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EAN : 9782207114247
250 pages
Denoël (17/01/2013)
3.24/5   29 notes
Résumé :
Abandonné par sa femme et leur jeune fils, John Moon vit dans une misérable caravane en lisière de la forêt, désabusé et aigri : son père, ruiné, a vendu la ferme, et depuis John survit de petit boulot en petit boulot. Un jour, il part braconner et, croyant tirer sur un daim qui s'enfuit à travers les bois, il abat une jeune fille. C'est sa première faute, les autres suivront... Pourtant, cette fois-ci, John ne se laissera pas faire. Il se lance dans une fuite en av... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Une tragédie noire d'encre, belle à en pleurer.


Il fallait pourtant s'y attendre de la part de Béatrice Duval. Celle par qui décidément le succès et les grands auteurs, français ou étrangers, de demain arrivent. Après, et pour ne citer qu'eux, le suédois Jonas Jonasson et « le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », ou encore l'anglaise Elizabeth Haynes avec « Écumes de sang » et le best-seller « Comme ton ombre », l'une des premières idées qu'elle semble avoir eue, une fois directrice des prestigieuses éditions Denoël, fut immédiatement de relancer sa non moins prestigieuse et "cultissime" collection Sueurs froides. Et d'emblée, elle aura cogné fort, très fort.

Voici ce qu'on appelle un tour de force : avec seulement deux titres parus en janvier dernier, c'est ainsi toute une ligne éditoriale fort prometteuse qu'elle aura réussi à relancer. Tout d'abord, le déjà gros succès du thriller « Des noeuds d'acier », premier roman en forme de huis-clos de Sandrine Collette, toute nouvelle voix là aussi déjà très remarquée du polar français .
Mais également, et de manière subtile, à la fois parallèle et extrêmement discrète, un véritable petit chef d'oeuvre du roman noir américain, exhumé des tiroirs pourtant débordants de nouveautés de l'édition internationale, et qui, on n'y comprend décidément rien, n'avait semble-t-il jusque là jamais trouvé d'acquéreur en France...

Il s'agit bien évidemment de ce formidable premier roman de Matthew F. Jones, « Une semaine en enfer ».

Que ce soit le titre, en VO ( « A single shot » ) ou en français, Jones aura alors, dès 1996, dévoilé toute l'ampleur de son talent. Un peu à la manière aujourd'hui d'un Donald Ray Pollock ( « Knockemstiff » ou « le Diable, tout le temps » ), d'un Frank Bill ( « Chiennes de vies » ) ou d'un Kevin Powers ( «Yellow birds »), et mis à part que les deux premiers auront débuté par un recueil de nouvelles.

Car contrairement à ce que pourrait faire penser la "fameuse" accroche de quatrième de couverture, « Mais depuis quand les losers auraient-ils une seconde chance ? », ce pur diamant noir est, lui aussi, d'une beauté à couper le souffle.

Rien à voir donc ici avec les innombrables autres "losers" qui, depuis, ont peuplé la production de romans en tous genres. Non, John Moon, lui, est tout simplement un type, un pauvre type comme vous et moi.

D'emblée avec ce roman, on ne peut s'empêcher de penser aussi à David Vann par exemple, et notamment avec son déjà culte « Sukkwan Island ». Car John Moon, dont le début de vie en tant qu'adulte avait alors toujours reposé sur son son père, a désormais tout perdu.

Ainsi, il vivote maintenant au jour le jour grâce au braconnage, vit dans une pauvre caravane accrochée au maigre lopin de terre qui lui reste de son paternel; celle-ci ayant été vendue il y a déjà fort longtemps à un banquier du coin, assoiffé, lui, par sa condition de jeune "redneck" américain, qui était alors venu réclamer au père de Moon l'argent que sa banque lui avait prêté. Ruiné, acculé, celui-ci n'avait pu que vendre à regrets cette terre, celle qui les avait toujours nourri, lui et sa famille, lui et son gosse, John.

C'est pourquoi, aujourd'hui, John Moon non seulement vit dans ces conditions misérables au sein d'un paysage pourtant magnifique, et avec un voisin qui lui propose même un job pour au moins tenter de se "fixer" durablement, mais il doit également subir le départ de sa femme. Laquelle est partie se réfugier dans un petit appartement, vivotant grâce à un job de serveuse dans le snack du coin, mais emmenant avec elle la prunelle des yeux de John : son fils.

Malgré cela, John survit. C'est un battant, et s'il parvient à survivre, c'est avant tout parce qu'il vit au jour le jour, certes, mais aussi parce qu'il a des valeurs, des valeurs d'homme.

Il ne baisse jamais les bras, même aux pires moments, même lorsqu'il ne semble y avoir plus aucun espoir. Car si tout le monde voit en John Moon un loser, tous se trompent. Lui a un fils et y tient plus que tout au monde. Il ferait tout, n'importe quoi, pour que celui-ci ne manque jamais de l'appui de son père.
Tout comme John, mis à part que lui, plus jeune, a pu voir le sien mourir à petits feux des suites d'une grave maladie, laquelle aura non seulement emporté son père, mais l'aura aussi privé de tout futur possible, et même, visiblement, de tout bonheur possible.

Alors ce matin-là, lorsque John part braconner un cerf qui le nargue maintenant depuis des jours, représentant la viande, malheureusement chère, dont son fils a besoin pour bien se nourrir et ainsi ne manquer de rien, tout bascule. La pauvre petite vie minable de John trébuche.

Car dès lors qu'il tire par mégarde sur cette fille, croyant enfin abattre ce cerf qu'il pourchasse depuis des heures, il se rend compte, petit à petit, que c'est bel et bien une vie qu'il vient d'ôter. La vie d'une toute jeune ado qui, malgré peut-être ses difficultés à elle aussi, aurait pu grandir, mûrir, devenir une jeune femme séduisante, une mère. Et une femme aussi. Peut-être pas celle de son fils, ni même la sienne, puisqu'il compte bien tout faire pour tenter d'annuler son propre divorce, mais John comprend très vite qu'il vient de commettre l'irréparable. Par erreur. Une simple, une seule erreur.
Mais qui risque bien de l'entraîner, en à peine quelques jours, et s'il ne se bat pas de toutes ses forces, en prison.
Là où plus jamais il ne pourra voir son fils. Là où plus jamais son ex-femme ne voudra ne serait-ce que lui rendre visite.
La prison, l'enfer.

Je ne suis certainement pas prêt d'oublier John Moon, ni d'ailleurs ce magnifique mais terriblement sombre roman. D'une beauté fraîche et éclatante, tout comme la nature environnante, personnage à part entière de ce roman noir typiquement américain, dans la pure veine de ce qu'on appelle aujourd'hui le « nature writing », ce premier coup d'éclat de Matthew F. Jones donne terriblement envie de pouvoir lire un jour ce qu'il a écrit par la suite - c'est-à-dire depuis maintenant près de dix-sept ans...

Mais dans tous les cas, on ne peut être surpris d'apprendre qu'il est déjà en cours d'adaptation pour le cinéma.
Espérons seulement que le metteur en scène et que la production suivent. Non pas forcément pour en faire un « blockbuster », mais au moins pour que toute la beauté et le lyrisme de l'écriture impressionniste de Jones puisse être retranscrite, ainsi que la simplicité, le courage et la force mêlés de ses personnages.
Et pour leur destin ô combien tragique, aussi, pour la plupart.

Sans même compter cette macabre atmosphère de putréfaction qui se développe au fur et à mesure que ce noir récit se déroule, implacablement.

Un mélange à la fois fort, puissant, entêtant, dérangeant même, et si parfaitement rendu par l'extraordinaire vivacité de la nature, remarquable décor qu'arrive étonnamment bien à dépeindre Matthew F. Jones, et où chaque fleur, chaque plante, chaque arbre, chaque animal ou insecte est nommé très précisément par l'auteur.

Si « Une semaine en enfer » n'est peut-être pas le roman noir le plus abordable - en tout cas au premier abord - pour certains lecteurs, qui risqueraient alors de passer notamment à côté de son caractère à la fois venimeux et pourtant terriblement moral, on ne peut tout de même que se féliciter que ce petit chef d'oeuvre du Noir américain - pourtant pas si vieux ! - ait pu enfin trouver un éditeur courageux en France pour le publier dix-sept ans après sa sortie outre-Atlantique... Mais, mieux tard que jamais !

Car non seulement cet éditeur, qui est une éditrice, l'aura extirpé d'on ne sait où il était resté enfoui jusque là, mais aussi, parce qu'elle lui aura trouvé quand même, et malgré l'avalanche incessante de nouveautés qui inondent chaque semaine les rayons des libraires, une petite place dans une décidément grande collection, elle aussi ressuscitée, et dont tout amateur de littérature policière, quelque soient ses fascinantes variantes, devra désormais surveiller de près chaque nouvelle publication...

C'est pourquoi je tiens tout particulièrement à remercier chaleureusement à la fois Babelio et Denoël pour m'avoir permis de découvrir ce petit bijou de littérature noire. Mais aussi, avec évidemment une pensée tout particulière pour Béatrice Duval, qui décidément, une nouvelle fois, aura fait preuve de talent, de courage éditorial et bien sûr de goûts littéraires certains !

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Les romans qui se déroulent dans le Vieux Sud ou dans les États limitrophes, avec ce qu'il faut de tueurs dégénérés, de paysans crevant de faim et vivant d'expédients et de Marie-couche-toi-là ont le vent en poupe depuis quelques années. Il y a bien entendu eu les précurseurs, à commencer par Harry Crews ou Larry Brown, puis sont arrivés Chris Offut ou Daniel Woodrell et enfin une génération plus récente à laquelle on a parfois accolé les termes génériques de « littérature white trash » ou, pire, de « gothique sudiste » dans laquelle le meilleur (William Gay, Frank Bill…) côtoie le… hum… beaucoup moins bon (Kirby Gann, par exemple). Sans sombrer complètement, c'est toutefois vers cette deuxième catégorie que tend à pencher Une semaine en enfer, de Matthew F. Jones.

C'est que cette histoire de paysan déclassé, dont la femme est partie avec l'enfant, et qui tue accidentellement, alors qu'il braconne le cerf, une jeune fille avant de trouver un magot en tentant de dissimuler le corps, commence par une lacune scénaristique de poids. En effet, John Moon, le braconnier tueur malgré, lui se trouve rapidement pourchassé par les propriétaires tout à fait illégitimes du magot sur lequel il a mis la main ; d'où cette semaine infernale du titre qu'il va passer. le problème, c'est que le roman s'ouvre sur cet accident de chasse, la dissimulation du cadavre, puis la découverte de l'argent en insistant sur l'absence de témoins et le soin avec lequel John Moon efface toutes ses traces. Dès lors, la manière dont Moon se retrouve traqué pose un évident problème de cohérence. On apprendra juste que l'un des malfrats a croisé Moon dans son enfance et se souvient qu'il chassait. C'est tout de même bien mince. Et l'intrigue étant fondée sur cette traque, le lecteur ne peut que se trouver mal à l'aise face à l'incapacité de l'auteur de proposer une raison sinon logique à tout le moins un petit peu crédible.

Abstraction faite (difficilement) de ce mauvais départ qui se répercute pour le lecteur pointilleux (ou trop bête pour avoir tout compris, on ne peut pas non plus exclure cette possibilité) sur l'ensemble du roman, on conviendra du fait que Matthew Jones réussit à instaurer une ambiance propice au suspense grâce notamment à une bonne exploitation des descriptions de la nature sauvage – et dangereuse – et des relations sociales de cette petite communauté rurale du sud oscillant entre solidarité un peu forcée, drames éludés et rancunes tenaces.
Malheureusement, cela est souvent parasité par des moments de transe de John Moon qui flirtent souvent avec l'incompréhensible et des dialogues pas toujours au niveau et dont on soupçonne l'humour que l'on y décèle parfois de ne pas être complètement volontaire :

« -C'était un accident.
Waylon sourit. « Quoi ? Me voler mon fric ou la buter ?
-Je l'ai prise pour un cerf.
-Un cerf ? Elle ne ressemblait pas du tout à un cerf !
-C'était une erreur. »

Le problème de Matthew F. Jones dans ce roman est peut-être simplement que s'il est un bon faiseur qui sait insuffler du rythme à son histoire, son imagination reste limitée et bien trop influencée par d'autres romans du même genre. Clairement, il n'arrive pas à nous surprendre vraiment et semble convoquer tous les poncifs du genre en espérant que cela donnera une histoire qui tiendra un tant soit peu. On a donc droit aux méchants très méchants, à l'ami au passé trouble, au voisin sympathique et plein de bon sens que le héros ne veut pas écouter, à la femme qui part pour trouver une vie meilleure, à l'avocat de province pas très compétent et au héros torturé et alcoolique dépassé par les événements mais qui a tout de même un bon fond. Et même au chien fidèle. Pour lier le tout, il manque donc toutefois une intrigue qui se tienne vraiment et une description psychologique des personnages qui soit bien plus fine.

Bref, si Une semaine en enfer est le genre de roman qui se laisse lire le temps d'un trajet en train ou d'une après-midi pluvieuse, il sera certainement vite oublié. Ce n'est pas grave.

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Dès les premières pages, on se doute qu'on va entrer avec ce John qui tue une fille à la place d'un cerf dans une spirale infernale qui va aller de mal en pis. le roman suit une semaine dans la vie de son (anti) héros, et celui ci cumulera chaque jour encore plus de déveine, de malheurs et de crasse en tous genre. On comprend vite que chaque chapitre à venir va noircir le tableau de la vie morose de ce red-nek mal inspiré.

Le livre ne lache jamais son héros qui sombre progressivement dans un cauchemar le plus opressant, et on ne peut pas dire qu'il soit suffisament armé intellectuellement et moralement pour s'en sortir.

L'écriture de Jones est précise, coupante, tendue comme un arc, mais j'avouerai que l'intrigue et le personnage m'ont laissé un peu de glace : on pense évidemment beaucoup aux films des frères Coen où des redneck de l'amérique profonde semblable à ce John se retrouvent également embarqués dans ce cercle de malchance , mais ici , fait défaut deux éléments essentiels à ce type de récit, la singularité et l'ironie.

Au bout du 3ème ou 4ème jour, on comprend vite que le destin de John va aller de mal en pis, et on s'en désinteresse malgré nous, en se disant que malgré le talent de plume de l'auteur, ce genre d'intrigue a été écrit et réalisé mille fois ailleurs, et en mieux...Du coup, on devrait avoir les mains de plus en plus moites, et à la place, on attend paisiblement que l'intrigue se termine...dommage!!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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John Moon, séparé de sa femme qui est partie en emmenant leur jeune fils, vit dans une caravane en pleine nature, non loin des terres ayant appartenu il y a plusieurs années à son père. Tentant de survivre tant bien que mal, il décide un dimanche matin d'aller traquer le cerf qu'il a aperçu lors d'une promenade en forêt, bien que ce ne soit pas la saison de la chasse. Il le retrouve et lui tire dessus mais ne fait que le blesser. Il se voit donc dans l'obligation de le poursuivre pour l'achever et arrive alors dans une ancienne carrière laissée à l'abandon depuis plusieurs années. A la vue de mouvements dans les fourrés, John pense tirer sur sa proie mais il découvre qu'il vient de tuer une jeune fille. Paniqué, il ne sait que faire et décide de cacher le corps. C'est alors qu'il tombe sur un sac rempli d'une coquette somme d'argent …
Je ne connaissais pas du tout l'auteur, qui semble pourtant avoir écrit plusieurs romans noirs dont un a déjà été adapté en film. Mais Une semaine en enfer est le premier de ses livres à être traduit en français, bien qu'il soit paru en 1996 aux USA. On y découvre John Moon, un homme à la dérive, qui est malheureux, qui n'a pas beaucoup d'espoir, qui végète. Sa femme veut divorcer, son enfant ne le connait pas et pleure quand il le voit, il effectue des petits boulots, souvent très physiques et ne se remet pas de la perte de la ferme familiale au décès de son père quand John avait 16 ans. Bref, il semble bien que John ne soit pas le plus brillant des hommes, même s'il est gentil et qu'il essaie, en général, de bien faire. Mais en plus de tous ces problèmes, en survient un de taille quand il tire malencontreusement sur cette jeune fille et qu'il trouve tout cet argent … c'est le début d'une spirale qui ne peut qu'amener encore plus de malheurs et comme le dit le titre, qui va provoquer une semaine en enfer. Les paysages, la faune, la flore, bref la nature en général, est omniprésente dans le roman, avec beaucoup de détails, qui permettent d'imaginer sans problème les scènes décrites. Par contre, dans le cas d'un roman noir, j'ai quand même trouvé que ces descriptions cassaient parfois un peu le rythme, qui est plutôt lent. Il arrive beaucoup de choses à John pendant cette semaine et il se pose beaucoup de questions mais je ne peux pas dire que l'histoire soit haletante. C'est quand même assez vite lu car le nombre de pages reste raisonnable … heureusement d'ailleurs, car plus de pages aurait sûrement alourdi un peu plus l'ensemble. Je suis restée assez perplexe devant l'attitude de John, hésitant entre la compréhension de ses réactions et l'envie de lui dire d'arrêter de faire n'importe quoi et d'agir enfin comme quelqu'un de raisonnable et de responsable ! du coup, je suis incapable de dire si je me suis attachée vraiment à lui. La fin est cynique mais m'a beaucoup plu, remontant mon impression globale du roman … comme quoi, une fin réussie peut faire basculer des ressentis quand ceux-ci sont incertains, comme ce fut mon cas pour cette lecture.
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Il suffit d'un instant pour changer le cours d'une vie. John Moon est un gars qui n'a pas de chance. Il vit seul dans une vieille caravane dans les bois. Depuis que sa femme l'a quitté, emmenant son fils avec elle, il se cantonne à des petits boulots. Il supporte mal de vivre ainsi sur les terres qui jadis appartenaient à sa famille, avant que son père ne soit ruiné.

Alors qu'il braconne, sur les traces d'un cerf qu'il a blessé, John Moon entend un bruit dans un fourré et, instinctivement, il tire. Derrière le buisson, au lieu du cerf qu'il visait, gît le corps d'une très jeune femme, morte, la poitrine trouée par une balle. Il découvre près d'elle un sac rempli de dollars, et sur elle une lettre adressée à une amie. Un terrible dilemme s'impose donc à lui : doit-il déclarer l'accident, et reconnaître ainsi son délit de braconnage ? Ou bien prendre l'argent et ignorer sa responsabilité dans la mort de la fille ? Moon fait son choix : il cache le corps et prend l'argent.
A partir de ce moment, John Moon, le chasseur, est devenu la proie.

La lettre qu'il a trouvée sur la jeune femme la rend plus présente à ses yeux, et renforce son sentiment de culpabilité. Chacune des décisions qu'il prendra par la suite, vont le précipiter au-devant de problèmes, dans une sorte de fuite en avant. En pensant faire pour le mieux, il accumule les mauvais choix.

« John se méfie de ses propres pensées. Il se sent mal à l'aise, comme si en ce premier jour entier de sa nouvelle vie il ne s'était pas encore habitué à une autre façon de penser. Il suspecte tous ceux qui le regardent de deviner qu'il dissimule un sombre secret. Dans son esprit, il n'arrête pas de revoir l'éclair marron et blanc qui était la fille morte, l'herbe aplatie qu'il a remarquée sur la route avant de lui tirer dessus, puis la pelle-pioche contre la paroi de la carrière. »

Le personnage de Moon est assez complexe. C'est une vraie calamité : chacune de ses initiatives, même la plus anodine, enchaîne des réactions catastrophiques. C'est un perdant qui, jusqu'à ce jour, a subi les évènements, davantage spectateur qu'acteur de sa vie.

« Tout à coup, il est furieux contre la fille morte de lui faire voir qu'il est aussi lâche que la majeure partie de l'humanité. Il arrête de marcher et se touche le front du revers de la main. On dirait de la viande à température ambiante. « Tu es morte et moi pas, lui dit-il. Et je veux pas aller en prison, d'accord ? »
Il évolue entre le rêve et l'instant présent, vivant son cauchemar dans sa chair autant que dans son esprit enfiévré. On se demande toujours quel est le sentiment qui prédomine chez lui, entre la moralité induite par son sentiment de culpabilité, ou bien sa cupidité.

L'auteur a le talent de nous faire accueillir favorablement chacune des mauvaises décisions de John. Son entêtement à se foutre dans la merde finit par générer une certaine sympathie à son encontre, lui qui cherche son chemin vers la rédemption.

La narration est fluide, l'auteur passe avec brio de la réalité au fantasme. Incroyablement sombre, et parfois déprimant, il y a peu de lumière dans ce roman particulièrement noir.
« Il rêve d'incendie, d'hectares de flammes orange aussi hautes que les arbres qu'elles dévorent. D'une conflagration, attisée par un vent violent. D'un pan de montagne entier s'élevant comme une chandelle romaine. D'un brasier qui anéantit les plantes, les animaux, les humains ; infeste l'air de son souffle ; soulève la terre ; transforme les chairs en fumée et les os en cendres ; n'épargne aucune vie, grande ou petite. Après l'incendie, sur le champ calciné de Dieu, ne s'étend plus qu'un silence de mort. »

L'ambiance de ce roman, la galerie de personnages secondaires très disparates, parfaits archétypes de « rednecks » de cambrousse, ainsi que l'omniprésente nature, m'ont fait penser à maintes reprises au film « Deliverance » de John Boorman. On y trouve la même noirceur, la même sauvagerie et la même déréliction.

Dans la lignée des grands écrivains de « nature writing », Matthew F. Jones signe là un roman âpre et sauvage, un mélange puissant d'amour et de violence, d'une sombre flamboyance. Un très bon moment de lecture.
Lien : https://thebigblowdown.wordp..
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critiques presse (1)
Lexpress
24 janvier 2013
Une semaine en enfer est un roman des marais du sud des Etats-Unis, là où le temps semble s'être arrêté au quotidien des habitants, un texte sur les sables mouvants de la culpabilité, où John et les autres sont à la fois juges, avocats et coupables de leur propre existence. Quand le verdict tombe, c'est la littérature qui gagne.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Les gosses s'enfuient au bout de l'allée. Par delà la musique dans son pick-up, John entend quelqu'un crier : "va te faire foutre, chef!"
Puis la voix dans le mégaphone dit : "gare-toi, Moon. Coupe le moteur et pose les mains sur le volant!"
[...]
John pense : "De tous les flics du monde, il fallait que je tombe sur ce putain de Ralph Dolan!"
[...]
"Enlève tes foutues lunettes, Moon."
John les enlève et cligne des yeux face au soleil aveuglant.
"Tu as la gueule de travers, Moon."
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Les morts qui ne trouvent pas la paix, ceux auxquels leurs proches n'ont pas accordé le repos de la terre, habitent les arbres, les buissons, les oiseaux et les animaux de la montagne. Leurs yeux sont le soleil et la lune ; quand l'un s'ouvre, l'autre se ferme. Leurs paroles sont les étoiles, leur tristesse les nuages, leurs doigts le vent. Ils regardent, parlent et touchent sans que les sentent les vivants...
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Il rêve d'incendie, d'hectares de flammes orange aussi hautes que les arbres qu'elles dévorent. D'une conflagration, attisée par un vent violent. D'un pan de montagne entier s'élevant comme une chandelle romaine. D'un brasier qui anéantit les plantes, les animaux, les humains ; infeste l'air de son souffle ; soulève la terre ; n'épargne aucune vie, grande ou petite.
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Tout à coup, il est furieux contre la fille morte de lui faire voir qu’il est aussi lâche que la majeure partie de l’humanité. Il arrête de marcher et se touche le front du revers de la main. On dirait de la viande à température ambiante. « Tu es morte et moi pas, lui dit-il. Et je veux pas aller en prison, d’accord ? »
Elle ne répond pas.
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Tels des vers parasites, les frémissements des premières lueurs rongent le corps mourant de la nuit. Le brouillard qui se lève dégage une odeur organique ensommeillée. John traverse la route et longe le champ de maïs pour rejoindre son pick-up. Du chalet lui parvient une détonation. Un unique coup de feu.
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Video de Matthew F. Jones (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Matthew F. Jones
Deepwater, film américain du genre thriller réalisé par David S. Marfield en 2005. Avec Lucas Black, Peter Coyote, Mia Maestro.
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