Je l'ai fait dans le désordre mais peu importe, chaque ensemble peut se lire séparément. Après "
La Cocadrille" et "Flamme et Lila", je termine la lecture de la trilogie de
John Berger « Dans leur travail » par le deuxième de la série : "
Joue-moi quelque chose" .
John Berger est un Anglais installé en Haute-Savoie depuis de longues années. Il réussit, à la manière d'un
Raymond Depardon avec une autre trilogie sur le monde paysan, mais cinématographique celle-là, "Profil Paysan" (magnifique !), à transmettre son amour d'un monde en déclin.
Ce roman central est donc celui de la transition, du passage d'une société pastorale et agricole à une ère industrielle. Les paysages se transforment, les pâturages font place aux ateliers et aux fonderies, les travaux des champs sont délaissés pour ceux de l'usine. Pourtant, il y en a encore qui résistent à cet inéluctable mouvement. Des individus attachés à la terre, à une existence austère, besogneuse, solitaire et pauvre, où les limites à la liberté sont imposées par la nature et l'exigence de son rythme plutôt que celles du rendement économique et des règles de la concurrence.
Comme dans les deux autres tomes de la trilogie,
John Berger s'appuie sur le récit des vies de ces personnages irréductibles, profondément marqués par cette transition qui bouleverse leur quotidien, sous la forme de plusieurs nouvelles successives. En ressort une profonde admiration de l'auteur pour ses personnages, une vive sensibilité pour ces montagnes et ces vallées formant le cadre de leurs destinées et une tension permanente portée par la conviction donnée au lecteur qu'un drame peut arriver d'un instant à l'autre grâce aux effets de surprise savamment dosés par
John Berger. Mais le drame primordial de cet ensemble reste la sèche et froide solitude qui finit toujours par engloutir ceux qui ont fait le choix de rester sur leur montagne.