement arrivait, de toute façon. (P.455)
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Elle attendit à la table, pendant que sa mère pesait le riz sur la balance à calories, prélevant un grain après l’autre pour parvenir exactement à un total de trois cents ; puis elle répéta l’opération avec les brocolis, les tranches de steak aussi fines que du papier et les quinze fèves d’edamame saupoudrées de sel. Quand elle lui apporta enfin son repas, Fumiko salivait ; tenant son assiette juste hors de portée de sa fille, elle lui demanda, « Quelle est la formule quadratique ? » Le riz fumait. « x égale moins b, plus ou moins racine carrée de b au carré, moins 4ac, divisé par 2a. » Sa mère posa la nourriture sur le set de table. Elles mangèrent.
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Il était né avec un onzième doigt. Une nodosité à côté de son auriculaire droit. Le docteur s’empressa de rassurer les parents inquiets. La petite bosse était bénigne. « Toutefois, ajouta-t-il en délaçant une pochette en tissu, un fermier n’a besoin que de dix doigts pour cultiver la dhuba. » Après avoir fait respirer à l’enfant la fumée d’herbes brûlées pour l’endormir, il trancha le surplus de chair et d’os avec un fer à cautériser.
(incipit)
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