Je crois que j'ai l'esprit de contradiction. Ce qu'il y a de positif à ça, c'est qu'au moins, j'ai un esprit - et au départ, c'est pas évident. Bon… il est pas souvent d'accord, mais on s'en arrange.
Aussi, quand une autrice me dit "Non mais mon livre, c'est vraiment pas ton genre, je suis pas sûre que tu aimes", mon esprit répond "Challenge accepted !".
Et c'est ainsi que mes discussions avec la discrète
Josepha Juillet (j'ai mis 3 mois à comprendre qu'elle écrivait des livres) et nos échanges sur nos différents coups de coeur littéraires m'ont amené à la découverte de la Terre des Ombres, avec ce premier tome, La Nation des Bulles.
Bienvenue dans la Terre des Ombres. Pour une raison inconnue, Ombres et Humains sont en guerre. Ces derniers se sont retranchés dans des Bulles, espaces clos baignés d'une lumière constante dans laquelle aucune ombre ne peut s'immiscer. Aucun espoir de paix entre ces deux peuples, encore moins depuis la disparition quelques années plus tôt de la dernière Chuchoteuse, seules personnes capables de communiquer avec les Ombres. Jusqu'à l'apparition d'Adèle, la dernière Chuchoteuse…
Rien ne prédestinait la jeune Adèle à devenir Chuchoteuse : insignifiante, pas toujours très disciplinée, l'Archiviste menait une vie aussi tranquille que solitaire quand son pouvoir va se révéler aux yeux du monde. Face à ces bouleversements, elle va devoir choisir sur qui compter : Morgan, son chef, mentor et figure paternelle ? Leo, le militaire aussi bienveillant que beau gosse ? Ben, l'irascible Archiviste ? L'Impératrice, puissante et intraitable ? Ou la mystérieuse Yuni, dont on ne sait rien, si ce n'est son lien particulier avec les Ombres ?
Allons droit à l'essentiel : si ce premier essai n'est pas parfait, j'ai bien aimé (et toc !).
Parmi les (nombreux) points positifs, citons déjà l'univers de cette Terre des Ombres : l'idée est originale, avec un concept des Ombres plutôt ingénieux, associé à une mystique qui intrigue et donne envie d'en savoir plus. Rapidement, on souhaite comprendre ce que sont les Ombres, pourquoi elles sont en guerre avec les Humains et quelles sont les forces réellement en présence dans ce conflit. On sent que
Josepha Juillet a cherché à construire un univers au background riche, et sur ce point, c'est réussi.
Pour autant, le pitch semble plutôt (trop) classique : une menace latente, des intrigues politiques, une héroïne que rien ne prédestinait à porter les espoirs d'un peuple sur ses frêles épaules… J'ai retrouvé un peu d'Agnieszka, l'héroïne de
Déracinée (
Naomi Novik) dans cette Adèle au caractère bien trempé, héroïne malgré elle qui doit apprendre à vivre avec son nouveau statut de personne exceptionnelle. Et comme avec Agnieszka, j'avoue avoir été un peu gêné par cette facilité avec laquelle cette jeune fille, au talent incroyable et au charisme évident, arrive à se dénigrer continuellement.
Autour de cette Adèle un brin complotiste sur les bords - nota : elle ferait une excellente Bene Gesserit -, gravite une galerie de personnages plutôt réussie, aux caractères bien trempés et aux zones d'ombres qui peuvent toutefois expliquer la petite tendance paranoïaque de la mortelle Adèle. Les interactions entre les personnages, leurs dialogues verbaux et non verbaux sont une franche réussite, et l'autrice trouve très rapidement le bon rythme, insufflant à ces relations une dynamique très intéressante.
Au final, le bilan est extrêmement positif, malgré quelques petites erreurs de jeunesse : ce premier tome très introductif pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses, et a une petite tendance à faire un peu trop de teasing pour la suite.
Néanmoins, on ne peut reprocher la générosité de l'autrice dans son livre : proposer un roman accessible, avec une héroïne forte - même si elle ne l'assume pas -, et, plus que le message légèrement féministe, la question du rapport au corps aussi inattendue qu'intéressante.
En synthèse, une jolie balade dans cette Nation des Bulles, qui invite à découvrir la suite des aventures d'Adèle.
En bref
La Nation des Bulles est faite pour toi si… tu aimes les filles fortes mais pas trop,
Déracinée de
Naomi Novik et un peu la danse, aussi !
J'ai aimé :
- Un univers original, avec un concept bien trouvé
- Des dialogues dynamiques
- Une jolie galerie de personnages…
J'ai moins aimé :
- … malgré la tendance complotiste d'Adèle
- Parfois un peu trop classique
- Quelques petites "erreurs de jeunesse" sur la forme